© Diaphana Films
réalisateur – scénariste et actrice
Journaliste:
Avez-vous vu « A la folie, pas du tout » avec Audrey Tautou, qui traite d'un sujet similaire?
Michel Spinosa:
Non je n'ai pas vu ce film. Mais vous savez, il y a beaucoup d'oeuvres qui traitent de ce sujet (l'érotomanie) et de l'internement. Mais on est loin ici de Adèle H ou de Liaison fatale, la relations n'est pas réelle, ici l'illumination se fait sur un simple geste, une parole anodine...
Journaliste:
Vouliez-vous sauver votre héroïne sur la fin?
Michel Spinosa:
Oui, d'une certaine manière. Dans la réalité, les érotomanes ont des destins très noirs: le suicide, ou la prison à cause du passage à un acte violent... Vivre avec ce personnage lors de l'écriture aurait été difficile sans cela. La fin consititue une acceptation quasi mystique de son état. A cause de différentes raisons. Mais elle reste dans son délire doux...
Isabelle Carré:
Ce qui m'a plus, c'est le regard de Michel sur elle. On n'est pas empathie avec elle durant le film, comme dans d'autres thrillers. Elle passe de la jalousie à l'érotomanie, et on finit par avoir peur pour elle.
Journaliste:
Pourquoi avoir fait d'elle une restauratrice de livres, alors qu'elle a plutôt tendance à détruire ce qu'elle touche?
Michel Spinosa:
C'était un métier artistique, de femme, coupé du contemporain. Elle vivait ainsi dans une bulle. Je n'ai pas pensé à Isabelle pour le rôle en écrivant. J'ai écrit une biographie d'une femme fictive d'un certain âge et j'ai beaucoup lu.
Isabelle Carré:
On a toujours le même type d'histoire d'érotomanes au XIXème siècle, mais à l'époque les histoires d'amour se déroulaient envers des prêtres ou des princes. Parfois le fait d'avoir une relation en retour est secondaire dans leur délire. Elles fuient la réalisation de leur fantasme et les hommes doivent rester innaccessibles. Elles les choisissent ainsi.
Journaliste:
Le tournage s'est-il déroulé dans l'ordre chronologique?
Michel Spinosa:
Non. Il a eu lieu sur 8 à 9 semaines et par exemple les scènes dans l'hôpital ont toutes été tournées en une seule journée. Cela a demandé une belle gymnastique.
Isabelle Carré:
L'histoire dans la tête, les détails à jouer passionnants
Journaliste:
Quelle a été la scène la plus difficile?
Isabelle Carré:
A mi-parcours, les scènes avec beaucoup de tension, qui demandaient de l'énergie. C'est la première fois sur un tournage que j'avais besoin de m'isoler.
Michel Spinosa:
C'était une scène anodine. Celle où le père de famille l'engage comme baby sitter. C'était tard dans la nuit, l'appartement était impossible à éclairer et il a fallut beaucoup de prises.
Isabelle Carré:
Il y a eu aussi les scènes à l'hôtel lorsqu'elle défonce les portes. Elles n'ont pas été tournées dans l'ordre. Lorsque je donnais le numéro au gardien, cela sonnait toujours faux... Mais j'ai finalement eu un vrai plaisir à jouer les méchants de cinéma. J'ai senti une capacité physique à la violence, qui m'a presque fait peur...
Pour le film j'ai vu beaucoup de films (Misery...), lu des lettres avec empathie, regardé des travaux de photographes et même rencontré un psychiatre. Je me projète facilement dans d'autres personnages de femmes, surtout dès que j'enfile leur robe.
Journaliste (Abus de ciné):
Quel était le climat lors des scènes aves les deux gamines?
Isabelle Carré:
On voulait tous les deux que les petites filles repartent avec un bon souvenir du tournage. On a fait une grosse préparation. Et j'ai aussi beaucoup joué avec elles... Il a fallu leur expliquer avec des mots d'enfants qu'elles jouaient avec un méchant.
Michel Spinosa:
Elles avaient 4 ans et demi et 5 ans et demi. Elles étaient très pro. Elles sont restées environ trois jours sur le tournage. Elles me disaient qu'elles « allaient se concentrer pour la scène » avant. Je me souviens que lors de la scène du baillon, la petite rillait dessous. Il a fallu couvrir cela avec des bruitages pour rendre la scène intense...
Journaliste:
N'avez-vous pas eu envie de confier un rôle plus important à l'excellente Anne Consigny?
Michel Spinosa:
Il existe des scènes avec elle qui ne sont pas dans le film. Comme globalement le récit est vu du point de vue d'Anna, une fois que l'épouse (Anne) n'est plus entre Anna et sa cible (Glibert), on ne peut plus en parler. Tous les personnages relèvent de cette logique: ce sont soit des obstacles, soit des aides. Il y a même eu un personnage coupé. Quand Isabelle sort de l'hôpital, elle était sensé remonter dans l'appartement avec un homme qui lui le fait visiter, comme si elle comptait le louer.
Il était nécessaire de montrer les réactions des époux. Le premier scénario, qui ne montrait que le médecin, avait été jugé trop abstrait par de nombreuses personnes. Au final, la dimension mystique du personnage la sort du simple cas clinique et la grandit.
Quant au titre du film, s'il fait référence à Adèle H ou organise un jeu de mot sur Anna qui « aime », je ne vous dévoilerait pas tous ses secrets.
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