© Ad Vitam
reálisatrice-scénariste-actrice et acteur
Il aura fallu près de 4 ans de travail à Valeria Bruni Tedeschi pour venir à bout de son projet. Les essais ont été très importants et il y a eu un long montage. Mais le fait de jouer dedans lui aurait cependant rendu la tâche plus facile.
Des acteurs qui ne veulent plus jouer
À un journaliste qui s'étonne de l'apparent paradoxe de s'attribuer le rôle d'une actrice qui ne veut plus jouer, elle répond qu'au départ son personnage était écrivaine, et que dans le fond « les personnages ont changé au fil de l'écriture », comme s'ils s'étaient « rebellés ». Louis Garrel indique que son personnage, Nathan, était libraire et qu'il est devenu acteur, tombant amoureux d'elle parce qu'elle pourrait le comprendre, voire le sauver.
Si les personnages semblent avoir une amertume envers le métier d'acteur, c'est selon elle plutôt l'expression d'une difficulté personnelle. Elle se révolte, tout comme lui, mais pour des raisons très différentes. « Louise vivait tout en fiction, elle ne vivait rien dans sa vie ». Lui, « il n'en pouvait plus ». Mais selon Louis Garrel, il existe bon nombre « de films sur des gens qui ne veulent plus jouer », évoquant en parallèle « Habemus Papam » où le Pape ne veut plus donner sa représentation. Il avoue qu'il peut comprendre cela. Son grand-père lui avait dit « que ce n'est pas un métier d'homme ». Lui préfère dire qu'il n'est pas facile de « ne pas construire un objet », tandis qu'il conçoit aussi la différence avec « l'aura du personnage de théâtre ». Il pointe le fait qu'il y a aussi parfois un trouble entre le personnage et soi-même, finissant d'ailleurs par résumer la situation par : « C'est toujours un psychodrame d'être un acteur ».
La nécessité de conter des choses intimes
Il y a dans les films de Valeria Bruni Tedeschi comme une urgence à raconter des choses intimes. Elle confirme en tous cas qu'elle « ne sait parler de rien d'autre que de ses émotions », du fait par exemple que « le renoncement fait grandir les gens ». Le cinéma lui permet de « réorganiser la vie en fiction, de mettre en quelque sorte de l'ordre dans le chaos, la douleur, l'angoisse, les rêves... Cela lui paraît être « l'essence même de son travail, même d'actrice ».
Si le film est l'histoire d'une famille qui périclite, ça n'est pas que de son côté, puisque de celui de Nathan, c'est avec son père une aristocratie du cinéma qui disparaît. Finalement chacun arrive à faire éclater son « vase clos », « se sauvant l'un l'autre de leurs familles », au travers de leur histoire d'amour.
Le film aborde aussi le thème de la mort, ce que Valeria avoue « être incapable d'approcher ». Elle n'a pu le filmer volontairement que de loin. Elle avait peur que l'abattage du grand marronnier, le même jour que l'enterrement, soit un peu trop symbolique. Mais cela est « amené de façon naturelle », et c'est une vraie idée de cinéma. L'apparition d'Omar Sharif à cette occasion relevait plutôt de l'idée de marier sa mère (rires), mais elle avoue qu'il a beaucoup parlé de Sofia Loren... et que ça n'a du coup pas marché.
Un mode d'écriture à 3 mains
Le mode de travail sur le scénario avec Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy intrigue forcément. Si d'habitude on écrit d'abord l'histoire, puis on réalise le séquencier et on rédige les dialogues, Valeria Bruni Tedeschi indique qu'elles ont travaillé ici à l'inverse. Elles écrivaient « des bouts de scènes », qui s'entrechoquaient, et « faisaient progressivement apparaître l'histoire ». Elle avoue que le « processus est plus long » et qu'il a été très difficile de se faire rencontrer deux mondes très séparés. Mais cela a fini par arriver avec la scène entre le frère et Nathan.
Un film pas tant dans la lignée des deux autres
Dans les films de Valeria Bruni Tedeschi certains thèmes apparaissent comme récurrents, tels la mnort, l'amour, la maternité ou la famille. Selon elle, « Un château en Italie » ne constitue pas un volet d'une trilogie, mais qu'elle voit bien ces thèmes résonner d'un film à l'autre. Pour elle il s'agit ici de l'histoire d'un frère et d'une sœur qui sont presque mariés, une relation amoureuse venant finalement sauver cette femme de sa famille d'origine. Certes le film offre moins d'échappées poétiques. Mais il s'agit sûrement pour la réalisatrice de quelque chose de logique : « la vie a passé », « le ton est plus grave ou mélancolique ».
Pour elle, dans « Le chameau... » elle était très solitaire, et l'action se passait en été. Ici elle tenait avant tout à deux choses. Tout d'abord une histoire qui se déroule sur 3 saisons, bien visibles à l'écran, signifiant le temps qui passe. Mais aussi le fait que la mort du frère ait lieu en été, ce qui crée un contraste, et fait apparaître l'événement comme plus cruel.
La décision de jouer ensemble
Le choix des acteurs, Valeria Bruni Tedeschi nous indique qu'elle l'a fait par amour, avec l'envie de filmer quelqu'un. Elle ne tarit pas d'éloges sur Louis Garrel, qu'elle admire à la fois « son intelligence, sa profondeur (cachée derrière une grande naïveté), son originalité et sa capacité d'auto-dérision ». Sur elle même elle dira qu'il a fallu « travailler avec son clown », car elle « aime bien les gens qui trébuchent ».
Quant à lui, il avoue « avoir été réticent au départ », car il trouvait que son personnage n'avait « pas vraiment de vie, qu'il était désincarné », ceci avant qu'il ne soit retravaillé. Mais il admet dans le fond qu'il recherche le réel dans ce qu'il doit interpréter, et qu'une phrase de Desplechin l'a marqué lors de son premier film : « en fait on a des vies bien plus grandes que ce que l'on croit ». Un signe que la matière à de vrais rôles peut se trouver en chacun de nous.
Propos recueillis par Olivier Bachelard
Cinémas lyonnais
Cinémas du Rhône
Festivals lyonnais