© Sophie Dulac Distribution
réalisateur et comédien
Journaliste :
Quand on Ă©crit un film de fiction Ă partir dâun personnage rĂ©el, oĂč se trouve la ligne de partage, si il y en a une, entre la rĂ©alitĂ© et la fiction ?
Thierry Jousse :
Cela me semble plus simple de crĂ©er un personnage de fiction Ă partir dâun personnage rĂ©el, car on a tout de suite plus dâĂ©lĂ©ments qui peuvent nourrir la fiction. Ici le hĂ©ros sâapproche un peu de Philippe, mais aussi de ma biographie personnelle. Jâai beaucoup pensĂ© Ă mon frĂšre qui est restĂ© 10 ans sans voir mes parents. Un rapport compliquĂ© avec le pĂšre, etc⊠En fait, je nâai pas prĂ©sentĂ© le film Ă Philippe comme un portrait de lui. Ce film est la continuitĂ© dâune amitiĂ©, on aime beaucoup travailler ensemble. Certes, au dĂ©but, on sâest beaucoup nourri dâexpĂ©riences personnelles, mais ce film est avant tout une fiction.
Journaliste :
Philippe, vous mettez actuellement beaucoup vos parents en avant, sur la pochette de votre dernier album par exemple. Votre mĂšre chante dâailleurs dans lâune de vos chansons. Est-ce un total hasard ou cela a t-il un rapport avec le film ?
Philippe Katerine :
Jâai enregistrĂ© le disque juste aprĂšs le tournage du film. Jâai eu lâimpression Ă ce moment-lĂ de revenir dâun long voyage. Je nâai pas lâhabitude dâĂȘtre sur un plateau de cinĂ©ma. Pendant un mois entier, jâai Ă©tĂ© bringuebalé⊠sans souffrances, avec lâimpression de ne pas parler exactement la langue. Du coup, en Ă©crivant ensuite mes chansons, jâai eu envie de retourner sur des terres connues, et ainsi mes parents se sont imposĂ©s, sans quâils le veulent dâailleurs, dans le disque ! Jâavais besoin dâun bon bain chaud, de tartines grillĂ©es, dâodeurs que je connaisse en somme.
Journaliste :
Pourquoi avoir donné ce titre au film ?
Thierry Jousse :
Oui, je reconnais que câest un titre un peu Ă©trange. Câest un phrase tirĂ©e dâun film de Jean-Pierre Mocky des annĂ©es soixante : âla citĂ© de lâindicible peurâ. Je ne lâai pas trop dit jusquâĂ prĂ©sent, de peur quâil nous attaque en justice, mais maintenant le film sort en salle, alors nous verrons bien. Le titre mâest venu trĂšs tĂŽt. Pourquoi ? Je ne sais pas trĂšs bien, peut-ĂȘtre pour montrer que le personnage fait Ă©cho au paysage, dans cet entre-deux oĂč il se retrouve Ă ce moment de sa vie, cet espace trĂšs familier et complĂštement Ă©tranger.
Journaliste :
Et vous Philippe, vous sentez-vous comme dans no manâs land ?
Philippe Katerine :
Oui, dans la mesure oĂč il faut toujours re-peupler un paysage. Il faut toujours combler le vide, prĂ©voir un arbuste, une construction. Puis au fur et Ă mesure quâon construit, ça se dĂ©truit. Le personnage est dans cet Ă©tat dâesprit, tel un paysagiste permanent.
Journaliste :
Est-ce que vous avez dĂ©jĂ eu des rĂ©actions extrĂȘmes de la part de vos fans ?
Philippe Katerine :
Oui, cela mâest arrivĂ© de ressentir un certain danger. Comme avec cette personne qui est restĂ©e sur le pas de ma porte, Ă Ă©couter les chansons que jâĂ©tais en train dâĂ©crire. Puis au moment oĂč je suis sorti acheter une biĂšre, je dĂ©couvre cette personne qui me dit que ce que je suis en train de faire est vraiment de la merde. Donc oui, ce genre de choses peut arriver. Enfin, dans le film câest poussĂ© Ă lâextrĂȘme, bien entendu.
Journaliste :
Ătes-vous dans le mĂȘme Ă©tat lorsque vous montez sur scĂšne, que lorsque vous tournez un scĂšne de cinĂ©ma ?
Philippe Katerine :
La scĂšne peut devenir, et câest un danger, une habitude, puisque cela peut parfois ressembler, hĂ©las, Ă une rĂ©citation. Alors quâau cinĂ©ma, le texte est toujours diffĂ©rent, les partenaires changent ainsi que les dĂ©cors et les costumes. Câest plus dĂ©contractĂ©. Avec Thierry, je me sentais moins responsable. ça mâa beaucoup plu.
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