INTERVIEW

LYONNAIS (LES)

© Gaumont Distribution

LES LYONNAIS


Olivier Marchal, Edgar Marie, Gérard Lanvin, Tchéky Karyo

réalisateur et co-scénariste, co-scénariste, acteurs


Journaliste :
Olivier Marchal, pourquoi avez-vous choisi de raconter cette histoire vraie, celle du gang des Lyonnais, à travers des éléments de fiction, principalement en ce qui concerne le personnage de Serge (joué par Tchéky Karyo) ?

Olivier Marchal :
Pour commencer, ce film des Lyonnais, c’est ma rencontre avec Momon (Edmond Vidal), que j’ai vu à Paris. Je le connaissais, déjà, de source policière. Il y avait une espèce d’aura autour de ce personnage, de son équipe. Et beaucoup de respect de la part de la police. C’est quelqu’un de très attachant, Momon… Pour faire court, je tenais à le rencontrer, afin de faire le film, et ça se passe très bien entre nous. Concernant la part de fiction, disons que je sais des choses que je ne suis pas en droit de révéler, par mes contacts dans la police, et que du coup le personnage de Serge est la combinaison de trois personnes ayant existé. Le gang des Lyonnais a bien été victime d’une balance, seulement identifié par la police, et ce personnage était un moyen de noyer un peu le poisson, et de ne pas créer de chaos inutile dans la vie des survivants…

Tchéky Karyo :
Je me permets de revenir sur ce que tu as dit… Ce que je trouve intéressant avec ce personnage, c’est qu’il permet de raconter toutes ces valeurs, par lesquelles il est porté, et grâce auxquelles il va aller au bout de sa démarche. Et que Olivier raconte aussi, et surtout, une belle histoire d’amitié.

Olivier Marchal :
Bien sûr. Pour expliquer un peu plus, il faut savoir qu’avant de faire le film, avec Edgar (Marie, le co-scénariste), on a rencontré Momon plusieurs fois pendant un an, et il s’est livré petit à petit. Il faut savoir qu’il assume totalement ce qu’il a fait, il n’a aucun regret concernant son passé, mais il refuse la glorification. C’est d’ailleurs pour cela qu’il n’est pas là aujourd’hui. Mais son rêve était d’ouvrir un magasin de jouets, et s’il est devenu un gangster, c’est par nécessité. Même s’il a, par la suite, pris goût à l’argent… Donc, lors de nos entretiens nocturnes, de nos pérégrinations alcoolisées, il nous a avoué qu’il avait failli replonger. Un de leurs potes avait été arrêté, et ils avaient pensé à le faire évader. C’est de cette idée-là qu’on est parti pour écrire le film : l’histoire d’un voyou rattrapé par son passé. Un petit clin d’œil au « Choix des armes » de Corneau et au personnage d’Yves Montand… Si l’on veut vraiment raconter l’histoire de Momon, le gang des Lyonnais aurait mérité un film de quatre heures, mais on voulait surtout parler de leur amitié.

Journaliste :
Vous disiez ne pas vouloir glorifier les valeurs d’Edmond Vidal. Il y en a pourtant cent fois plus que ce que vous montrez dans le film, comme quand il a appelé la police pour lui dire d’aller cherche un fourgon rempli d’armes garé devant une école… Est-ce que vous vous êtes demandé si vous n’en montriez pas trop, si ça n’allait plus être crédible ?

Olivier Marchal :
Non. Il y avait une version du script qui faisait plus de trois cents pages, pour un film de presque quatre heures et demi… La question qu’on s’est posée, avec Edgar, c’est de savoir si l’on partait sur un film d’époque, l’histoire du gang des Lyonnais s’étant terminée en 1974. Alors qu’il était important pour nous d’apporter de la fiction, concernant ce qui se déroule dans le film, à notre époque. Pour faire un film moderne, et raconter à travers lui ce qu’étaient Momon et sa bande.

Edgar Marie :
Le but n’était pas de retranscrire, comme un biopic, chaque évènement de son existence. Il fallait retranscrire un état d’esprit, une « mentale », comme on dit dans le milieu. Du coup, malgré l’apport de la fiction, les valeurs qu’ils représentent, le sens de la parole, tout cela reste fidèle. Dans la partie qu’incarne Gérard, comme dans la partie, peut-être plus réelle, qu’interprète Dimitri (Storoge).

Journaliste :
Gérard Lanvin, est-ce que le fait de rencontrer le vrai Edmond Vidal a changé votre point de vue sur le personnage ?

Gérard Lanvin :
Je ne me suis pas du tout inspiré d’Edmond Vidal. J’ai incarné un personnage écrit, qui représentait Momon dans une fiction, avec un rapport particulier, des trahisons et un amour profond pour ses amis. En l’occurance, je l’avais déjà rencontré il y a trente ans, lorsque j’ai joué dans le téléfilm « La Traque », avec Bruno Cremer, et finalement je n’ai jamais essayé de copier quoi que ce soit, si ce n’est une intention dramatique et psychologique qui le concerne directement. Le reste, c’est de la direction d’acteur. Pour moi, c’est un héros romanesque. Après, Momon, je le connais forcément très bien, mais je n’ai jamais voulu puiser en lui pour l’interprétation que j’avais à faire.

Journaliste :
Est-ce frustrant d’avoir fait un film d’une durée standard, alors que vous aviez le matériel pour une saga de quatre heures ? Et avez-vous pensé à une version TV plus longue ?

Olivier Marchal :
Non. Parce que franchement, il y a eu une première version de deux heures cinquantes, et on se faisait bien chier ! Parce que ça ne marchait pas ; il y a avait trop de choses. Je racontais la mort de son père, son enfance parmis les gitans… On s’est vraiment pris la tête, à l’écriture du scénario. Même moi, en tournant, je me disais que j’étais en train de me planter, que je passais à côté du sujet…

Gérard Lanvin :
Heureusement que tu ne le pensais pas tout haut !

Olivier Marchal :
C’est un film qui, pour moi, a été problématique. Je ne fais que des polars, toujours du côté des flics, même si les personnages restent ambigus, et je me suis demandé si raconter l’histoire d’un voyou, c’était la bonne chose à faire. Mais la personnalité, l’humanité, de Momon l’a emporté à chaque fois.

Journaliste :
Combien de temps a duré le tournage, et toutes les prises ont-elles été faites dans la région lyonnaise ?

Olivier Marchal :
Le tournage a duré trois mois, et toujours à Lyon ou dans ses environs. La maison de Momon a été trouvée à Tassin-la-Demi-Lune… Après, on a choisi des lieux cinématographiques. Par exemple, les exécutions n’ont pas eu lieu là où elles se passent dans le film. Mais c’était aussi pour moi une façon de filmer Lyon, car je suis vraiment tombé amoureux de cette ville. Tout comme Bordeaux, c’est une ville qui s’est admirablement émancipée, déjà incroyable architecturellement parlant dans ses fondements, et que les différentes municipalités ont très bien embellie. On n’aime pas que manger et boire, ici, on aime aussi s’y promener ! Le gang des Lyonnais, c’est aussi la ville. Il y a un mystère, dans ses rues, dans ses quartiers… Et c’est le berceau historique du grand banditisme français.

Propos recueillis par Frédéric Wullschleger
Partager cet article sur Facebook Twitter