INTERVIEW

SOEURS FACHEES (LES)

© Pan Européenne Edition

LES SOEURS FACHEES


Alexandra Leclère et Catherine Frot

réalisatrice et actrice


La réalisatrice admet qu’elle avait réalisé un court métrage sur pratiquement le même sujet, c’est à dire une rencontre entre un bonheur et un malheur. Elle s’est attaché à l’écriture d’un long, il y a 5 ans, puis a réalisé son court et est passée directement au long. Quelque part, elle avoue avoir observé pendant près de 40 ans. Elle est consciente d’avoir eu un casting de choix pour son premier long métrage. Elle indique d’ailleurs avoir pensé aux deux actrices très fort, lors de l’écriture, en songeant à leurs différences.

Elle a souhaité montrer qu’à partir du même vécu de base, deux sœurs peuvent dévier, et avoir un âge adulte totalement différent. Isabelle Huppert a développé une dépendance à l’argent, elle est devenue fermée et malheureuse. Et sa sœur vient lui mettre sous le nez ce qu’elle ne veut pas se rappeler, d’où le drame. Quelque part, l’une a pardonné, l’autre pas. Catherine Frot précise que son personnage est une proposition de la provinciale, qui est plus finalement un choix d contraste par rapport à la parisienne, qui est aussi bien gratinée.

La réalisatrice précise qu’il a été aisé de diriger des actrices déjà chevronnées. Les deux auraient pu échanger leurs rôles, l’exercice devant certainement être plus difficile pour Huppert. Et Catherine ajoute qu’elle aurait en effet aimé. Mais que le « mieux du mieux » aurait été que la même actrice joue les deux rôles. Ce serait « un rêve d’actrice ». Ce qui lui a plu dans ce rôle, issu d’un sujet classique et assez simple, est surtout la dimension burlesque. Cela lui demandait s’assumer des contrastes forts, entre cruauté et légèreté, surtout à partir de la scène du dîner.

Cette scène a d’ailleurs été primordiale. Elle avoue qu’il fallait se lancer, mais que cela s’est fait assez vite. Cette scène est pour elle le cœur de film, le moment où elle commence à pouvoir semer la zizanie. Lorsqu’un journaliste demande si la scène de la lettre n’est pas aussi primordiale, la réalisatrice affirme que cette lettre est bien réelle, malgré son côté abrupte. Elle aime d’ailleurs la manière dont les deux sœurs en souffrent toutes deux. C’est quelque chose qui les réunit d’une manière forte. Elle n’imaginait d’ailleurs pas les laisser fâchées. Même si la fin lui paraît être un happy end édulcoré. Pour elle, Martine (Huppert) fait un pas, elle a compris des choses, et fait donc un bout du chemin.

Louise vit dans une sorte de fantasme du bonheur, une illusion, selon Catherine Frot. Elle protège en fait sa sœur, comme lorsqu’elle a déjà signé le contrat pour le bouquin, et le lui cache. Martine, elle, est enferrée dans quelque chose. Il y a une dimension de mélo dans son film, la réalisatrice en est consciente. Il y a comme un état de crise qui monte, puis une sorte de calme après la tempête. Pour la réalisatrice, il est souvent difficile de se rendre compte des jalousies qui existent entre sœurs. Et si elles sont fâchées, ce n’est qu’un état provisoire. C’est pour cela qu’elle tenait particulièrement au titre du film. Pour marquer ce fait temporaire.

La rencontre avec Isabelle Huppert n’a pas été un problème pour Catherine Frot. Il s’agissait surtout de trouver ses marques, Huppert étant plus cérébrale que Frot, qui avoue avoir besoin de construire. « Ce qui est intéressant c’est de chercher là où c’est difficile de jouer, car quand on s’entend trop, il y a comme une molesse » affirme-t-elle. Dans un premier temps, il fallait oublier l’admiration, et rentrer dans le travail. Et ce fut finalement assez plaisant de se regarder en chiens de faïence. Finalement son personnage est un peu « dans le coup », elle est in, pas out. Comme toute personne qui a l’air bien, elle transmet le bonheur, même si ici cela dérange.

Catherine Frot ajoute qu’elle est très fière du chapeau qu’elle a elle même trouvé. Au départ, il s’agissait d’un bonnet assorti à l’écharpe. Mais le tournage ayant lieu début avril, cela paraissait bizarre. On aurait dit qu’elle venait du bord de mer. Elle a aussi pris beaucoup de plaisir à tourner la scène du sourire en chocolat (chaud). La réalisatrice la rejoint sur cette note de petit plaisir partagé. Cela leur paraissait poétique, en rendant le personnage un peu abstrait. Il a fallu tartiner du chocolat sur tout le bord du bol, cela fut difficile à faire. Mais le résultat leur paraît symbolique des choses de l’ordre de la farce, qui font le quotidien. Ici, il s’agissait simplement d’un sourire.

OB
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