INTERVIEW

COUPABLE

© Rezo Films

COUPABLE


Laëtitia Masson

réalisatrice et scénariste


Abus de ciné:
Coupables, vos personnages ne veulent pas l'être...

Laëtitia Masson:
Leurs visions idéales doivent faire face à la réalité. Ils se rendent compte qu'ils peuvent faire du mal. Et même en aimant l'autre, ils le seront... coupables. Ils sont pour sûr tout seuls, même lorsqu'ils sont en couple. Ils font des tentatives de contact, mais peu à peu on oublie l'idée du point de rencontre...

Abus de ciné:
Est-ce que vous définiriez les parents comme pragmatiques dans leur vision des relations? Ou est ce qu'ils ne sont pas symboliques d'une génération qui ne s'interrogeait pas sur l'amour?

Laëtitia Masson:
Ca n'est pas une question de génération. Ils sont ensemble depuis 40 ans. Il y a des gens comme ça, qui sont dans le questionnement, et d'autres qui sont capables de construire quelque chose sans se poser de questions. Ils sont à la fois bienveillants et innocents. Mais chacun transmet souvent l'image donnée par les parents...

Abus de ciné:
Est-ce qu'on choisit toujours les gens mystérieux ou potentiellement dangereux?

Laëtitia Masson:
Chacun a son idée. Le personnage de Jérémie Rénier projette sur elle (Hélène Fillières) sa propre idée de l'amour. Lui se trouve faible et voit en elle quelqu'un de fort, qui dans la réalité ne l'est pas tant que ça. Le fantasme, la projection, constituent un moteur, mais aussi une source de danger. On crée un point de rencontre fictif. Et cela ne va pas sans dommages collatéraux. J'essaye de ditinguer une vraie rencontre des idées de couple et de long terme, qui pour moi sont des mythes, comme dans l'intro du film.

Abus de ciné:
Vous dites que l'âme soeur (l'amour), il faut y croire... Est-ce que vous personnages, eux, n'ont pas renoncé à y croire?

Laëtitia Masson:
Anne y croit de manière mystique. Hélène y croit de manière littéraire, elle s'habille en Lady Chaterley. Jérémie, lui, n'y arrive pas. C'est le plus démuni. Il subit sa première déception amoureuse. Il vit la culpabilité et ne croit plus en lui même. Il se sait capable de quitter, ce qui est une vision a priori atroce, puisqu'il pourrait la quitter aussi à terme.

Abus de ciné:
D'où est venue l'idée du chat empaillé sur la table de Podalydès? Ne s'agit-il pas d'un compagnon, comme peut l'être la prostituée...

Laëtitia Masson:
Je voulait disposer quelques éléments décalés pour créer un sentiment d'étrangeté. Le chat, c'est plus une simulation du couple pour le personnage, ou un animal domestique comme compagnon. Il n'est pas l'élan entre deux personnes, mais plutôt un symbole de mort.

Abus de ciné:
Comment Jean Louis Murat et sa chanson sont-ils arrivés sur le film ?

Laëtitia Masson:
Il l'a composée exprès pour le film. J'avais fait un court métrage autour d'un texte de Christine Angot, il y a 6 ou 7 ans. C'est alors que je l'ai rencontré. Je trouvais qu'il cherchait dans ses textes la même chose que moi, une sorte de poésie concrète. Il a accepté d'écrire la musique et d'être payé un minimum. Je ne lui ai pas fait de suggestions particulières. Il a écrit toute la musique et c'est elle qui a en grande partie guidé le montage.

Abus de ciné:
Quels ont été les lieux de tournage ? Le fameux « lac pourri » c'est celui d'Annecy ?

Laëtitia Masson:
Non, le lac « pourri » c'est Chambéry... On a tourné à Saint Etienne, car là bas l'horizon est bouché, entre ciel bas et montagnes. Il fallait un lieu où on se sente abandonné, mais où le romanesque soit possible. A St Etienne l'urbanisme paraît écrasant. J'y suis restée 2 jours, cela me paraissait compliqué, mais malgré des aspects sinistrés, il y a une certaine chaleur humaine qui se dégage. Le tournage devait se faire initialement à Brest. Mais le projet a été très difficile à monter. Heureusement il y a eu des rencontres avec des individus qui ont cru au film, comme celui qui a conçu l'affiche et s'occupe de la campagne d'affichage, ou comme les sélectionneurs de Berlin. Cela nous évite une sortie totalement confidentielle...

OB
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