INTERVIEW

INSOUPÇONNABLE

©StudioCanal

INSOUPÇONNABLE


Gabriel Le Bomin, Charles Berling

Réalisateur et acteur


Tournée promotionnelle de Le Bomin et Berling pour le film « Insoupçonnable », le deuxième du réalisateur et le on-ne-compte-plus-mais-on-est-à-plus-de-50 pour l’acteur !

Charles Berling est le premier à nous rejoindre. Il arrive en terrain connu à Lyon, où il a tourné une partie des scènes du film « Insoupçonnable » dans lequel il tient le rôle d’un bourgeois naïf qui se laisse manipuler par une jeune femme, forcément fatale, interprétée par Laura Smet. « J’adore Lyon, c’est une ville magnifique, j’y est notamment joué Jean Moulin [2002, pour la télévision] et « Une affaire de goût » [2000, avec le regretté Bernard Giraudeau]. Il a lui aussi appris, avec beaucoup de tristesse, la disparition du comédien français deux jours auparavant [l’entretien a lieu le lundi 19 juillet]. « J’ai tourné deux fois avec Bernard Giraudeau, d’abord dans « Ridicule » [en 1996, de Patrice Leconte] et ensuite dans « Une affaire de goût » [de Bernard Rapp]. C’était un grand homme, qui s’intéressait à beaucoup de choses. »

Dans le nouveau film de Gabriel Le Bomin, Berling a été très intéressé par la manière de travailler du réalisateur : « Dans le livre, Tanguy Viel décrit parfaitement tout le système de la manipulation et Gabriel Le Bomin réussit parfaitement à le faire exister à l’écran. […] J’adore mon personnage, un homme de pouvoir et d’argent, en haut de l’échelle sociale mais qui a une faille et qui se laisse naïvement manipuler jusqu’au drame. Il a comme un vide dans son existence alors qu’il aurait tout pour être heureux. » Mais comme dit le dicton, l’argent ne fait pas le bonheur et les personnages de la famille de Henri (joué par Charles Berling) sont certes riches financièrement mais désespérément « pauvres » en amour !...

« J’aime beaucoup comment Gabriel [Le Bomin] a retranscri la bourgeoisie et les classes sociales dans le film, comment il leur a donné un côté très contemporain, analyse Berling. Aujourd’hui, le creux qui sépare les riches et les pauvres est de plus en plus grand. Avant, les pauvres admiraient quelque part les riches, leur ascension. Aujourd’hui, ils ne cherchent qu’une chose : les voler. »

Le réalisateur a, dès la fin du tournage de son premier long-métrage « Les fragments d’Antonin », cherché à mettre en scène le livre « Insoupçonnable » de Tanguy Viel. « Quand j’ai lu le livre, se souvient Le Bomin tout juste arrivé pour soutenir Berling dans l’interview, j’ai trouvé que tout était très cinématographique, j’ai immédiatement pensé à son adaptation. En plus, je cherchais pour mon second film, quelque chose de très différent, une histoire plus linéaire avec un vrai récit. » Le Bomin contacte donc l’éditeur du roman qui lui apprend que les droits ont déjà été cédés ! « J’ai donc envoyé une lettre aux producteurs qui avaient acheté les droits mais comme ils ne me connaissaient pas, ils ont été très méfiants et n’ont pas souhaité me confier tout de suite l’adaptation du livre. »

Heureusement, quelques mois plus tard, son premier film « Les fragments d’Antonin » sort sur les écrans français, et Gabriel Le Bomin les invite à assister à une projection. « C’est à ce moment-là que les producteurs ont eu confiance en moi, confie le réalisateur. Passer à un deuxième film n’est pas plus stressant que diriger le premier. J’y ai mis le même niveau d’investissement. J’étais très motivé car le livre de Tanguy Viel me plaisait énormément. J’ai notamment adoré me faire balader par l’histoire ! »

Pour l’adaptation du roman, Gabriel Le Bomin s’offre les services d’un co-scénariste, Olivier Gorce, qui s’est notamment fait connaître pour sa participation au scénario de « Violences des échanges en milieu tempéré ». « Ensemble, pour « Insoupçonnable », on a surtout voulu aller au-delà des figures classiques du thriller que sont la garce et sa proie. On a voulu que ces personnages soient les plus humanistes possibles. En outre, on ne voulait pas « chabroliser » notre film, on a donc rapidement exclu un tournage sur la côte atlantique pour nous tourner vers Genève et son lac », explique Le Bomin.

Car le livre original se déroule sur la côte ouest et en pleine mer. Le Bomin et Gorce ont préféré situer l’action du film en milieu montagneux et sur un lac comme pour mieux enfermer leurs personnages. Le tournage a ainsi eu lieu à Lyon (Rhône), Bellegarde (Ain), Divonne les Bains (Ain), la gare de Saint-Exupéry (Rhône) et Genève (Suisse). « Au départ, je souhaitais tourner en été, mais l’agenda de chacun nous a contraint à repousser à l’automne, se rappelle Le Bomin. Je craignais les journées plus courtes et j’avais peur que la lumière ne me plaise pas. Mais au final nous avons réussi à en tirer parti. » Le froid de la saison se ressent effectivement dans le film, comme le froid d’une histoire qui fait « froid dans le dos » et le froid d’un cadavre que le bleu colore.

Le bleu est d’ailleurs une couleur importante pour le film. Outre le fait que l’affiche ne soit composée que de cette unique couleur, le bleu renvoie à l’élément qu’il symbolise le mieux : l’eau. « Je ne pensais pas que l’eau prendrait une telle importance dans mon film, constate Le Bomin. C’est vrai que Genève est une ville d’eau, qu’une scène clé se déroule sur le lac Léman, mais il y a aussi plein d’autres détails comme les néons de lumières de la maison au début qui jaillissent tel une cascade d’eau, les photographies, toutes d’eau, qu’Henri collectionne et qui sont affichées partout chez lui… » L’eau c’est surtout l’univers de l’écrivain, l’auteur du roman original. Tanguy Viel est en effet un vrai Breton, né en 1973 à Brest, et dont le dernier roman s’intitule « Paris-Brest ».

Tanguy Viel a déjà pu voir le résultat sur grand écran de l’adaptation de son roman à succès de 2006. Mais Gabriel Le Bomin confesse que le romancier n’a pas complètement été emballé et qu’il s’est même senti trahi par le film. C’est le premier roman de Viel a être adapté pour le cinéma. On peut dire que la première fois, ça fait toujours ça ! C’est un peu la base même d’une adaptation littéraire pour le cinéma. Quel lecteur ne s’est pas senti trahi en voyant la façon dont un cinéaste avait mis en images ce qu’il avait initialement imaginé à la lecture d’un roman ? Le mieux est encore d’aller voir le film pour se faire son propre avis sur la question, qu’on ait lu le roman… ou pas !

Mathieu Payan
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