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Diablesse en Prada
C'est dans l'une des suites de l'hôtel Royal de Deauville que Meryl Streep a accepté de recevoir quelques journalistes. Un cappuccino posé sur sa table, elle nous adresse un léger sourire et un sémillant "bonjour" en français avant de répondre à nos questions sur son nouveau film: "Le diable s'habille en Prada".
Dans le film elle incarne une femme de pouvoir. Une de ces leaders dont les gens ont peur, qui sont souvent diabolisées et que l'on compare à des "dragons". Pour interpréter Miranda, rédactrice en chef du magazine de mode Runway, elle a ainsi observé le genre de vie de ces femmes d'affaires qui ont des responsabilités importantes, notamment vis à vis de leurs actionnaires.
Cependant Meryl Streep n'a pas été surprise par la femme de pouvoir qui sommeillait en elle. Elle ne se considère pas comme telle à Hollywood, même si elle avoue, avec un sourire, qu'elle aimerait que chacun "sursaute au moindre mouvement de sourcil ou lorsqu'elle s'exprime avec calme". Miranda Priestley est une business woman d'une efficacité rare. Alors qu'elle même ne produit pas de film et se contente finalement de faire son travail d'actrice, en espérant que les choses iront dans le bon sens.
Dans un même domaine, les femmes se doivent souvent d'être encore plus dures que les hommes. Lors de l'examen du sommaire du dernier Runway, Miranda joue les executive women. Elle indique ses décisions par de directs "oui" et "non", de manière binaire. A un moment, elle se montre particulièrement tranchante, en affirmant face à ce qui lui paraît être l'unique bonne idée de la réunion, que "Dieu merci, quelqu'un est venu travaillé aujourd'hui". Meryl Streep se rend parfaitement compte que la même scène jouée par un homme, aurait été ennuyeuse car on attend de leur part ce genre de comportement. Dans la bouche de son personnage, cette réplique surprend et offusque, et Miranda le sait et s'en amuse.
Même si la scène n'était pas dans le scénario d'origine, Meryl Streep tenait à ce que l'on voit également le côté "backstage" de Miranda. Lorsqu'elle apparaît non maquillée, sans la cuirasse que lui confèrent ses tenues, on aperçoit un être humain, ce que les gens se refusent souvent à entrevoir chez les personnes publiques. Cela n'a pas pour but selon elle de créer une empathie envers son personnage, mais simplement de montrer ses faiblesses pour éviter qu'elle ne soit jugée trop hâtivement.
Si le film ne lui paraît nullement militant, elle avoue qu'il peut cependant inciter à se poser quelques questions sur les choix de vie que chacun fait, notamment par rapport à son travail. Car celui-ci "bouffe une bonne partie de l'existence" de ses compatriotes américains. Mais cependant, elle ne pense pas que les films influencent de manière générale les gens, car sinon elle enverrait ses filles voir des oeuvres appropriées (rires).
Obligée dans le film de porter nombre de tenues différentes, elle avoue que le monde de la mode ne l'a jamais vraiment passionnée. Occasionnellement, lors de remises de prix, elle a dû s'y intéresser pour choisir une tenue seyante. Pourtant elle tenait particulièrement à ce que le film montre comment chacun peut avoir une complicité passive avec la société de consommation. La scène où Miranda explique à sa nouvelle assistante que le bleu de son pull a été choisi par des experts de la mode des années auparavant est assez symptomatique d'un milieu où le marketing "vous fait acheter pour vous sentir mieux... un instant". Même marketing qui joue l'inadaptation l'instant d'après. Cela prend un peu de recul et donc d'âge pour découvrir que les vêtements ne nous définissent pas en tant que personne. Mais heureusement la mode a aussi un côté fun.
Lorsqu'un journaliste lui demande pour terminer, si elle croit au diable et si celui-ci, comme le titre du film le suggère, est une femme, elle répond simplement qu' "aujourd'hui dans le monde les actes diaboliques ne sont pas commis par des femmes". Une belle réplique pour une grande dame de cinéma, à découvrir dès le 27 septembre dans l'un de ses meilleurs rôles.
Propos recueillis par Olivier BACHELARD
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