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réalisateur et co-scénariste
Journaliste :
Ce film est inspiré de votre expérience personnelle. Jusqu'à quel point le couple à l'écran ressemble-t-il au vôtre ?
Bernard Jeanjean :
Le point de départ, effectivement, est que moi et mon épouse avons essayé de faire un bébé. On avait des difficultés, on s'est aperçu qu'il y avait beaucoup de gens dans ce cas-là. Nous l'avons fait par insémination alors que pour le couple dans l'histoire, c'est plus mystérieux. Je pensais que ce serait un beau challenge de parler de ce sujet qui est un peu tabou, j'ai remarqué que les gens n'osent pas trop en parler. Je voulais faire quelque chose d'assez léger et d'assez juste en même temps. Je voulais aussi que ce soit des provinciaux à Paris, ce qui est mon cas. Mais il y a évidemment beaucoup de fiction. Je voulais que les gens puissent s'identifier aux personnages, qu'il y ait une sorte de panel représentatif. Par exemple, pour les familles, je voulais qu'il y en ait une distante et une prenante. Comme c'est de la comédie, on a forcé un peu le trait, mais c'était pour que tout le monde puisse s'y retrouver. Le film est avant tout une histoire d'amour. Souvent, dans le cinéma français en particulier, on raconte des histoires de rencontres amoureuses, mais rarement de couples qui sont déjà ensembles et qui s'aiment.
Journaliste :
Vous utilisez deux voix-off, ce qui est assez inhabituel...
Bernard Jeanjean :
Oui, je me suis amusé à faire quelque chose que je vois rarement au cinéma. Il y a beaucoup de films racontés avec une voix-off, mais dans mon film, c'est raconté avec les deux. On commence par elle, après il la rejoint, et ensuite ce sont les deux de concert, comme si le couple se formait en même temps pendant le film. Le seul moment où il n'y a pas de voix-off, c'est quand ils se retrouvent au moment où l'insémination n'a pas fonctionné, où il y a une espèce de perte, de lâcher prise. La voix-off donne une distance amusante mais crée aussi une intimité avec le spectateur, d'autant que les voix sont presque murmurées, ce qui permet d'être très proche d'eux.
Journaliste :
L'histoire est racontée de deux points de vue différents. Comme vous écrivez en binôme, est-ce que vous avez eu aussi deux points de vue lors de l'écriture du film ?
Bernard Jeanjean :
C'est très particulier, parce que c'est la première fois que j'écris avec ma femme et je serais incapable de dire qui est à l’origine de quel dialogue ou de quelle scène. Elle est plus visuelle, tandis que je suis plus attentif aux dialogues. J'ai tendance à écrire ce que je sais filmer et elle, elle m'a poussé à filmer des choses que je ne savais pas encore faire et que j'ai apprises pendant le tournage.
Journaliste :
Aviez-vous déjà ce couple d'acteurs en tête en écrivant le scénario ?
Bernard Jeanjean :
Quand j'écris, je ne pense pas du tout aux acteurs. J'ai d'abord rencontré Clovis. Après avoir lu le scénario, il avait une connaissance de l'histoire et du personnage, un regard, une lecture qui étaient extraordinaires. J'étais content de pouvoir lui offrir un rôle où il pouvait montrer ce que je connaissais déjà de lui dans l'intimité, c'est à dire son côté amoureux, qu'il joue avec un grand premier degré que j'adore. J'ai rencontré Olivia après. Je la connaissais dans des rôles sombres puisque je venais de revoir « MR 73 ». Je savais que c'était une actrice capable de jouer des choses très profondes, très fortes, mais je ne connaissais pas son côté lumineux et son petit grain de folie, que j'ai découvert quand elle m'a parlé du personnage.
Journaliste :
Êtes-vous plutôt directif dans votre façon de travailler avec les acteurs ?
Bernard Jeanjean :
On parle beaucoup avec les acteurs, avant la prise, et après je les laisse faire. J'ai une sorte de filet de sécurité. J'ai une très bonne monteuse, en qui j'ai une foi absolue. Elle a bossé avec Pialat et elle a fait aussi des comédies comme « La vérité si je mens », donc c'est quelqu'un de très large. Cela permet de pouvoir essayer des choses. On faisait une dernière prise que j'appelle la « freestyle »: une fois qu'on avait ce qu'il fallait, je leur disais : « on fait une dernière prise, faites ce que vous voulez ». Et parfois, ça donnait des bonnes choses.
Journaliste :
Vous avez réussi à avoir la célèbre chanson de Stevie Wonder « Isn't she lovely » pour votre générique de fin...
Bernard Jeanjean :
Cela me permet de raconter une anecdote que j'adore. Stevie Wonder ne donne jamais les droits de cette chanson parce qu'elle parle de la naissance de sa fille, et qu’elle est souvent demandée pour des pubs ou des choses comme cela. On lui a demandé, il a refusé, du coup ma femme a écrit une lettre qu'on a traduite en anglais, en lui disant que c'était une histoire personnelle… Et il nous a vendu les droits à une somme réduite. Merci Stevie!
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