© Les Films du Losange
réalisatrice
C’est dans l’ambiance feutrée du “Balcon”, le petit bar du Comœdia, que nous avons rencontré Agnès Varda. La voix cassée par un mauvais rhume, elle captiva immédiatement son auditoire, évoquant sa vie et les raisons pour lesquelles elle a réalisé son autobiographie “Les plages d’Agnès”.
LES MIROIRS “Outils par excellence de l’autoportrait…”
Au début de son film, Agnès Varda accompagnée de jeunes étudiants en cinéma dispose toute une série de miroirs sur une plage de la mer du Nord.
“Dans cette scène, je présente tous les étudiants en filmant leur reflet, par contre je ne voulais pas qu’on voit le mien, ou alors furtivement le visage caché par mon foulard qui vole dans le vent. Raconter des moments de ma vie, c’est comme au travers d’un miroir, un jeu de ricochets qui renvoient sur le monde.”
Agnès Varda a souvent réalisé des films mettant en scène des personnes qu’elle croisait quotidiennement à certaines époques de sa vie. Pour exemple, elle cite son film “Daguerréotypes”, un docu-fiction où elle interroge les commerçants de son quartier, notamment cette boulangère qui raconte pudiquement son histoire d’amour.
LA MéMOIRE “La sélection se fait avec des bricoles”
“Quand on fait le tri dans sa mémoire, ce sont les détails qui reviennent. Le maillot de bain que j’avais étant enfant, et les fleurs en papier que je plantais dans le sable. 70 ans après, j’ai été surprise de voir sur la même plage des petites filles faire de même. Quand je suis retournée par hasard dans la maison de mon enfance à Bruxelles, je pensais filmer la chambre que je partageais avec ma sœur, retrouver cet endroit où j’avais vécu. Or très vite le nouveau propriétaire m’a accaparé pour me décrire avec passion sa collection de trains électriques. J’ai gardé cette scène car je l’ai trouvée assez cocasse finalement. De mon enfance je n’ai pas réellement de souvenirs, ce sont les quelques photos que j’ai gardées qui me rappellent ce moment de ma vie. C’est pour cela que dans mon film, je les ai disposées dans le sable, balayées par le vent.”
Jacquot de Nantes “Se souvenir des souvenirs de quelqu’un…”
En 1990, Agnès Varda réalise “Jacquot de Nantes”, qui retrace l’enfance de Jacques Demy. “Comment vous vous souvenez des souvenirs de quelqu’un ? Je me souviens de ceux de Jacques, parce que je l’aimais ! Je me suis basée sur ce qu’il m’a dit, mais les dialogues sont de moi. Cette limite je la trouve belle !” Jacques Demy alors très malade était présent sur le tournage, il mourut juste avant la sortie du film. “Si Jacques avait pu voir “Les plages d’Agnès”, il aurait appris des choses sur moi, tout comme mon fils Mathieu. Lui et moi, nous nous sommes longtemps posé la question de révéler ou non que Jacques était mort du SIDA. Mathieu a exorcisé la chose en réalisant “Jeanne et le garçon formidable”. Moi j’en parle à présent, car près de 20 ans se sont écoulés et je ne pouvais parler de ma vie sans le mentionner.”
“Lorsque j’ai terminé le montage des “Plages d’Agnès”, j’ai eu peur qu’il soit trop long, car j’ai la terreur des films qui rasent les pieds. Lors d’une séance, j’ai demandé son avis à Arnaud Desplechin qui m’a convaincu du contraire, alors je n’ai plus rien touché”.
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