INTERVIEW

MORSE

© Chrysalis Films

MORSE


Tomas Alfredson

Réalisateur


JOURNALISTE :
Vous arrivez tout juste de Gérardmer, où vous venez de gagner le Grand Prix. Comment ressentez-vous le succès inattendu de votre film ?

TOMAS ALFREDSON :
Quand vous faites un film, vous êtes tellement impliqué dans le projet, pour le réussir du mieux possible, que vous ne pensez pas vraiment à tout ça. Bien sûr, vous voulez que le film soit bon et soit apprécié, mais honnêtement, je n’aurais jamais imaginé un tel succès.

JOURNALISTE :
Mais comment prenez-vous le fait de recevoir autant de prix ?

TOMAS ALFREDSON :
Bien sûr, c’est fantastique. Mais vous savez, il existe un grand acteur qui a dit, il y a longtemps, « Je ne suis pas aussi bon qu’ils le disent, je ne suis pas aussi nul qu’ils le disent. » Je crois qu’il faut s’en réjouir, mais ne pas prendre tout ça trop au sérieux.

JOURNALISTE :
Parlons du film. Quand vous avez décidé de le réaliser, étiez-vous un aficionado du cinéma fantastique, ou du cinéma de genre ?

TOMAS ALFREDSON :
Non, c’était une chose nouvelle pour moi. Je suis surtout connu pour avoir réalisé des drames et des comédies, et beaucoup de projets pour enfants, ce qui m’a permis d’avoir de l’expérience pour "Morse"... J’étais face à une véritable page blanche, et je devais m’investir, me renseigner sur le mythe du vampire ou sur les peurs, ce qui vous terrifie lorsque vous êtes un enfant.

JOURNALISTE :
Parlons justement des enfants. Comment avez-vous rencontré les deux jeunes acteurs, et pourquoi eux justement ? Parce qu’ils sont vraiment incroyables...

TOMAS ALFREDSON :
Oui, ils sont vraiment fantastiques. Ça a été un long processus, environ une année entière, pour les trouver. Nous avons auditionné des milliers d’enfants, mais vous savez, je ne voulais pas trouver le bon garçon, la bonne fille, je voulais qu’ils soient le reflet l’un de l’autre. Donc il a bien fallu trancher un jour, et choisir les deux comédiens. C’était effrayant !

JOURNALISTE :
Vous n’avez donc pas choisi la jeune Lina Leandersson pour ses grands yeux ?

TOMAS ALFREDSON :
Je ne choisis jamais les acteurs pour leur look, leur physique. J’essaie d’explorer leur énergie... J’ai cette méthode : j’essaie d’imaginer quel animal pourrait bien être tel ou tel personnage. Je recherche quelqu’un qui agit comme un serpent, plutôt que quelqu’un qui ressemble à un serpent... Je ne me souviens plus exactement, mais je crois qu’Oskar est un GOAT , et Eli est une sorte d’oiseau.

JOURNALISTE :
Un corbeau...

TOMAS ALFREDSON :
Non, plutôt quelque chose comme un aigle, un peu plus petit...

JOURNALISTE :
Un faucon ?

TOMAS ALFREDSON :
Oui, un faucon...

JOURNALISTE :
Votre film est très frontal dans ce qu’il choisit de montrer au spectateur. Avez-vous discuté avec les acteurs pour leur expliquer que le film pouvait être effrayant, car vous montrez des choses étranges ou violentes, comme la vision d’un visage rongé par l’acide ?

TOMAS ALFREDSON :
Oui, bien sûr. J’ai essayé de rendre ces choses-là amusantes pour eux, donc je les ai laissé toucher les prothèses et les maquillages, qu’ils les voient avant la peinture, par exemple, afin que ce ne soit qu’un faux bras blanc. Ils devaient s’habituer à tout ça en jouant, donc pendant le tournage tout se passait bien. Ils ont également vu une version du film non finalisée, et quand vous regardez un film comme celui-ci, nécessitant de nombreux effets digitaux, des câbles, des fonds bleus... ce genre de choses, non finalisé, ce n’est pas du tout effrayant. Et quand ils ont enfin vu le film terminé, ils ont eu un peu peur, mais ils savaient d’où cela venait.

JOURNALISTE :
Pensez-vous que "Morse" soit un film pour le jeune public, de l’âge des protagonistes ?

TOMAS ALFREDSON :
Non. C’est un film adulte sur l’enfance.

JOURNALISTE :
Quand vous avez eu le scénario, avez-vous retiré des choses qui étaient dans le livre, ou rajouté des éléments à vous ?

TOMAS ALFREDSON :
Beaucoup de choses du livre ont disparu. Le roman fait à peu près 450 pages, donc... Nous avons décidé de ne garder que certaines choses de l’histoire, et de travailler dessus plus précisément. Dans le film, la narration est concentrée sur le point de vue d’Oskar, alors que dans le livre, les points de vue sont multiples...

JOURNALISTE :
Avez-vous des projets immédiats, certains mêmes dans le genre fantastique ?

TOMAS ALFREDSON :
Pourquoi pas un autre film fantastique, oui. Ce n’est pas un but en soit, mais pourquoi pas, dans un autre style. Je lis beaucoup de scénarios venants d’Hollywood, je les étudie bien, mais je ne sais pas encore lequel pourrait être fait. En fait, je vais mettre en scène une pièce de théâtre au Royal Dramatic Theatre de Stockholm, à partir de septembre, donc je travaille dessus pour le moment.

JOURNALISTE :
Une dernière question. Participerez-vous au remake américain de "Morse" ?

TOMAS ALFREDSON :
Non. Je pense que la vie est trop courte pour faire deux fois le même film. Mais ça va être intéressant de voir s’ils vont trouver quelque chose de nouveau avec cette histoire, l’explorer d’une autre manière. Ce serait vraiment triste de le voir trop américanisé...

Frédéric Wullschleger
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