INTERVIEW

VOYAGE EN MEMOIRES INDIENNES

VOYAGE EN MEMOIRES INDIENNES


Doris Buttignol et Sally Tisiga

co-réalisatrice, interprète et co-auteurs


En 1992, Doris Buttignol et Jo Béranger décident de faire un état des lieux de la question indienne dans l’ouest américano-canadien. Elles partent avec une caméra sans réellement d’idée préconçue, mais leur première interview est alors déterminante : Sally Tisiga. Sally leur raconte alors cette partie méconnue de l’histoire canadienne qu’expose « Voyage en mémoires indiennes ». A cette époque, la question était encore taboue malgré les premières véritables contestations et plaintes de la part des Indiens du Canada.

Doris ayant vécu en partie au Canada, elle pensait bien connaître l’histoire du pays mais, à sa grande surprise, ce chapitre-là lui avait échappé ! Choquées, les deux femmes ont senti qu’il était indispensable de réaliser un film sur le sujet pour faire éclater au grand jour cette honte devant un public plus large. Il leur fallut malheureusement 10 ans pour voir le projet aboutir, notamment grâce à Sally Tisiga. Depuis les choses ont heureusement (légèrement) évolué : vers 2000, l’état canadien a officiellement reconnu ce qui s’était passé pendant des décennies et a commencé à mettre en place des programmes de réconciliation et d’aide aux victimes indiennes.

Malgré cette volonté de dévoiler cette ignominie, les réalisatrices n’ont pas voulu tomber dans l’horreur (et Dieu sait qu’elles avaient de la matière pour ça !) et ont ainsi privilégié les témoignages de celles et ceux qui avaient commencé un travail de « guérison » (c’est bel et bien le mot que Doris emploie). Mais au-delà de la question indienne au Canada, le film a pour but de montrer que ces mécanismes, même s’ils sont parfois moins violents, existent encore partout dans le monde. Selon Doris, « le film sert de matière à réflexion sur ce qu’on est en tant qu’être humain dans le monde d’aujourd’hui ». Une vague question mais une question grave que ce film soulève avec réussite.

PS : dans une séquence en fin de film, il convient de noter un très beau son d’archive : Doris nous informe que ce n’est rien de moins qu’un discours de Malcolm X dans un documentaire nominé aux Oscars en 1973 puis malheureusement censuré et tombé dans l’oubli : « Black Liberation » de Yves-Edouard de Laurot (également titré « the Silent Revolution ») . Un beau texte qui devrait être culte…

Raphaël Jullien
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