INTERVIEW

IL Y A LONGTEMPS QUE JE T’AIME

© UGC

IL Y A LONGTEMPS QUE JE T’AIME


Philippe Claudel

réalisateur et scénariste


Journaliste :
Combien de temps entre l’idĂ©e du film et aujourd’hui ?

Philippe Claudel :
Deux ans trĂšs intenses, qui m’ont demandĂ© beaucoup d’énergie !

Journaliste :
Est-ce que le film ressemble à ce que vous imaginiez ?

Philippe Claudel :
Oui ! Je serais mal Ă  l’aise si c’était le contraire. J’étais content aprĂšs chaque journĂ©e de tournage
 AprĂšs le premier montage, j’étais content car tout Ă©tait dĂ©jĂ  lĂ , l’essentiel Ă©tait là ! Je me mettais beaucoup de pression car j’avais une grosse responsabilitĂ©. Je ne voulais pas dĂ©cevoir les producteurs et je ne voulais pas me foutre de la gueule du contribuable ! Je voulais faire un film qui ne parle pas qu’à un seul public, mais je ne voulais pas faire un film racoleur non plus. Je voulais une mise en scĂšne sobre qui aille avec les personnages.

Journaliste :
Quelle Ă©tait l’idĂ©e d’origine ?

Philippe Claudel :
A la base je voulais faire un portrait de femme, puis raconter des destins fĂ©minins. J’avais le dĂ©sir de faire le contraire de mes romans. Enfin j’ai eu l’idĂ©e de deux sƓurs et d’explorer le fait qu’on peut ĂȘtre Ă©levĂ© par les mĂȘmes parents et avoir des destins si diffĂ©rents. Les deux sƓurs sont a priori diffĂ©rentes mais elles ont en elle une force absolue : Juliette, a la force de ne pas se justifier. Sa sƓur , plus jeune , plus fragile possĂšde, elle, cette force incroyable de ramener sa sƓur Ă  la vie
 Que les deux filles de LĂ©a soient adoptĂ©es n’est pas innocent. Leur lien est l’amour. Il n’y a aucune volontĂ© chez Juliette de se rapprocher de sa sƓur. Quant Ă  LĂ©a, elle a vĂ©cu son absence comme un dĂ©cĂšs
 Elle s’est construite dans le manque. Il y a une sorte de cassure. Du coup, le couple dans le film est marginalisĂ©.

Journaliste :
Le thĂšme de l’enfermement est rĂ©current. On voit qu’il vous tenait Ă  cƓur


Philippe Claudel :
En effet, l’enferment est dĂ©clinĂ© sous plusieurs aspects : le grand-pĂšre est enfermĂ© dans son silence. On peut facilement comparer sa chambre Ă  une cellule. C’est d’ailleurs le premier personnage vers qui Juliette va.

Journaliste :
Qu’est-ce qui a motivĂ© votre façon de filmer de si prĂšs ?

Philippe Claudel :
J’avais la volontĂ© d’avoir une camĂ©ra au plus prĂšs des ĂȘtres, comme une camĂ©ra scalpel. Je voulais filmer l’importance de ce que les visages pouvaient dire. Les actrices n’ont pas de maquillage. J’ai fait le choix de la Haute DĂ©finition pour avoir une belle image pour les plans extĂ©rieurs. Le film rassemble plein d’élĂ©ments qui me sont chers et les lieux ont un rĂŽle important : la piscine, les cafĂ©s, les rues


Journaliste :
Comment avez-vous fait votre casting ?

Philippe Claudel :
Kristin Scott Thomas est une grande comĂ©dienne et elle n’avait jamais eu de premier rĂŽle dans le cinĂ©ma français
 Quant Ă  Elsa Zylberstein, je l’avais en tĂȘte depuis le dĂ©but. Les deux formaient un couple intĂ©ressant. Je trouvais qu’il y avait une ressemblance physique et elles Ă©taient crĂ©dibles en sƓur.

Journaliste :
Est-ce que vous avez pensĂ© Ă  ne pas rĂ©vĂ©ler du tout Ă  la fin, ce qu’il s’était rĂ©ellement passé ?

Philippe Claudel :
J’y ai pensĂ© oui, mais je ne l’ai pas tentĂ© car cela aurait Ă©tĂ© immĂ©diatement un autre film qui ne dit pas la mĂȘme chose que le mien. Et dans la tĂȘte des gens aussi cela aurait Ă©tĂ© diffĂ©rent. Pour 90% d’entre eux cela aurait Ă©tĂ© le portrait d’une femme qui a tuĂ© son enfant et on aurait imaginĂ© le pire. Je voulais filmer la renaissance Ă  la vie, c’est-Ă -dire le portrait de quelqu’un qui dĂ©cide de revenir. La scĂšne de la fin est une sorte d’accouchement de la douleur, de tout ce qui est impossible Ă  dire. D’ailleurs le non-dit est trĂšs prĂ©sent dans le film et il y a tout un jeu Ă  dĂ©velopper en dehors du parler : Juliette a dĂ©cidĂ© de se taire et elle n’a pas Ă  se justifier. Comment la douleur peut enfermer une femme ? Son acte est au delĂ  des lois humaines.

Journaliste :
Pourquoi avoir fait appel à Jean-Louis Aubert pour la musique ?

Philippe Claudel :
Je le connais dans la vie et c’est quelqu’un qui est vrai, qui a une facultĂ© d’émerveillement et qui possĂšde une belle naĂŻvetĂ©. Celle histoire pouvait le toucher. J’avais beaucoup aimĂ© « alter ego » mais la chanson Ă©tait trop connue. Je lui ai demandĂ© de faire des variations autour de cette chanson.

Laëtitia
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