INTERVIEW

YEUX DE SA MERE (LES)

© Mars Distribution

LES YEUX DE SA MERE


Thierry Klifa

réalisateur


Journaliste :
Quand vous avez imaginé l’histoire, quels sont les premiers personnages auxquels vous avez pensé ?

Thierry Klifa :
Au départ, il y avait l’envie de retrouver Catherine Deneuve et Géraldine Pailhas. J’avais envie d’écrire pour elles l’histoire d’une mère et d’une fille où les rapports seraient, si ce n’est conflictuels, en tout cas quasi-inexistants. Et très vite est arrivé le personnage du jeune garçon en Bretagne, qui lui seul connaîtrait le secret d’une de ces deux femmes et l’histoire de cet écrivain, qui s’immisce dans la vie de ces trois personnages.

Journaliste :
Et comment avez-vous choisi les différents milieux qui servent de toile de fond ?

Thierry Klifa :
L’idée que Lena Weber soit une journaliste très célèbre m’intéressait sur plusieurs points. Surtout sur le fait qu’à son époque, pour percer dans le milieu du journalisme -qui était essentiellement masculin-, elle avait dû davantage se consacrer à son métier qu’à sa vie de mère. Et pour l’univers de la danse, je savais que Géraldine avait été danseuse jusqu’à l’âge de 17 ans avant de devenir actrice. Ce que je ne savais pas, c’est si elle serait capable de remettre ses chaussons.

Journaliste :
Pourquoi avoir choisi la Bretagne ? Pour un contraste avec le milieu urbain ?

Thierry Klifa :
J’avais besoin que cela tranche au niveau des milieux, que l’on aille de l’Espagne à la Bretagne avec Paris au centre. Je voulais aussi trouver quelqu’un qui vivait dans un milieu complètement déconnecté de cette réalité parisienne. Et il est vrai que je connais bien la Bretagne, pour y avoir passé mes étés étant enfant. Finalement, en France, c’est un peu le bout du monde. J’aimais l’idée de ces grands espaces qui trancheraient avec les décors urbains de Paris.

Journaliste :
Quand vous construisez une histoire avec beaucoup de ramifications, est-ce que vous savez où vous allez ? Ou sont-ce les personnages qui vous emmènent au fil de l’écriture ?

Thierry Klifa :
Quand nous écrivons, Christopher Thompson et moi, nous partons des personnages pour aller vers une histoire. Là, nous avions la volonté de faire un thriller sentimental avec les codes du mélodrame –que j’assume pleinement- et d’en faire une histoire très contemporaine. C’est un film avant tout sur la filiation, l’idée de transmission. La limite du mélodrame étant de ne pas tomber dans le ridicule, dans le pathos je dirais.

Journaliste :
Vous écrivez tous vos scénarios à quatre mains avec Christopher Thompson. En quoi votre travail est-il complémentaire ?

Thierry Klifa :
Il est complémentaire car nous sommes très différents. C’est quelqu’un de plus raisonnable que moi, qui suis plus volcanique, plus passionné. Nous avons été amis longtemps, puis nous nous sommes mis à écrire ensemble. Quand on passe autant de temps avec quelqu’un, on lui dit des choses qu’on ne lui aurait jamais dites avant, et c’est cela qui nous a rapprochés. Mon côté excessif et son côté plus réservé nous permet finalement de trouver un équilibre.

Journaliste :
Il y a une idée de mensonge et de non-dits dans cette famille. Est-ce que vous avez construit le personnage de Mathieu, qui ment de part son métier, pour faire un parallèle ?

Thierry Klifa :
C’est très juste. Je dirai qu’il y a de nombreux types de mensonges. Ici, c’est une famille où l’on ne s’est pas dit grand-chose. Il y a parfois des tiroirs qu’on ouvre trop tard, sinon jamais. Moi, j’ai toujours été fasciné par ce que l’on pouvait apprendre de la vie des gens, une fois qu’ils étaient morts par exemple. Et là, c’est le personnage de Mathieu -qui vit dans le déni- qui va faire exploser les secrets de la famille. Tout en la détruisant, il va finir par la réunir. D’une certaine manière, il va finalement faire le bien.

Journaliste :
Pour revenir sur le personnage de Mathieu, on ne sait pas vraiment dans le film s’il est amoureux de Maria ou s’il la manipule jusqu’au bout. Qu’en est-il ?

Thierry Klifa :
Les deux ! (rires) Il commence par la manipuler, puis les sentiments apparaissent. C’est un personnage qui, pendant le film, se retrouve au centre de l’attention. Il va en être troublé car il se découvre autrement. La sincérité dont il est témoin le dépasse. Il ressent des choses qu’il n’avait pas ressenties depuis très longtemps.

Propos recueillis par Anne-Claire Jaulin
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