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réalisateur et acteur
Journaliste :
Vous gérez aujourd’hui trois carrières différentes, comment se complètent-elles ?
Philippe Claudel :
Je pense qu’elles se nourrissent les unes des autres. Je suis toujours universitaire et cela me permet d’avoir un vrai enracinement dans le dans le réel et de ne pas perdre le cap. Je vis aussi dans une petite ville. Le milieu cinématographique peut vite enfermer et faire perdre le sens des réalités. Mon travail, ce lieu, cela me permet de voir la vie comme elle est. Par ailleurs, la littérature et le cinéma entretiennent pour moi des liens qui ont toujours été constants.
Journaliste :
Qu’est ce que le cinéma a en plus de l’écriture ?
Philippe Claudel :
Le cinéma est la réunion de tous les arts existants. Quand vous faites un film, vous écrivez, vous travaillez le son, l’architecture, vous étudiez l’art dramatique etc. L’expression du 7e art, je l’ai toujours prise d’une façon un peu déviante de un plus un plus un plus un plus un… égal sept. Parce que toutes les formes d’art sont réunies. Et puis le plaisir du cinéma, c’est cette construction collective. Il y a toute une chaîne humaine de talents extrêmement différents qui se met en place et qui concourt à l’édification du rêve d’une seule femme ou d’un seul homme.
Journaliste :
Dans ce deuxième film, aviez-vous besoin d’être en rupture avec le premier ?
Philippe Claudel :
Oui, c’était important. Et le troisième sera tout aussi différent. Ce qui me plait dans le cinéma, c’est l’exploration des genres, à la différence de l’écriture, où je me laisse porter par les histoires. J’admire d’ailleurs les cinéastes qui ont voyagé dans les genres, comme Kubrick par exemple. Là, j’ai pris plaisir à explorer la comédie.
Journaliste :
Comment l’idée de ce film vous est-elle venue ?
Philippe Claudel :
On vient d’évoquer le genre. La comédie italienne est un modèle pour moi. Il y a des scènes aussi bien burlesques que des scènes tragiques ou graves, et dans le fond, un élément de satire sociale, de satire politique. Le personnage de Stefano est donc venu très vite et autour de lui, il fallait construire des choses. Le dernier élément important a été la découverte quelques années plus tôt d’un album qui s’appelle « La Tarentella » de Christina Pluhar. J’ai fait de la musique l’un de mes personnages. Puis ensuite l’élément de gravité s’est ajouté, le fait qu’Alessandro soit veuf ; le personnage du clown s’est greffé aussi, son frère. Tout s’est construit comme cela.
Journaliste :
Considérez-vous « Tous les Soleils » comme un film politiquement engagé ?
Philippe Claudel :
Modestement. Ce n’est pas un pamphlet violent mais c’est vrai que de façon un peu légère, pas du tout moralisatrice, cela me plait d’avancer quelques éléments militants, pas seulement politiques. Il y a un militantisme par rapport à la fréquentation artistique. On découvre dans le film des gens dont les vies s’enrichissent de toutes formes d’art. C’est plus important pour moi que la satire, qui est surtout là pour faire rire.
Journaliste :
Pourquoi avoir choisi Strasbourg ?
Philippe Claudel :
Déjà parce que c’est une ville qui est très proche de la mienne et que j’aime beaucoup. Elle est aussi extrêmement protéiforme, et cela me plaisait d’en tirer une substance quasi-méridionale, un cadre chaleureux.
Stefano Accorsi :
Strasbourg, je ne connaissais pas, mais j’ai trouvé cela très jeune, très vivant. Quand on se promène dans les rues, on croise des gens de partout, on entend parler italien, français, allemand, enfin toutes les langues de l’Europe. On y rencontre une humanité très variée. C’est une toute petite ville quand on y pense, mais c’est vraiment très riche !
Journaliste :
Considérez-vous ce film comme un hommage à l’Italie ?
Philippe Claudel :
Tout à fait. Mes personnages n’auraient pas pu être espagnols même si j’aime beaucoup l’Espagne. Et puis, c’est aussi un film sur la musique. Il y a une musicalité dans la langue italienne. Mais c’est vrai que les engueulades en italien passent bien mieux qu’en allemand ! C’est un pays, avec une langue et une culture que j’aime vraiment. Vous savez, il y a une phrase qui dit : « Les français sont les italiens tristes », et c’est vrai qu’à chaque fois que je vais en Italie, j’essaie d’en tirer le meilleur.
Stefano Accorsi :
Jouer en italien des engueulades, c’est fort. Bien plus que de souffler en italien des petits mots à l’oreille d’une femme. Pour cela, c’est mieux en français ! (rires)
Journaliste :
Finalement, qu’avez-vous eu envie de nous dire ?
Philippe Claudel :
Ma matière première est l’être humain. J’avais le projet de faire un film heureux. Je voulais présenter des gens qui pensent aux autres et qui ont plaisir à être ensemble. J’avais envie de montrer des sentiments et notamment des bons sentiments. Il y a quelque chose qui m’agace, et depuis un certain nombre d’années : c’est le fait que cette expression soit devenue péjorative. Quand on dit qu’un film est plein de bons sentiments, ou un livre… Moi j’adore les bons sentiments ! Parce qu’à mon sens, c’est ce qui fait le ciment humain. S’il n’y a pas ça, il n’y a pas d’humanité.
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