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actrice et acteur
Quelques jours avant la sortie du dernier film de Claude Miller, décédé après la fin du montage, Audrey Tautou et Gilles Lellouche sont venus à Lyon présenter cette adaptation littéraire qui aura donc eu les honneurs de faire la Clôture du dernier Festival de Cannes. Retour sur un entretien collectif autour d’un film tout en finesse, avec deux comédiens pleins de bonne humeur et visiblement complices.
Journaliste :
Avez-vous pu revoir le film, loin de l'effervescence cannoise ?
Audrey Tautou :
Oui. Je l'ai revu à Toronto, et il a encore révélé des subtilités. C'est une œuvre qui ne porte pas de jugement, gardant une certaine ambiguïté, grâce à la finesse de mise en scène de Claude [Miller].
Journaliste:
Avez-vous été surprise que Claude Miller vous propose le rôle d'une femme assez fermée ?
Audrey Tautou :
Aller vers quelque chose de différent me paraît assez naturel dans le métier d'acteur. Je ne peux pas dire que ce personnage me ressemble plus que d'autres rôles pimpants, si ce n'est dans sa peur du conflit. J'ai été intéressée par l'organisation de la surdité qui se met en place autour d'elle. Chanel s'est rebellée, elle a su mener sa vie en pensant à elle. Thérèse, elle, ne se connaît pas vraiment elle-même.
Journaliste :
Claude a-t-il fait plusieurs allers-retours avec vous, entre la lecture du bouquin et le scénario ?
Gilles Lellouche :
Il n'y a pas vraiment eu de surprise au niveau du scénario, il porte le même regard que le livre sur les personnages. Claude a juste apporté presque plus d'humanité au mari, en tâchant de ne pas en faire une brute, un être monolithique.
Journaliste :
Vous avez certainement dû faire un gros travail sur l'intériorité de Thérèse...
Audrey Tautou :
Elle est silencieuse, étouffée par toutes ses idées. Et le mariage ne remet rien en ordre, contrairement à ce qu'elle espérait... Je m'étais écrit toutes les pensées qui lui avaient traversé l'esprit, à chaque instant, les mots qu'elle aurait voulu crier à Bernard. Si j'avais juste joué sur un regard dans le vide, il n'y aurait pas eu de mystère... Le résultat est assez inconscient, basé sur un dialogue intérieur.
Gilles Lellouche :
Le phrasé des personnages et leurs habits participent de ces films d'époque. J'ai eu à peine quatre jours entre la fin du tournage des « Infidèles » et le début de celui-ci. J'ai donc beaucoup dialogué avec Claude avant, pour saisir la subtilité d'un texte qui demande beaucoup d'implication.
Audrey Tautou : Il nous fallait cependant savoir à quel moment le rapport de force entre les deux personnages bascule.
Gille Lellouche : Et puis cela était motivant d'avoir la présence de Claude, de savoir qu'on allait faire partie de sa filmographie.
Journaliste :
Il y a quelque chose de très chorégraphié dans certaines scènes...
Audrey Tautou :
Quand un texte est bien écrit et que la mise en scène est juste, la liberté est là...
Gilles Lellouche :
C'est une liberté encadrée. Le découpage est pensé à l'avance, pour toute la journée. Mais à l'intérieur de ce cadre, on pouvait bouger comme on voulait. Il y a eu une vraie légèreté sur le tournage, même avec un sujet aussi grave.
Audrey Tautou :
Cette impression de chorégraphie est peut-être liée à la sensualité du film. Les décors, les paysages, tout cela n'a rien de poussiéreux.... mais plutôt de lumineux.
Gilles Lellouche :
Cela vient sans doute de l'amour de Claude pour les actrices. C'était sûrement celui qui les filmait le mieux...
Journaliste :
Cette histoire ressemble presque à des faits divers actuels...
Audrey Tautou :
J'avoue que cela me fascine. On cherche toujours à comprendre les intentions des gens, pourquoi quelqu'un comme vous et moi bascule soudainement. On reste sur le mystère des intentions...
Gilles Lellouche :
C'est fascinant comme la folie... On est tous des assassins en puissance.
Audrey Tautou :
Peu importe l'époque...
Journaliste :
Selon vous, quel est le motif justement, qu'elle ne révèle pas à la fin ?
Audrey Tautou (avec un grand sourire) :
Elle ne pensait pas qu'il y aurait des conséquences à son geste... Elle n'est même pas consciente du geste...
Gilles Lellouche :
Oui... le tuer, quand même...
Audrey Tautou :
Elle ne voulait pas le tuer. Elle l'a aidé un peu... à mourir.
Gilles Lellouche :
Elle l'a tué en « sympa » (rires). Mais dans le fond elle n'a pas vraiment l'envie de le tuer...
Audrey Tautou :
C'est la vision d'une femme libre (Anaïs Demoustier) qui sert de déclencheur...
Journaliste :
C'est un profond ennui qui l'habite...
Gilles Lellouche :
Ça n'est pas vraiment l'ennui le problème. C'est surtout la vie qu'on lui propose. C'est comme lui, il sait qu'il ne sera jamais au niveau d'une femme comme cela.
Audrey Tautou :
Elle ne se gêne pas pour lui balancer des pics. Elle sait qu'il ne saura pas lire les sous-titres...
L'entretien se termine dans une certaine bonne humeur, les deux interprètes évoquant le travail de Claude Miller et la critique de la bourgeoisie et de la médiocrité intellectuelle qui traverse son œuvre, tout en précisant qu'il cherchait toujours le bienveillant chez vous, tout en respectant le spectateur.
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