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réalisateur
JEON Soo Il, cinéaste et fondateur de la société de production “Là où le soleil se lève”, compte déjà six films à son actif.
Ses premières oeuvres, inédites en France, traitent des tourments de la vie d’artiste et décrivent des personnages le plus souvent coupés du monde réel. Par exemple, l’écrivain en devenir dans l’”Echo du vent en moi”, présenté au festival de Cannes dans la catégorie Un certain regard en 1997, ou encore le professeur cherchant à faire un film sur son obsession pour les oiseaux dans “The bird who stops in the air”, film d’inspiration fortement autobiographique présenté à la Mostra de Venise en 1999. Son cinquième film, “La petite fille de la terre noire”, marque un tournant dans sa carrière, puisqu’il raconte le destin d’une enfant confrontée à une situation familiale et sociale tragique.
Ce film, à la fois esthétique et d’un réalisme cinglant, a ému le jury du festival du film asiatique de Deauville 2008, qui lui a décerné sa plus haute distinction. Pourtant il n’est sorti qu’en Corée (seulement six salles), au Japon et en France, le seul pays occidental à le distribuer.
Journaliste:
Etes-vous considéré comme un cinéaste marginal en Corée ?
JEON Soo Il:
Non, disons que je suis connu principalement des cinéphiles et des étudiants en cinéma. Je suis moi-même professeur, et ma présence dans les festivals a contribué à me forger une bonne notoriété, en tant que cinéaste indépendant et auteur.
Journaliste:
De quoi parle votre film “La petite fille de la terre noire” ?
JEON Soo Il:
C’est l’histoire d’un village minier de la province de Kangwon, gagné peu à peu par la désolation. Les mines ferment, les maisons sont détruites. Les ouvriers sont victimes de maladies des poumons mais ils ne peuvent accéder aux soins, car seuls ceux qui développent une deuxième maladie peuvent toucher des indemnités. Donc ils se détruisent eux-mêmes en fumant et en buvant. Ce qui m’intéresse est de comprendre comment leur famille parvient à faire face. D’une situation bien réelle, j’ai tiré une fiction.
Journaliste:
Ce film est-il une dénonciation de la société contemporaine coréenne ?
JEON Soo Il:
Oui peut-être, à travers la dénonciation d’un système social qui ne permet pas aux personnes malades d’accéder aux soins. Mais l’impact politique du film est limité, ne serait-ce que parce qu’il n’a été projeté que dans six salles en Corée. Avec ce film, je me suis surtout intéressé à l’aspect social des choses, au destin d’un village minier voué à disparaître.
Journaliste:
Les femmes sont quasiment inexistantes de votre film : absentes, comme la mère, ou littéralement hors champs. Le monde que vous décrivez est-il uniquement masculin ?
JEON Soo Il:
Oui. J’ai remarqué lors de mes multiples visites dans les villages miniers que ceux-ci comptaient peu de femmes. En réalité, elles ne supportent pas cette vie. Il arrive souvent qu’elles la fuient en laissant maris et enfants.
Journaliste:
La petite fille est-elle le symbole d’une génération sacrifiée ?
JEON Soo Il:
En un sens. Dans les régions minières, les enfants sont souvent amenés à assumer un rôle d’adulte. Même à Séoul, beaucoup sont livrés à eux mêmes, surtout depuis la crise économique.
Journaliste:
Le film recourt très peu aux dialogues et à la musique. Comment avez-vous dirigé les enfants pour parvenir à une telle performance ?
JEON Soo Il:
Effectivement, je n’aime pas mettre beaucoup de dialogues dans mes films. Je préfère montrer les choses par les images. Avant de tourner dans « La petite fille de la terre noire », la fillette avait déjà joué dans une série TV, où elle incarnait une enfant sauvage. C’est d’ailleurs pour cela que je l’ai choisie. Elle était très douée, nous n’avons quasiment pas répété et je n’ai pas eu besoin de lui expliquer comment jouer. Je lui ai simplement demandé de ne pas être trop expressive. Pour le garçon, c’était différent. Il n’avait jamais fait l’acteur et son rôle était difficile, j’ai donc dû passer du temps à le préparer.
Journaliste:
L’histoire se déroule en hiver. Est-ce par souci d’esthétisme ?
JEON Soo Il:
Oui, je voulais des couleurs simples et uniformes, comme s’il s’agissait d’une peinture orientale. Seules les portes sont colorées, comme pour évoquer les estampes chinoises qui représentent des paysages et sur lesquelles il n’y a qu’un tâche de couleur, le rouge du tampon.
Journaliste:
Depuis « La petite fille de la terre noire », vous avez réalisé un 6e film. Quand sortira-t-il en France ?
JEON Soo Il:
Je ne sais pas, il faudra voir comment il sera accueilli dans les festivals. Il s’intitule « Himalaya, là où demeure le vent » et retrace le voyage d’un cadre supérieur au Népal, effectué dans le but de rapporter les cendres d’un travailleur immigré à sa famille. Il aborde donc la question de la quête identitaire, mais aussi du problème des travailleurs étrangers qui sont expulsés. Le personnage principal est incarné par Choi Min-Shik (l’acteur principal de « Old Boy » et « Ivre de femmes et de peinture »), qui est entouré d’acteurs non-professionnels.
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