INTERVIEW

NOS ENFANTS NOUS ACCUSERONT

© CTV International

NOS ENFANTS NOUS ACCUSERONT


Jean-Paul Jaud

réalisateur


Journaliste:
Quel est l’élément déclencheur qui vous a poussé à faire ce film ?

Jean-Paul Jaud:
C’est avant tout l’état de la planète, sa dégradation. Nous allons laissé un héritage catastrophique à nos enfants, à savoir qu’on ne transmettra pas cette terre dans l’état dans lequel on nous l’avait laissé à nous. Par ailleurs, j’ai voulu faire ce film car j’ai le sentiment que l’on fait tout pour que l’espèce humaine disparaisse, après en avoir nous-même éliminé tant d’autres.

Journaliste:
Vous êtes entrés dans la vie quotidienne et intime des habitants de Barjac. Comment l’ont-ils vécu ?

Jean-Paul Jaud:
Le tournage s’est très bien passé, il était important pour moi de maintenir une unité de temps idéale. Le temps était nécessaire pour s’intégrer aux gens de Barjac, que l’équipe de tournage se fasse accepter autant que la caméra.

Journaliste:
Pourquoi une école ?

Jean-Paul Jaud:
L’école me semblait le meilleur endroit pour sensibiliser les gens. Beaucoup de documentaires ces dernières années ont établi des constats sur la situation de l’agriculture et de l’alimentation, mais je préférais apporter un élément d’action, de réponse à tout cela. Or, ce qui nous rassemble tous c’est nos trois repas quotidiens, nous avons tous, enfants, été à la cantine, nos enfants également. C’est ce qui m’a poussé à faire ce choix, car je pense que la restauration collective est un lien qui fédère tout le monde. La restauration doit éduquer les enfants, on doit leur apprendre à respecter le moment du repas, qui englobe la notion d’alimentation saine mais aussi la convivialité. C’est comme cela qu’on les conduit au respect du vivant, et qu’ils motivent leurs parents pour aller vers le BIO !

Journaliste:
Pensez-vous que l’initiative du Maire de Barjac, à savoir intégrer le BIO dans l’alimentation quotidienne, puisse être développée dans des grandes villes ?

Jean-Paul Jaud:
Tout à fait. A Barjac cela représente déjà plus de 200 repas par jour, à destination des enfants mais également des personnes âgées et isolées. Cette organisation est applicable partout où on le souhaite.

Journaliste:
Le contraste est violent entre la beauté des paysages de cette région qui ressemble à un paradis terrestre et les dégâts occasionnés par l’agriculture classique. Comment avez-vous appréhendé cela ?

Jean-Paul Jaud:
Personnellement je suis très attaché à l’alimentation respectueuse, à l’environnement. C’est pourquoi je voulais surtout représenter cette beauté, cette intégrité là, qui est tellement gâchée. Un paradoxe volontaire existe effectivement entre un hommage à la vie, à la nature, que j’ai souhaité valoriser, et la destruction de tout cela.

Journaliste:
De plus en plus de documentaires sur l’agriculture, la «mal-bouffe» et ses conséquences sont présentés ces derniers temps, notamment avec l’apparition de festivals spécialisés dans les sujets de nature et d’environnement. Croyez-vous que le vecteur cinéma est particulièrement adapté à la prise de conscience du spectateur ?

Jean-Paul Jaud:
Lénine disait «Le cinéma est l’art qui nous importe le plus». Je crois sincèrement qu’un film au cinéma pénètre en vous, car il y a l’acte d’aller vers le film, d’échanger avec les autres spectateurs, beaucoup plus que face à la télévision. Le cinéma ne remplit pas encore son rôle documentaliste, mais je crois en sa capacité particulière à nous faire ressentir, à nous ébranler intérieurement.

Journaliste:
Qu’espérez-vous susciter comme réaction du public ?

Jean-Paul Jaud:
Cela fait deux mois que je sillonne la France avec ce film, c’est primordial pour moi d’accompagner le film, en faisant rencontrer le public et les spécialistes, les médecins. Je suis militant environnementaliste depuis peu, les films que je faisais avant étaient davantage des constats de ce vivant, mais désormais ma démarche est plus active. Le «retour» sur le film est encore un peu hésitant, ce qui est sûr c’est que les gens ne ressortent pas insensibles de la salle.

Journaliste:
Comment expliquez-vous que les pouvoirs publics, malgré les rapports alarmants des experts, ne réagissent pas?

Jean-Paul Jaud:
Il y a différents blocages. Tout d’abord, les citoyens manquent cruellement d’informations, ce sont les médias qui ne remplissent pas tous leur rôle. Ensuite, si les politiques n’agissent pas, pour des raisons de lobbying notamment, ce sont aux citoyens d’agir pour presser les pouvoirs publics, aux citoyens de boycotter les produits non sains. On voit bien que le Grenelle de l’Environnement ne donne pas des mesures concrètes, il ne faut pas attendre de gestes de la politique. Il faut refuser cette soumission, cette fatalité, et agir.

Journaliste:
Quels sont vos projets ?

Jean-Paul Jaud:
Retourner à Barjac faire une suite, pour être témoin de l’évolution. Le BIO a-t-il perduré, quels changements cela a-t-il occasionné dans la vie des habitants? Le tournage débutera début 2009, pour une sortie en 2010.

Camille Chignier
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