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réalisateurs, co-scénariste et voix
A l’occasion de la sortie des "Lascars", rencontre avec les réalisateurs Albert Pereira-Lazaro et Emmanuel Klotz, le co-scénariste et acteur IZM (José Frelate dans le film) et l’acteur Vincent Desagnat (le producteur John Boolman).
Journaliste :
Vous étiez à Cannes il y peu, où le film était présenté. Comment s’est passée la réception du film là-bas ?
Albert Pereira Lazaro :
Le film a été super bien accueilli. On a su assez tard, en fait, qu’on serait à Cannes, même s’il y avait des rumeurs dans la presse spécialisée, d’une sélection en compétition officielle. Ce qui nous paraissait complètement surréaliste ! Bon, finalement on était à la Semaine de la Critique, mais c’était déjà très bien.
Journaliste :
Pour revenir aux débuts du projet... Comment avez vous été contacté par la production, par les créateurs de la série, pour réaliser le film ? Je sais que vous n’aviez pas œuvré sur la série...
Albert Pereira Lazaro :
C’est une question pour IZM, plutôt...
IZM :
Nous savions que le challenge était important, de passer d’une durée d’une minute à un long-métrage de quatre-vingt dix. Il nous fallait donc des personnes qui soient douées dans leur domaine. Albert et Emmanuel avaient l’habitude de travailler avec Millimages (société productrice du film), qui nous a présenté leur travail. On a été assez ébloui par ce qu’on a vu, et c’est comme ça qu’on leur a proposé le projet. Ca a été très vite, ils sont les premiers qu’on a rencontré, et le feeling passant immédiatement entre nous... Il y avait une rigueur, une tenue dans leur travail, particulièrement le court-métrage qu’ils ont fait avec Arthur, et on a su qu’ils seraient les bons.
Journaliste :
Comment se passe le travail, en matière d’animation ? Vous avez le scénario, puis vous faites des storyboards...
Emmanuel Klotz :
C’est un film très compliqué, plein d’intrigues différentes. On a donc fait beaucoup de storyboards, pour pouvoir faire des montages animatiques et avoir une idée précise du montage de l’animation. La phase d’écriture s’est prolongée jusqu’à très tard, quasiment jusqu’à la fin.
Albert Pereira Lazaro :
La phase d’animatiques, ça correspond aux storyboards filmés, avec un timing précis et les voix des comédiens. On est donc parti d’un scénario existant, co-écrit par Eldiablo, IZM et Alexis Dolivet, auxquels s’est ajouté Emmanuel. On a ensuite rencontré tous les comédiens souhaités, pour enregistrer les dialogues, avant de passer aux animatiques des storyboards.
Journaliste :
Le fait d’enregistrer les dialogues avant l’animation et le montage a-t-il laissé une place à l’improvisation de la part des comédiens ?
Vincent Desagnat:
Il y avait une bonne base, le scénario, avec les dialogues de chaque personnage, sur laquelle nous pouvions apporter nos propres éléments, proposer des choses intéressantes.
IZM :
On avait l’avantage d’avoir de bons comédiens, pas étrangers à cette culture.
Vincent Desagnat:
Ca nous parlait tout de suite. L’ambiance, le ton du film, les dialogues... On a pu entrer assez vite dans le délire, mais dans le bon sens ! Je n’avais pas cet « accent » typique des Lascars, mon personnage de producteur de films porno, John Boolman, étant un peu à part. Mais il y avait quand même, pour tous les comédiens, une bonne connaissance de l’univers décrit dans le film, de certaines scènes... Je dis des bêtises, non ?
Les autres :
Non non !
Vincent Desagnat:
Faut dire que j’en suis qu’à mon quatrième film porno, donc...
Albert Pereira Lazaro :
En fait, le film s’est construit un peu comme un film « live ». On avait le scénario, les premiers storyboards, puis venait le travail avec les comédiens, avant l’animation proprement dite et le montage devant assembler tous les éléments. C’est une première en France, alors que les Américains travaillent toujours comme ça. Ce n’était pas un travail, pour les comédiens, de simple doublage, mais un vrai boulot à l’Armoricaine ! Ca a permis d’affiner l’animation, de la rendre plus en accord avec les apports des comédiens, leur personnalité.
Journaliste :
Vous avez dû vous éclater !
Albert Pereira Lazaro :
Oui, et on est très fier du résultat final, vu la somme de boulot effectué. On s’est beaucoup marré tout au long de la conception du film, mais ça n’était pas une partie de plaisir tous les jours. On dormait directement dans le studio, avec nos couettes et des canapés, on enchaînait les nuits blanches... Mais bon, quand la fatigue arrivait, on se disait « On fait le film des Lascars quand même ! ».
Journaliste :
Ce qui m’a frappé en voyant le film, c’est à quel point il peut être épuisant ! Le rythme est infernal, ça ne s’arrête jamais, y a des trucs dans tous les coins de l’image, dans tous les sens... C’est sans doute malin de votre part, on est obligé de le voir plusieurs fois, tellement ça fourmille de détails, dans les décors, les dialogues...
Vincent Desagnat:
Il faut y aller cinq fois. Au moins !
IZM :
J’ai vu le film cinq ou six fois, et c’est vrai que je découvre encore des gags, des clins d’œil...
Journaliste :
Comme l’opérateur téléphonique du film : Jaune !
Albert Pereira Lazaro :
C’est un travail vraiment collectif. Et je pense que chacun, des animateurs aux comédiens, en passant par les dessinateurs ou les musiciens, ont apporté ses petits détails qui font la richesse du film. Jusqu’au compositing, où l’on assemble les décors, les personnages, pour finaliser les scènes, chacun était libre d’ajouter son grain de sel, en jouant sur les couleurs, le nom des marques... A partir du moment où tout le monde savait la direction à prendre pour le film, on était libre de laisser s’exprimer nos folies !
IZM :
"Lascars" reste un projet atypique, même dans le monde de l’animation, et les artistes travaillant dessus pouvaient enfin se lâcher un peu, et vraiment s’éclater. On n’est pas dans un monde de gentils petits lapins !
Journaliste :
En parlant de gentils petits lapins... Le film s’adresse avant tout à un public adulte, ou bien adolescent, ce qui ajoute à son atypisme...
IZM :
La série ne s’adressait pas aux enfants. Ils peuvent y trouver un intérêt, parce qu’il y a des dessins marrants, des grimaces et des tronches pas possibles, mais ça reste peut-être un peu compliqué pour eux. Et en passant au long-métrage, on ne pouvait pas changer cette orientation, du style les « mini-lascars » ! Mais on reste surpris de voir des familles aux séances, et les petits qui kiffent le truc. Ca reste vrai que le passage au long-métrage nous obligeait à élargir un peu le public visé, à s’adresser à un plus grand nombre de gens, et plus seulement nos potes et les mecs qu’on connaît dans cet univers hip-hop.
Journaliste :
En tant que réalisateurs, et n’étant pas à la base du projet, aviez-vous une certaine responsabilité à ne pas dénaturer le monde et les codes des "Lascars" ?
IZM (mimant un fusil à pompe) :
Ils avaient la pression !
Emmanuel Klotz :
C’était primordial dans notre travail. On avait adoré la série, bien sûr, et on avait à cœur de la respecter le plus possible. Mais c’était, pour beaucoup de gens, le premier film. Il y avait donc cette énergie, cette envie de bien faire qui irriguait constamment le projet. C’était un travail collégial, et parmi toute l’équipe, comédiens inclus, il y avait une grande confiance dans l’histoire racontée, dans le projet sur lequel on planchait tous.
Journaliste :
En revoyant des épisodes de la série, j’ai trouvé un aspect, dans le dessin ou l’animation, très artisanal. On sent bien que c’était à la base un truc fait entre potes. Alors que dans le film, au contraire, il y a une ambition visuelle vraiment ébouriffante, notamment dans la manière de différencier l’animation, l’esthétisme, le ton, en fonction de chaque scène. Comment avez-vous travaillé dans ce sens ?
IZM :
C’est ce qu’on appelle de la mise en scène !
Journaliste :
Justement ! J’ai eu l’impression, sur certaines séquences, de voir un vrai film, avec des acteurs jouant leur rôle à l’écran.
Emmanuel Klotz :
On a pensé le film dans sa totalité. On se disait qu’en fonction de nos moyens, on pouvait en mettre plein la vue dans telle scène, ou au contraire se concentrer sur les personnages dans telle autre.
Albert Pereira Lazaro :
On voulait donner l’illusion que tout est très bien partout, donc il fallait choisir, à chaque fois, quels éléments mettre en avant à tel moment, pour donner une unité au film, malgré le budget et le temps impartis. Il fallait donc trouver des endroits stratégiques où placer la poursuite, ou tel décors fixe. Disons qu’on voulait faire une grosse tarte aux fraises, mais qu’on n’avait pas beaucoup de fraises ! Alors il fallait laisser croire qu’on en avait mis partout, sur toute la surface du gâteau, pour que le goût soit celui des fraises, et pas de la pâte !
IZM :
Mais en voyant le film on se rend vraiment compte du travail de mise-en-scène. On dirait un vrai film, pas un cartoon délirant. Il y a des plans ambitieux, des mouvements de caméra inventifs. C’est hyper bien réalisé !
Journaliste :
Complètement ! Avec ce mélange de 2D, de 3D, de prises de vue réelles redessinées...
Albert Pereira Lazaro :
On savait que la 3D serait une aide. Un moyen quoi, sur certains plans de faire des choses impossibles, pas une fin en soi,. Avec les véhicules notamment. Malgré le system-D et la débrouille, c’est la qualité des gens présents sur le projet qui a permis une telle ambition, une telle teneur visuelle.
Journaliste :
Qui a eu l’idée de la chanson de fin, absolument hilarante ?
IZM :
Il y a eu beaucoup de questionnements, concernant la manière de finir le film. Des choses totalement différentes, mais aussi du vrai rap bien hardcore. C’est un peu par l’insistance d’Emmanuel que la chanson s’est retrouvée dans le film. Et pour celle-ci, on voulait un rap de premier de la classe ! C’était l’idée globale de la chanson. On a écrit le texte, on l’a proposé à Vincent Cassel, et on l’a fait !
Journaliste :
Une dernière question, pour Vincent. C’est pour quoi, la grosse barbe ?
Vincent Desagnat:
Pour "Fatal Bazooka – le film", qu’on est en train de tourner avec Mikael Youn.
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