Interprète
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T’es qui Tchéky ? Tentons de cerner le caryotype de ce type nommé Karyo. Pour son pedigree, il faut commencer à Istanbul où il naît le 4 octobre 1953. Sa famille passe par l’Espagne avant de s’installer à Paris où il grandit (jusqu’à 1m80). A son actif de jeunesse, il parvient à se faire réformer pour le service militaire (cool) et il commence des études de compta-gestion (moins cool) avant de s’intéresser à la comédie, d’abord au Théâtre Cyrano puis au sein de la compagnie Daniel Sorano et enfin au Théâtre National de Strasbourg où il enchaîne pièces classiques et contemporaines : Shakespeare, Molière, Kafka… Et puis les cinéphiles découvrent son visage à partir de 1982, avec des rôles secondaires dans « Toute une nuit » (de Chantal Akerman) et « Le Retour de Martin Guerre » (de Daniel Vigne). Tout semble s’accélérer assez rapidement avec « La Balance » de Bob Swaim, également sorti en 1982, qui lui vaut une nomination au César du meilleur espoir (masculin, faut-il le préciser ?). Mais, après avoir reçu le prestigieux Prix Jean-Gabin en 1986 (autre récompense des espoirs, devenue le Prix Patrick-Dewaere depuis 2008), il faut réellement attendre 1988 avec son rôle de chasseur dans « L’Ours » de Jean-Jacques Annaud pour que sa gueule commence à être reconnue par le public. Oui car Tchéky c’est aussi une gueule ! Une gueule et une voix inimitable, à la fois rauque et chaleureuse, qui lui donnent ce charisme (et ce charme) particulier. Deux ans plus tard, c’est l’apothéose avec « Nikita » de Luc Besson, dans ce qui reste peut-être son rôle le plus connu, le plus magistral, le plus envoûtant, le plus… le plus quoi encore ? Qui n’a pas véritablement découvert cet acteur avec ce rôle de Bob, le mentor mystérieux de Nikita, brutal mais tout de même attachant ? Ce rôle lui vaut d’ailleurs sa seule autre récompense (à ce jour), lors du festival italien MystFest.
La force de sa carrière, c’est sans doute d’avoir su osciller. Osciller géographiquement d’abord, pour collaborer avec des réalisateurs du monde entier (ou presque), parmi lesquels on peut citer pas mal de noms relativement prestigieux (et divers). Jugez plutôt : Ridley Scott, Andrzej Zulawski, Eric Rohmer, Walter Salles, Michael Bay, Roland Emmerich, Neil Jordan, Jan Kounen, Luc Besson, Jean-Jacques Annaud, Jean-Pierre Jeunet, Yves Boisset, John Hillcoat, Christophe Gans, Martin Campbell… Il faut dire qu’il est plutôt polyglotte, le Tchéky : français, anglais, turc, grec, espagnol et italien – rien que ça ! Sa filmo se compose aussi d’une grande variété de budgets : du gros blockbuster américain (« Bad Boys », « The Patriot », « GoldenEye »…) à la production européenne plus intimiste voire passée inaperçue (« Coup de lune », « Va où ton cœur te porte », « L’Ange noir »…) mais aussi quelques productions télévisuelles (« Kaamelott », « Les Rois maudits »…). Soyons francs, on note aussi des qualités très variables, entre films cultes et potentiels chefs-d’œuvres (« Nikita », « L’Ours » ou même « La Cité de la peur » dans lequel il joue le premier projectionniste assassiné par Emile) et gros nanars inénarrables (comme « Fusion » ou « Babel » - celui de Gérard Pullicino, évidemment, pas la perle d’Alejandro González Iñárritu !).
Mais c’est surtout la variété des rôles qui caractérisent sa carrière. Evidemment, à partir de « La Balance », il s’est taillé une solide réputation grâce à ses prestations en flics plus ou moins véreux, en truands ou autres personnages difficiles à cerner et méchants en puissance, égrainant donc des variantes au fil de sa filmo : « Nikita » et « Dobermann » bien sûr, mais aussi « Le Marginal », « L'Amour braque », « Crying Freeman », « Bad Boys », « Le Baiser mortel du Dragon », « Requiem pour une tueuse » (un autre rôle de mentor à la Nikita) et évidemment le récent « Les Lyonnais »… A l’autre extrême, il a endossé des rôles plus tendres ou plus légers, comme dans « Les Nuits de la pleine lune », « Addicted to love », « Boxes » ou « Coup de lune », dans lequel il partageait la tête d’affiche avec Isabelle Pasco, qu’il a ensuite épousée en 1995 (ils ont divorcé depuis). Entre les deux, on trouve toute une flopée de personnages historiques très variés, dans des choix parfois surprenants (voire très critiqués) : Martin Alonzo Pinzon dans « 1492 : Christophe Colomb », Molière dans « Le Roi danse » (il est toujours intéressant de faire jouer un des pères de la langue française par un fils d’immigré...), Dunois dans « Jeanne d’Arc », Van Gogh dans « Vincent et moi », Richelieu dans « D’Artagnan et les trois mousquetaires », Nostradamus dans le film du même nom ou encore des rôles plus fictionnels dans des films historiques ou costumés comme « Le Moine et la Sorcière », « The Patriot », « Jacquou le Croquant », « Blueberry » ou « Un long dimanche de fiançailles ».
Certains diront que sa carrière est en dents de scie et qu'elle manque de cohérence. Il est vrai que sa filmo peut paraître pagaille et qu'elle recèle un certain nombre de films dont on peut se dire « mais qu'est-ce que c'est que cette apparente daube tombée dans l'oubli ? » tels « Wing Commander », « Operation Dumbo Drop », « Habitat », « Red Shoe Diaries 3 » (un film érotique directement sorti en vidéo !) ou même le plus récent mais déjà effacé « Les Dents de la nuit » (cinq films même pas répertoriés sur nanarland.com). Il est vrai aussi qu'on peut avoir encore plus l'impression que Tchéky Karyo se disperse lorsqu'on constate la relative inutilité (malgré la maîtrise technique) de l'unique album musical qu'il a enregistré (« Ce lien qui nous unit », en 2006). D'autres diront au contraire que cela montre un appétit pour la diversité, une façon de varier les plaisirs (sans renier les plus populaires) et qu'au fond on ne tient pas rigueur à des monstres sacrés comme Depardieu d'avoir joué dans des navets alors pourquoi critiquerait-on Tchéky Karyo pour la même tendance à l'inconstance ? Après tout, l'important c'est qu'il y ait au moins plusieurs grands rôles pour qu'une carrière obtienne notre hommage de cinéphiles. Avec des films comme « Nikita » ou « Les Lyonnais », Tchéky nous comble déjà suffisamment ! Prochaines étapes : « Des morceaux de moi » de Nolwenn Lemesle (scénariste de la série humoristique « Scènes de ménages »), prévu pour 2012, et peut-être un « Dobermann 2 », actuellement en projet... Malgré la qualité inégale, merci Tchéky !
Filmographie sélective
(les années font référence à la première sortie mondiale et non à la sortie française)
CINEMA
-1982 : « Toute une nuit » de Chantal Akerman
-1982 : « Le Retour de Martin Guerre » de Daniel Vigne
-1982 : « La Balance » de Bob Swaim
-1982 : « Que les gros salaires lèvent le doigt ! » de Denys Granier-Deferre
-1983 : « La Java des ombres » de Romain Goupil
-1983 : « Le Marginal » de Jacques Deray
-1984 : « Les Nuits de la pleine lune » d’Eric Rohmer
-1985 : « L’Amour braque » d’Andrzej Zulawski
-1986 : « Bleu comme l’enfer » d’Yves Boisset
-1987 : « Le Moine et la Sorcière » de Suzanne Schiffman
-1988 : « L’Ours » de Jean-Jacques Annaud
-1990 : « Nikita » de Luc Besson
-1990 : « Vincent et moi » de Michael Rubbo
-1991 : « A Grande Arte » de Walter Salles
-1992 : « 1492 : Christophe Colomb » de Ridley Scott
-1992 : « L’Atlantide » de Bob Swaim
-1994 : « La Cité de la Peur » d’Alain Berbérian
-1994 : « Nostradamus » de Roger Christian
-1994 : « L’Ange noir » de Jean-Claude Brisseau
-1995 : « Bad Boys » de Michael Bay
-1995 : « Crying Freeman » de Christophe Gans
-1995 : « Coup de lune » d’Alberto Simone
-1995 : « GoldenEye » de Martin Campbell
-1996 : « Va où ton cœur te porte » de Cristina Comencini
-1996 : « To Have & to Hold » de Jon Hillcoat
-1996 : « Terre lointaine » de Walter Salles et Daniela Thomas
-1997 : « Addicted to Love » de Griffin Dunne
-1997 : « Dobermann » de Jan Kounen
-1998 : « Que la lumière soit » d’Arthur Joffé
-1999 : « Jeanne d’Arc » de Luc Besson
-1999 : « Comme un poisson dans l’eau » d’Hervé Hadmar
-1999 : « Babel » de Gérard Pullicino
-2000 : « Saving Grace » de Nigel Cole
-2000 : « The Patriot » de Roland Emmerich
-2000 : « Le Roi danse » de Gérard Corbiau
-2001 : « Le Baiser mortel du Dragon » de Chris Nahon
-2001 : « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain » de Jean-Pierre Jeunet (OK, il n’y joue pas vraiment, mais il apparaît dans l’album de collection de photomatons de Nino !)
-2002 : « L’Homme de la Riviera » de Neil Jordan
-2003 : « Fusion » de Jon Amiel
-2004 : « Blueberry » de Jan Kounen
-2004 : « Taking lives, destins violés » de DJ Caruso
-2004 : « Un long dimanche de fiançailles » de Jean-Pierre Jeunet
-2004 : « Ne quittez pas ! » d’Arthur Joffé
-2005 : « D’Artagnan et les trois mousquetaires » de Pierre Aknine
-2007 : « Jacquou le Croquant » de Laurent Boutonnat
-2007 : « Boxes » de Jane Birkin
-2007 : « Le Mas des alouettes » de Paolo et Vittorio Taviani
-2008 : « Les Dents de la nuit » de Stephen Cafiero et Vincent Lobelle
-2008 : « Un homme et son chien » de Francis Huster
-2010 : « The Way » d’Emilio Estevez
-2011 : « Requiem pour une tueuse » de Jérôme Le Gris
-2011 : « Coup d’éclat » de José Alcala
-2011 : « Forces spéciales » de Stéphane Rybojad
-2011 : « Les Lyonnais » d’Olivier Marchal
TELEVISION
-1993 : téléfilm « Les Soldats de l’espérance » de Roger Spottiswoode
-1996 : téléfilm « Les Liens du cœur » de Josée Dayan
-1998 : série « De la Terre à la Lune », épisode « Le Voyage dans la Lune » de Jonathan Mostow
-2000 : téléfilm « Les Mille et une nuits » de Steve Barron
-2004 : téléfilm « Le Père Goriot » de Jean-Daniel Verhaeghe
-2005 : mini-série « Les Rois maudits » de Josée Dayan
-2005 : téléfilm « SAC : les hommes de l’ombre » de Thomas Vincent
-2007 : téléfilm « Les Cerfs-volants » de Jérôme Cornuau
-2008 : narration pour la série documentaire « La Résistance » de Felix Olivier
-2008 : téléfilm « L’Affaire Bruay-en-Artois » de Charlotte Brandstrom
-2009 : sept épisodes de la sixième saison de « Kaamelott » d’Alexandre Astier
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais