INTERVIEW

FILLE COUPEE EN DEUX (LA)

© Wild Bunch Distribution

LA FILLE COUPEE EN DEUX


Claude Chabrol, Cécile Maistre, François Berléand, Benoît Magimel et Ludivine Sagnier

réalisateur, scénariste, acteurs et actrice


Abus de ciné:
Il y a une certaine symétrie dans l'évolution des deux prétendants? Elle sont inverses...

Claude Chabrol:
Pas vraiment. Tous les deux ne sont ni blancs, ni noirs. Ils ont chacun leurs degrés de qualités et de défauts, différemment répartis.

Benoît Magimel:
Ce ne sont en effet pas des salauds. Ils ont leurs propres contradictions.

Ludivine Sagnier:
Gabrielle aussi est contradictoire. On peut dire de tous qu'ils ne sont pas des caricatures des personnages.

Abus de ciné:
Les deux hommes aiment différemment...

Cécile Maistre:
Paul n'est pas amoureux, il veut juste la posséder. Elle se retrouve seule, mais elle est jeune: elle en verra d'autres. Elle accepte de l'épouser quand il ne veut plus d'elle. C'est humain, elle bascule dans la demande, et c'est aussi une manière d'oublier l'autre. Le fait que la rivalité entre les deux ne soit jamais expliquée n'est pas un problème.

Abus de ciné:
Pourquoi avoir choisi de situer votre action à Lyon, même si on est bien province comme dans vos autres films?

Claude Chabrol:
Je n'aime pas tourner à Paris. Pour Lyon, il y a principalement deux raisons. On avait hésité avec Bordeaux. Mais le tramway était en construction, ce qui aurait posé des problèmes de transport du matériel. Et j'avais déjà tourné là bas il y a peu. Et puis Tavernier m'avait toujours conseillé de venir ici. Ici on peut trouver des fortunes cumulées par les générations. Je fais d'ailleurs allusion à l'industrie pharmaceutique, réellement implantée. Comme la télé régionale, qui est aussi ici très ancrée.

Abus de ciné:
Claude Chabrol vous a-t-il donné des indications pour « faire lyonnais »?

Benoît Magimel:
Je n'ai pas pensé le personnage comme cela. Je l'ai imaginé plutôt aristo fin de race, et non pas haute bourgeoisie.

Claude Chabrol:
On l'aurait tourné à Bordeaux, le personnage aurait été assez différent. Je voulait plus ici un schyzophrène de bonne famille.

Abus de ciné:
Pourquoi avoir choisi de représenter la scène du mariage à St Jean sans aucune personne?

Claude Chabrol:
C'est un mariage en noir. Dans la même symbolique on va ainsi vers le noir, le tunnel, duquel il n'y a pas de sortie. C'est la même chose avec la pièce aux fantasmes, je n'ai pas besoin de montrer ce qui s'y passe.

Ludivine Sagnier:
Moi, j'ai tout fais pour supprimer la scène avec les plumes...

Claude Chabrol:
Dans cette scène, la question que l'homme pose à sa maîtresse est un peu celle que pose un réalsiateur à une actrice: « tu ne te sens pas humiliée? ». Le parallèle était amusant.

Abus de ciné:
Le film va aller au festival de Venise...

Claude Chabrol:
Oui, mais pas en compétition. Car au bout d'un moment cela devient ridicule d'aller chercher des prix (j'en ai eu 7 ou 8 là bas). Au moment de « Merci pour le chocolat », ils m'ont donné le choix entre la compétition et la participation au jury. Et ma femme m'a dit: « 14 jours c'est mieux que 4... »

Abus de ciné:
Comment s'est passée l'écriture, puisque c'est votre premier scénario?

Cécile Maistre:
Nous sommes partis d'un film qui racontait un fait divers. Le film était très fidèle, il racontait l'histoire de la jeune fille de 16 ans et traitait d'issues morales. Nous avons voulu une adaptation plus large. L'écriture s'est faite au fur et à mesure, avec des points réguliers avec Claude Chabrol. J'ai aussi intégré quelques demandes de sa part. Et je me suis inspirée de mon observation des mecs de 50 ans. C'est apparemment un moment très étrange dans leur vie...

Abus de ciné:
Le film avait commencé dans une lumière rouge sang et se termine dans des éclats sur une lueur bleutée. Pourquoi avoir voulu une ouverture positive vers la fin?

Cécile Maistre:
Vous trouvez que c'est une fin positive? Ce n'est pas elle qui gagne. Elle renaît cependant. Pour moi, dans sa vie, elle y croira à chaque fois. C'est là l'important, qu'on sente l'envie chez elle. Il fallait du coup que le personnage soit interprété par quelqu'un qui soit très «en vie ». D'oû le choix de Ludivine.

OB
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