réalisateur et acteurs
La porte de l’ascenseur du prestigieux hôtel s’ouvre et Didier Bourdon en descend. Tee-shirt style université américaine, sur-chemise blanche, il raconte quelques blagues sur le lieu, l’architecture lyonnaise, ses premiers pas ici, et installe dès lors un ton décontracté. Son rôle, ce soir, est de parler de son nouveau film, Madame Irma, comédie sociale basée sur la voyance. Il est accompagné de Pascal Légitimus, son acolyte des Inconnus, et du co-réalisateur Yves Fajnberg, qui avait déjà fait partie de l’aventure des Trois frères.
Journaliste : Le personnage d’Irma aurait facilement pu virer à la caricature ; quelles limites vous étiez-vous fixées pour éviter cela ?
Yves Fajnberg : On savait que tout le film était sur la corde raide. Le principe était de trouver le parfait équilibre entre humour et réalisme, pour que les situations ne virent pas au n’importe quoi.
Didier Bourdon : Parce que c’est l’histoire d’un homme qui joue un personnage féminin, le film ressemble beaucoup à Tootsie (avec Dustin Hoffman) et à Madame Doubtfire (avec Robin Williams). La différence tient à ce qu’ici, Francis, mon personnage, n’est pas un acteur. Cela limitait – dans le bon sens du terme – tout débordement. On tenait à travailler la justification de la transformation. J’aime beaucoup le côté noir du personnage, qu’on ne trouve pas forcément dans les comédies américaines.
Journaliste : Comme souvent dans vos films, la figure féminine revêt une importance toute particulière…
Didier Bourdon : Effectivement, Francis est dans une certaine mesure manipulé par les femmes qui l’entourent, mais il ne pourrait pas vivre sans elles. Il se sent même parfois un peu exclu. Il a presque envie de devenir une femme lui-même.
Journaliste : On voit que vous prenez énormément de plaisir à incarner une femme.
Didier Bourdon : Parfois oui, parfois non. C’est une grosse contrainte malgré le plaisir que cela peut procurer. J’avais bien sûr l’habitude avec les Inconnus de me travestir, mais dans un sketch, tout est plus simple : on met une perruque, un peu de maquillage et ça suffit. La posture existe en elle-même. Là, je devais passer par deux heures de maquillage chaque matin pour devenir Irma et sa justification devait être réelle. Pour moi c’était un pari.
Yves Fajnberg : Se transformer en Irma était un véritable défi, pour Francis, mais aussi pour Didier Bourdon.
Pascal Légitimus : Et sans son meilleur copain (Ludovic, interprété par Légitimus), il ne l’aurait pas fait. Parce que son pote lui dit qu’il ne peut pas le faire, Francis l’interprète comme un défi qu’il lui lance. S’il l’avait encouragé, il aurait certainement laissé tomber et cherché un vrai boulot sérieux.
Journaliste : Pourquoi ne vous engagez-vous pas plus politiquement, à l’image de tous ces acteurs et chanteurs qui prennent parti pour 2007 ?
Pascal Légitimus : Mon père disait toujours : « Quand on achète du pain, on fait déjà de la politique ». On ne s’est jamais dit « Tiens, on va militer », on fait ça en filigrane. Quiconque va voir le film comprend qu’on lutte aussi : pas contre des personnes physiques, mais contre un système qui, parfois, oublie, exclut…
Didier Bourdon : Le but premier d’une comédie, c’est de divertir les gens.
Pascal Légitimus : Le personnage passe à côté de sa politique du cynisme : à la fin, il fait ça par amour.
Journaliste : Vous ne vouliez pas prendre parti sur la voyance ?
Yves Fajnberg : Non, ce n’était pas le propos du film. Nous ne disons rien de méchant sur la voyance à travers le personnage de Francis.
Didier Bourdon : Il refuse ça, même. Il préfère être charlatan.
Pascal Légitimus : Ce qui nous intéresse, c’est le miroir de la société ; nos personnages ne sont pas forcément justes ou forcément bons. Ils sont un équilibre entre l’envie et la réalité, comme les gens normaux, comme nous.
Journaliste : Pensez-vous vraiment que la voyance ait un tel succès ?
Didier Bourdon : En fait, le scénario m’a été proposé par Frédéric Petitjean qui avait vu un reportage sur le « phénomène » de la voyance. De plus en plus de gens font appel à elles, mais sans le dire (l’avouer, même). Autrefois, il y a eu le confessionnal, puis le psychologue ; maintenant on se confie à une voyante, qui finalement n’est là que pour nous aider à nous sentir mieux. Il y a un côté plus « populaire », moins intello.
Pascal Légitimus : D’ailleurs, pendant les castings, on demandait aux actrices potentielles si elles avaient déjà vu une voyante. La plupart répondait oui et rougissait.
Journaliste : Comment s’est agencé la co-réalisation ?
Didier Bourdon : Quand j’étais là, c’est moi qui donnais les indications, les procédures. Yves a énormément supporté le film, c’est lui qui prenait le relais dès que je n’étais pas là ou quand je jouais dans une scène.
Yves Fajnberg : Exactement, Didier me faisait confiance et le travail s’est très bien déroulé. Mais même quand ce n’était pas moi à proprement parlé qui étais aux commandes, j’avais ma place dans l’équipe. Nous avons toujours travaillé tous les trois, avec Pascal, et nous échangions des idées à longueur de journée.
Journaliste : Avez-vous l’intention de reprendre un projet Inconnu ?
Pascal Légitimus : Ça dépend principalement de Bernard (Campan) parce que c’est lui qui a le plus d’engagement extérieur. Mais pourquoi pas…
Didier Bourdon : Personnellement, si on devait revenir, j’aimerais que ce soit sur la scène. La scène me manque énormément. Pour l’instant, ce n’est pas une réalité, mais on a une telle pression affective du public… Et puis, on s’éclate !
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