©Les Films du Losange
Réalisateur
Cinq ans après "A travers la forêt", Jean-Paul Civeyrac nous revient avec un nouveau drame, cette fois sur le suicide. A l'occasion de la sortie de "Des filles en noir", le réalisateur nous reçoit au Comoedia pour nous livrer ses intentions en tant qu'auteur.
Dans le processus de création, on ne dicte jamais vraiment son inspiration. Il s'avère parfois qu'un genre vous inspire plus qu'un autre. C'est pendant l'écriture peu productive d'un scénario de comédie que Jean-Paul Civeyrac a eu l'idée du synopsis "Des filles en noir". Plusieurs fait divers rapportant des cas de suicides commis seuls ou en groupe lui ont mis la puce à l'oreille. Il est donc parti de cette volonté de mourir ensemble pour écrire le scénario du film qu'il a finalement bouclé en l'espace de trois semaines.
Le réalisateur admet ne pas avoir fait d'enquête préalable, ni de rencontre avec des pédopsychiatres afin d'expliquer ce genre de trouble. Ce qui l'intéressait à la base, c'était de retranscrire une amitié fusionnelle, mais dénuée de désir charnel, entre deux adolescentes à fleur de peau, dans un environnement qui ne les comprend pas. Cette incompréhension les amène à une négation de la société et dévoile l'impuissance des institutions à répondre à ce type de comportement. Pour le réalisateur, ces filles ne sont pas dépressives, contrairement à ce que pourrait penser la majorité des spectateurs en visionnant le film. Il ne s'agit pas de fascination de la mort. Elles portent en elles plutôt une surcharge de vie qui les amène à une déception sur ce que représente finalement la vie. Elles sont à vif et personne n'est à même de répondre à leur détresse malgré tous les efforts de leurs familles.
Jean-Paul Civeyrac admet d'ailleurs qu'en présentant ces filles dans un entourage sain, il s’est heurté à l'incompréhension des spectateurs face à leurs motivations macabres. Ces filles sans réels problèmes apparents, qui grandissent dans des familles équilibrées, mais qui, pourtant, souhaitent leur propre mort, ont de quoi déstabiliser. Malgré tout, Civeyrac pense qu'il est bien plus intéressant de les représenter dans ce contexte, car la pulsion suicidaire est souvent quelque chose de très personnelle et qui s'explique rarement par un entourage malsain. Le réalisateur nous confie qu'il désirait éviter à tout prix de faire un film qui prenne le spectateur par les sentiments pour faire au final une sorte de chantage émotionnel, comme on peut le voir souvent dans d'autres productions. Il pense avoir réussi à éviter toute complaisance sur le sujet. Il en profite pour évoquer son amour pour les mélodrames de Vincente Minnelli, qui représentent son idéal de mise en scène.
Le réalisateur confie aimer particulièrement travailler avec des acteurs non renommés, car l'aura célèbre de l'acteur ne va jamais interférer avec celle du personnage. Avec les comédiens connus, il y a toujours une préoccupation sur l'image d'eux-mêmes qu'ils vont produire à l'écran. Il déteste ces films qui annoncent une ribambelle de noms simplement pour obtenir plus facilement des financements.
Concernant le casting, il a d'abord vu environ trois cent filles sur vidéo, et en a finalement retenu une trentaine qu'il a ensuite rencontrées. Il a été frappé par le regard intense de la jeune actrice débutante, Elise Lhomeau, qui joue le rôle de Noémie dans le film. Léa Tissier est quant à elle une actrice non-professionnelle qui a fait beaucoup de théâtre. L'expérience d'un tournage l'intéressait. Lorsque Jean-Paul Civeyrac leur a fait faire des essais ensemble, il a tout de suite senti une connexion entre les deux filles. La suite, qu'il n’apprendra que bien plus tard, lui prouvera qu'il avait vu juste : à l'issue de la session, les deux actrices se sont liées d'amitié autour d'un verre et on fini par passer une soirée bien festive ensemble. Selon le réalisateur, le fait qu'elles soient devenues amies avant le tournage a bénéficié au film. On ressent cette complicité dans leur façon de se parler, de se rapprocher, etc.
Le film a été présenté à Cannes cette année, dans la sélection parallèle La Quinzaine des Réalisateurs. Jean-Paul Civeyrac, avait déjà présenté deux de ses précédents long-métrages à La Mostra et aux Berlinales, or le festival de Cannes a été pour lui une première. Le film a reçu un très bon accueil du public et de la presse, ce qui lui a permis de trouver un distributeur.
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