© Diaphana Films
réalisateur et actrice
Rencontre avec le réalisateur Martin Provost et l’actrice Yolande Moreau à l’occasion de la sortie du film Séraphine sur les écrans le 1er Octobre 2008.
Journaliste :
Les peintures filmées sont les tableaux originaux de Séraphine ?
Martin Provost :
Ce sont les œuvres refaites.
Journaliste :
Et pour les mélanges, les couleurs, elle procédait vraiment de cette manière ?
Martin Provost :
J’imagine. J’ai imaginé. Mais elle n’a jamais donné ses secrets sur les couleurs. Par contre on sait qu’elle allait vraiment voler l’huile dans les églises !
Journaliste :
Il y a un rapport assez violent à la nature. Par exemple, Séraphine ne cueille pas les fleurs, elle les arrache…
Martin Provost :
La matière est rugueuse. De toute façon, la nature est un univers violent.
Yolande Moreau :
Elle arrache puis je pense qu’elle fait un tri, à la maison.
Martin Provost :
Saisir, s’emparer, palper, ce sont des choses animales, des gestes sans joliesse.
Journaliste (à Yolande Moreau):
Et ça vous a donné envie de peindre ?
Yolande Moreau :
Je me suis bien amusée ! Il fallait trouver des gestes, une crédibilité et donner l’impression d’avoir l’habitude. Séraphine peignait avec ses doigts, presque avec tout son corps.
Martin Provost :
Et ça n’a d’ailleurs rien de la peinture naïve. Uhde, en créant le terme de « primitifs modernes » l’a sauvée. Il l’a fait appartenir à un courant, à la création d’une époque.
Journaliste :
La nature et les tableaux ressortent, vifs en couleur, par rapport à ces vies de l’époque plutôt âpres, ternes…
Martin Provost :
Oui, c’est ainsi que je le voulais. Il a fallu trouver une pellicule très sensible, avec du grain. Laurent Bonnet a cherché, puis un jour, en avril/mai, il m’a montré des essais qu’il avait fait à la campagne. C’était ça. C’est très agréable, quand la personne avec qui vous travaillez comprend parfaitement ce que vous attendez, et trouve une solution !
Journaliste :
Comment s’est passé le tournage ?
Martin Provost :
Le film a été tourné dans l’ordre, ce qui est assez rare. On a fini par l’asile. Bien sûr, il y avait le scénario, et il y avait ce qu’on faisait…
Journaliste :
Si Yolande Moreau n’avait pas joué dans le film, vous ne l’auriez pas fait ?
Martin Provost :
Non. Non, parce que c’était tellement évident. J’ai d’ailleurs été très surpris quand, durant mes recherches en bibliothèques, j’ai trouvé un petit portrait de Séraphine de face, fait par un de ses voisins. (À Yolande) : C’était toi ! J’ai également été séduit et intrigué par la maison que nous avons trouvée dans l’Oise, pour le film. Depuis 1840 elle n’avait pas été refaite, l’intérieur n’avait quasiment pas bougé !
Journaliste (à Y.M) :
Est-ce que c’est délicat, différent de travailler comme comédienne quand on est également réalisatrice et metteur en scène ?
Yolande Moreau :
Non, non. Comédienne, c’est mon premier métier.
Martin Provost :
Yolande est extrêmement disponible, présente.
Journaliste :
Comment avez-vous travaillé avec elle ?
Martin Provost :
S’opère un abandon progressif au personnage. Nous avions le souci très aigu de ne pas jouer, mais d’être. Mais chaque acteur, comme un instrument de musique, est différent…
Journaliste :
Et Ulrich Tukur ?
Martin Provost :
C’est Yolande qui me l’a présenté. J’avais un peu peur au début parce qu’il était un peu rond. C’est un bon vivant ! Je craignais la présence de deux corps ronds à l’image. Il s’est mis au régime ! Je mets tout le monde au régime, à chaque fois !
Journaliste :
Une part de folie irait-elle de paire avec le génie créatif ?
Martin Provost :
C’est un mouvement qui vient de l’intérieur et qui va vers l’extérieur. C’est une énergie puissante qui revient contre soit et qui vous étouffe, si elle est interrompue. Séraphine, c’est troublant, a commencée à sombrer dans la folie quand elle s’est arrêtée de faire des ménages. Elle était à quatre pattes physiquement pour le ménage, et à quatre pattes également pour peindre.
Journaliste :
Il y a eu plein de parutions, de rééditions, même le montage d’une exposition monographique au musée Maillol grâce au film…
Martin Provost :
Oui, Anne-Marie Uhde est morte en 1985, âgée. Dina Vierny (collectionneuse, fondatrice de la collection Dina Vierny et à l’origine du musée Maillol à Paris), lui avait acheté la collection de son frère en viager (pour qu’elle puisse lui survivre, parce qu’il est mort tôt. Ils avaient tous les deux une grande différence d’âge).
Journaliste :
Vous allez faire quoi, maintenant ?
Martin Provost :
Je m’occupe de « Séraphine » ! On m’a commandé un ouvrage sur mon expérience avec Séraphine.
Yolande Moreau :
J’ai des idées.
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