INTERVIEW

CHANSONS QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES (LES)

© Diaphana Distribution

LES CHANSONS QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES


Chloe Zhao

Réalisatrice


Chloe Zaho était de visite au Festival du film américain de Deauville 2015 dans le cadre de la sélection de son long-métrage « Les Chansons que mes frères m’ont apprises » en compétition officielle. Compte rendu de la rencontre.

Journaliste : Vous êtes d’origine chinoise et avez vécue aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Vous qui n’êtes pas amérindienne d’origine, comment avez-vous fait pour capturer si parfaitement cette communauté.

Chloe Zhao : Je pense que mon physique et mes origines m’ont aidée. Les gens là-bas me prenaient pour une amérindienne et je pense que cela doit être bizarre pour une famille de voir une chinoise débarquer demandant à filmer les enfants, la grand-mère, etc. Donc j’ai passé beaucoup de temps là-bas et je suis en fait revenue plusieurs fois afin qu’ils me prennent au sérieux et qu’une relation de confiance s’installe. En fait, beaucoup de média viennent filmer quelques jours la situation et ne reviennent jamais. Cela n’aide pas à changer l’image qu’ils ont de l’Amérique anglo-saxonne. Dans mon cas, ce n’est qu’après quatre ans qu’ils m’ont réellement fait confiance.

Journaliste : Pourquoi avoir réalisé votre premier film sur un tel sujet du coup ?

Chloe Zhao : Certains cinéastes ont besoin de parler de ce qu’ils connaissent – en tous cas pour leurs premiers films. Pour ma part, je ne sais pas ce que je connais vraiment. Je suis partie de Chine très jeune et du coup, je ne sais pas vraiment à quelle partie du monde j’appartiens. Même New-York ne me correspond plus et je pense que je ne me sentirais jamais chez moi, nulle part. Ce qui m’a frappée avec cette communauté, ce qu’ils savent justement, exactement quelles sont leurs racines. Cet attachement à leur terre, moi qui viens d’une Chine communiste que j’ai quitté très jeune pour habiter à New-York, c’est quelque-chose qui m’est totalement inconnue. Ce film, c’est l’histoire d’un gamin qui ne sait s’il doit rester ou partir et je voulais explorer cet attachement à cette terre natale.

Journaliste : N’avez-vous pas été tenté de faire un documentaire avec un sujet pareil ?

Chloe Zhao : Depuis le début, ce film a toujours été pensé comme une fiction car il y avait déjà pas mal de documentaires faits sur cette réserve en particulier et ce n’était pas ce que je voulais faire. Je voulais construire une histoire autour de ce thème universel (le désir de s’en aller de sa terre natale malgré l’attachement). D’ailleurs, au départ, j’avais écrit le script comme une fiction mais après trois années à tenter de récolter des fonds, force était de constater que, la situation des amérindiens traitée de cette façon, avait beaucoup de mal à se faire financer. Donc j’ai dû réécrire le scénario dans un style plus proche du documentaire ce qui sous-entendait qu’il serait moins cher à produire.

Jounraliste : Forest Whitaker vous a apparemment aidé à produire le film.

Chloe Zhao : Oui. Pendant le festival de Sundance, je suis allé dans un atelier avec le réalisateur de "Fruitvale Station" et puisque je n’arrivais pas à financer ce film depuis un certain nombre d’années, il m’a présenté à la société de Forest, Significant Production. Malheureusement, il était trop tard pour eux, pour investir dans le film. Il y avait un délai d’une année entière et je ne pouvais pas me le permettre car sinon certains jeunes que j’avais prévus dans mon film auraient dû être remplacés et je les voulais absolument. Donc, j’ai commencé le tournage avec les moyens récoltés jusque-là et lorsque j’ai envoyé un premier montage à Significant Production, les scènes tournées leur ont plu et ils ont décidés de financer la post-production et m’aider à lui offrir une sortie internationale.

Journaliste : Quels sont vos futurs projets et quels thèmes souhaitez-vous aborder au cours de votre carrière ?

Chloe Zhao : Je vais continuer à faire des films dans les terres reculées des Etats-Unis où les gens se battent pour préserver ce qu’il leur reste d’identité. J’adore ces parties de l’Amérique que les américains délaissent. Ce que j’aime, c’est capturer des traditions, des coutumes qui sont en train de disparaître. Mon prochain projet traite des pipelines acheminant le pétrole du Canada au Texas et l’histoire se concentrera sur une petite ville située entre le Dakota du Sud et le Nebraska. Il y a beaucoup de controverses à propos de ce pipeline, donc c’est intéressant.

Propos recueillis par Alexandre Romanazzi et Jean-Philippe Martin
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