INTERVIEW

PROPRIETE INTERDITE

© Epicentre Films

PROPRIETE INTERDITE


Hélène Angel et Sylvie Pialat

réalisatrice-scénariste et productrice


Journaliste :
Cette maison charrie une certaine charge émotionnelle...

Hélène Angel :
Elle n'était pas si angoissante au début. On l'a beaucoup redécorée. Il fallait surtout qu'elle puisse accueillir toute une équipe pendant un mois. Il est vrai que je suis très sensible à l'esprit des lieux. Dans mon précédent film [ « Rencontre avec le dragon » ], il s'agissait de grands espaces ; dans celui-ci il s'agit plus de claustrophobie. Je voulais débuter comme dans une série B, avec un couple qui arrive dans une maison... puis éclater les codes, tout en partant du « genre ».

Journaliste :
Quelle a été l'idée de départ ?

Hélène Angel :
Avec Sylvie [Pialat], on voulait travailler sur la peur, la violence, les cauchemars... Elle m'a dit, « mais fait un film de genre ! » Dans le fond, la peur permet de parler d'autre chose. Il y a bien sûr le message politique de la fin, propre à beaucoup de films de genre...

Journaliste :
Étrangement, lorsque le mari découvre le trou dans la cave, il ne le rebouche pas. Du coup, on pense que vous allez exploiter la possibilité qu'il essaye lui-même de rendre sa femme folle. Mais il n'en est rien...

Hélène Angel :
On y a pensé, mais cela aurait été un film de machination. J'aime bien l'idée cependant que le spectateur puisse se mettre à douter de tout. Quand il rebouche le trou, il met un peu comme du sparadrap sur une jambe de bois. Pour lui, la chose est inconcevable, il se retrouve un peu face à ses propres peurs, et surtout, il ne veut pas rajouter à la panique ambiante, ou plutôt à celle de sa femme. Par rapport à la notion même de couple, cela m'intéressait de développer l'idée de l'altérité, que quelque chose d'extérieur va le détruire...

Journaliste :
C'est le mensonge qui détruit le couple ?

Hélène Angel :
On peut le voir comme cela. En fait, les spectateurs réagissent très différemment. Comme dans beaucoup de familles, mes personnages héritent, avec la maison, de quelque chose qui n'est pas réglé.

Journaliste :
Pourquoi ce titre ?

Hélène Angel :
On a changé souvent. Pendant très longtemps, c’était même « faites demi-tour dès que possible ». Mais la scène qui expliquait le titre, celle du GPS, a été supprimée.

Sylvie Pialat :
Au début, on était plutôt contents de ce titre, mais on sait que pour le spectateur, demander « 2 places » pour « faites demi-tour...” était un peu risqué...

Hélène Angel :
Et puis c'était le même titre qu'un film américain avec Robert Redford. Je souhaitais pour une fois un titre court et simple. Et « propriété interdite » est arrivé, avec toutes ses significations possibles...

Journaliste :
Comment a été fait le choix du casting ?

Hélène Angel :
Pour le rôle joué par Charles Berling, il fallait quelqu'un de rassurant et qui puisse être ambigu en même temps. Il nous fallait aussi construire un couple qui fonctionne. Avec Valérie Bonneton, on voulait essayer autre chose. On ne l'avait jamais vu dans un premier rôle. Elle est souvent cantonnée aux rôles de la copine rigolote...

Sylvie Pialat :
Il fallait qu'on se dise qu'ils sont ensemble depuis longtemps... et qu'on ne va pas nous raconter leur histoire, mais les trouver à un moment critique...

Hélène Angel :
Quant à Vassil, il n'est pas comédien. On l'a découvert lors d'un casting dit « sauvage » (quand on va chercher les gens là où l'on pense les trouver...). Il y a quelque chose de l'ordre de la vérité, du documentaire, avec lui... Il nous fallait chercher un Rom, la figure de l'étranger qui gêne. Et on a été un peu rattrapés par l'actualité... C'est vrai que du coup, on lit ce choix d'une manière différente aujourd'hui. C'est un personnage que je défends, mais il n'a rien d'angélique. Dans le fond, la fin est assez pessimiste, car il n'y a pas de rapprochement possible: lui poursuit toujours le même objectif, et ne rentre jamais dans sa logique à elle...

Propos recueillis par Olivier Bachelard
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