© Haut et Court
réalisateur
Vous avez fait le choix d’un film sans musique, pourquoi ?
On utilise souvent la musique dans un film pour meubler, combler une faille. Quand le film tient la route, je n’en vois pas la nécessité. J’ai inséré un seul morceau de musique sur la fin du film pour sortir le spectateur du film, le ramener à la réalité, comme s’il avait été témoin pendant 1h30. Aussi le générique au début sans musique est très fort, car il met le spectateur directement dans l’ambiance pesante du film.
Il y a un gros travail de cadrage dans le film, quelle était votre démarche ?
Avec l’expérience, être cinéaste c’est se demander quelle forme va avec quel fond. Ici, le fond est la difficulté de la séparation, de l’éloignement. Il était donc important pour moi de rappeler cette question de plan en plan. Il n’était pas justifié pour moi de suivre chaque personnage avec la caméra. J’ai donc préféré un seul cadre, des plans-séquences fixes, et voir comment chaque caractère y cohabite. Le seul plan en mouvement intervient à la fin du film, pour décrocher de toute cette violence décrite. Je ne suis pas ému par un plan large en cinéma, et j’aime aussi beaucoup travailler sur le hors champs. Plutôt que de choquer le spectateur, je le laisse réfléchir sur les violences au sein de cette famille.
Il y a un rapport très spécial entre cette mère et ses deux fils…
La mère et ses deux fils ont évidemment un rapport d’amour très fort, ils sont très proches, presque trop. Il n’y a aucun respect de l’espace de l’autre, l’un va manger dans l’assiette de l’autre, ou encore on se partage le bain… Les deux grands enfants prennent aussi souvent la place de leur mère, et inversement. Cette mère célibataire est confrontée à la difficulté d’éduquer ses enfants, sans cesse partagée entre l’affection et l’autorité. Cette femme est possédée par ses enfants, mais d’un autre coté, c’est elle aussi qui les nourrit. Le titre du film « Nue propriété » renvoi d’ailleurs au fait que les enfants « jouissent » de leur mère sans en avoir l’autorisation, comme le titulaire d’une propriété qui peut disposer de la chose sans en avoir l’usage et la jouissance. Ces éléments poussent encore le public à la réflexion.
Comment s’est passée votre rencontre avec Isabelle Huppert ?
Dès l’écriture du film, il y a 7 ans, j’imaginais déjà Isabelle dans ce rôle, mais ça ne restait qu’un rêve pour moi ! Ma productrice la connaissant, l’a contactée, lui a transmis un scénario, et Isabelle a accepté tout de suite. Ce fut un vrai bonheur de travailler avec elle, c’est une vraie intuitive qui réfléchit.
Et quant à la direction des acteurs ?
Il n’y a rien d’improvisé, il y avait juste un bon scénario et une très bonne distribution. Isabelle, comme les deux frères Renier, ont en plus mis beaucoup de secrets dans le film. Aussi les plan-séquences fixes étaient très jouissifs pour les acteurs, car on garde tout de leur jeu, aucun découpage n’étant fait.
Pourquoi une telle fin au film ?
En effet, on ne sait pas si l’un des frères meurt ou non. J’étais vraiment intéressé par la dimension tragique de l’histoire. Derrière tout ce qui a été montré, il y une vraie question de la vie et de la mort. Tout ceci permet au spectateur de trouver sa place, et d’imaginer sa propre fin, heureuse ou non !
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