INTERVIEW

CLIENTE

© Gaumont Distribution

CLIENTE


Josiane Balasko

réalisatrice – scénariste – actrice


Journaliste:
A votre avis, l'argent fait-il finalement ressortir les sentiments vrais ?

Josiane Balasko:
Oui. L'argent peut détruire aussi. Au final l'argent doit rester un valet. On arrête quand on n'a plus les moyens...

Journaliste:
Pourquoi le scénario de « Cliente » a-t-il fait peur à certains producteurs ? Car au fond le sujet n'est plus si scandaleux...

Josiane Balasko:
Je l'avais proposé à l'époque où il y avait des incertitudes sur le devenir de Canal plus. Il y avait une certaine frilosité. Je ne sais pas si ça aurait été différent à une autre période. Il y a eu des réactions épidermiques aussi, qui me confirmait que cette histoire avait bien un intérêt. J'en ai fait un bouquin qui a été tiré à près de 100 000 exemplaires. C'est ce qui finalement a entériné le projet. En un sens ce sont ceux qui m'avaient dit non qui avaient raison: cela m'a donné du temps pour retravailler le scénario.

Journaliste:
Qu'est ce qui justement a été retravaillé ?

Josiane Balasko:
Il s'agit finalement d'un mélange entre le bouquin et le premier scénario. J'ai pu fouiller les relations entre les personnages, pour les rendre plus crédibles. Et puis il y avait plus de happy ends dans l'original...

Journaliste:
Une femme libre a-t-elle forcément de l'argent et aucune attache ?

Josiane Balasko:
C'est avant tout une femme qui fait ce qu'elle veut. En occident, on ne se rend plus compte de notre chance: on n'a pas de voile obligatoire, et puis on a le droit de vote...

Journaliste:
Avez-vous pensé à un autre acteur qu'à Eric Caravaca ?

Josiane Balasko:
Je n'ai pensé qu'à lui. C'était comme un Dewaere à 30 ans. Mais ce choix n'a pas été facile à faire passer. Dans ce rôle, on imagine facilement une gravure de mode, un homme qui ferait la couverture d'un magazine de musculation ou de « Têtu ». Mais sur les sites qui proposent ce genre d'offres, ce ne sont pas tous des Appollon. Son personnage est sans culpabilité. Il gère avec les cadeaux et l'argent qu'il ramène.

Journaliste:
Le film aurait-il pu être tourné ailleurs qu'à Paris?

Josiane Balsako:
J'ai cherché des lieux. Le personnage féminin aurait pu vivre dans un château, avec un domaine de vignoble. Mais je ne connais pas ce milieu. Et puis le « télé achat » ne se tourne qu'à Paris. Le personnage de Nathalie est presque vulgaire dans ces scènes, elle fait un peu bobonne. Il fallait qu'elle soit « vue à la télé », sans pour autant être vraiment connue. Son personnage s'humanise peu à peu. Il sait pleurer. C'est accepter de souffrir, c'est libérateur. Elle se fait mal dans ses propres hypothèses, comme celles liées à l'âge rêvé. Mon personnage à moi, est plus inspiré de copines qui se faisaient des fixettes sur des princes du savoir (aux métiers aux noms en « logue »).

Journaliste:
Dans votre film, la vraie jeunesse est aveugle... l'assistante prend des croques morts pour des princes charmants et votre fille filme tout au camescope...

Josiane Balasko:
Je crois que les jeunes vivent beaucoup derrière des écrans. Grâce aux téléphones portables et à l'internet, on devient tous des pseudo-journalistes. On devient des milliards de paparazzi. On vend des images d'accidents sur internet. Et la télé-réalité amplifie le phénomène, en permettant de parler en public de ses problèmes privés. Ma fille devient un peu cela: une opératrice de télé-réalité...

Olivier Bachelard
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