INTERVIEW

MICHAEL KOHLHAAS

© Les Films du Losange

MICHAEL KOHLHAAS


Arnaud des Pallières et Christelle Berthevas

Réalisateur et scénariste


C'est au Comoedia que le réalisateur Arnaud des Pallières et sa scénariste, Christelle Berthevas, sont venus se prêter au jeu des questions/réponses avec la presse locale lyonnaise à l'occasion de la sortie de "Michael Kohlhaas". Compte rendu de l'entretien…

Genèse et intention du réalisateur

À la base du film "Michael Kohlhaas", il y a le livre de Heinricht von Kleist paru en 1910 qu'Arnaud des Pallières a découvert en classe, en tant qu'étudiant cinéma. Le livre narre l'histoire d'un simple marchand de chevaux se retrouvant aux prises de l'arbitraire société féodale allemande.
À la lecture du roman de Kleist, il ressent instantanément l'intensité de l'œuvre qui passe par ce personnage d'une extrême droiture. Il ressentait le profond désir d'exprimer le monde de ce personnage protestant ayant eu l'intuition politique de défier le système féodal de l'époque. Il souhaitait la faire ressentir avant de la faire comprendre.

25 ans plus tard, le souvenir de cette œuvre et l'envie de la porter sur grand écran sont toujours aussi vifs et après la sortie de "Parc", lui et son producteur, Serge Lalou, décident de plancher sur cette adaptation. Pour le réalisateur, il s'agissait d'un excitant défi, lui qui n'avait jamais fait de film en costumes, jamais travaillé en HD, ni avec des animaux. Il choisit d'appréhender ces challenges le plus simplement possible en choisissant d'éviter tout artifice inhérent au genre tant dans les dialogues que dans les costumes afin de faire oublier l'époque.

On retrouve cette épure dans les dialogues avec la suppression des doubles négations. Le réalisateur et sa scénariste se sont plus concentrés à rendre les échanges moins structurés et plus chaotiques en cette période près cartésienne. Pour les costumes, il fallait une retenue allemande loin de la mode française ou italienne de l'époque bien plus extravagante. L'épure était bien l’intention maîtresse du cinéaste qu’il a réussi à rendre avec les 70 heures de rushes collectés à la fin du tournage.

Les principales différences entre la nouvelle et le scénario

La scénariste Christelle Berthevas explique que Kleist a écrit une nouvelle romantique à fond politique. Il est énormément question de droit dans le livre avec des paragraphes entiers interprétant la loi de l'époque. Le dernier tiers, beaucoup plus baroque avec l'apparition d'une bohémienne, confère au récit une dimension mystique que la scénariste et le réalisateur ont choisi de laisser de côté. Le livre est exclusivement centré sur le personnage de Kohlhaas qui, au fil des pages, devient de moins en moins humble à mesure que son armée prend de l'ampleur alors que dans le film, Kohlhaas passe beaucoup par les femmes de sa vie (sa fille et sa femme) et conserve sa droiture jusqu'au bout.

Mais la plus grosse différence avec la nouvelle réside dans la transposition de l'histoire en France alors que l'histoire original est très emprunte de la culture protestante allemande. Cependant, en réfléchissant, Arnaud des Pallières en est finalement arrivé à la conclusion que l'histoire de ce marchant de chevaux est universelle et qu'elle peut se conjuguer à toutes les époques. "Le désespoir politique de Kohlhaas a avoir avec le désespoir des hommes et des femmes qui se battent contre le monde", indique le réalisateur de "Parc".

Acteur équipe et tournage

Le tournage a principalement eu lieu à Pierre-Châtel en Isère (scènes de l'Abbaye et de la prison) et sur le plateau du Vercors (scène du pont, de la bataille, de la bible et le moment de l'amnistie). Pour définir la photographie à Jeanne Lapoirie, le réalisateur s'est servi de tableaux de l'époque et a beaucoup parlé de la photographie du film "Les Moissons du ciel" de Terrence Malik. Sur place, le chef opérateur a su compiler avec la météo qui a finalement donné de belles images. "On a accepté les fausses teintes comme un cadeau".

En travaillant avec un équipe internationale, composée d’acteurs ne parlant pas un mot de français (Mads Mikkelsen et Bruno Ganz ont appris leurs lignes phonétiquement), Arnaud des Pallières à naturellement donné des indications simples et physiques en évitant de partir dans la profondeur psychologique qui a trop tendance à sur-expliquer inutilement les intentions d'un personnage.

Concernant le rôle de Kohlhaas, Arnaud des Pallières cherchait un acteur physique, qui puisse monter des chevaux, et qui porte toute cette raideur morale sur son visage. Un mélange entre le Clint Eastwood d'il y a 30 ans et Jacques Dutronc. Le cinéaste ne connaissait pas Mads qui à l'époque avait déjà tourné dans "Casino Royale" et "Valalah Rising" qu'il n'avait pas vu. C'est sa directrice de casting qui lui conseilla de rencontrer l'acteur danois à la plus grande joie du réalisateur : "il a fait un travail formidable" indique le réalisateur. Sur le dernier plan, il fallait être capable de saisir l'émotion partagée du personnage. " À la fois, son cœur se gonfle d'une immense joie et fierté pour avoir réussi à obtenir justice, mais aussi son cœur se rempli de tristesse, car il perd tout. Mads le fait magnifiquement…"

Propos recueillis par Alexandre Romanazzi
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