© Olivier Bachelard
réaliseur et acteur
Journaliste : Je n'aime pas pleurer au cinéma, et là…
Claude Rich : Mes petites filles m'ont appelé pour me dire qu'elles avaient pleuré en le voyant.
Journaliste : Comment s'est passé la sélection de la petite fille qui devait interpréter Mathilde ?
Safy Nebbou : Louisa Pili, qui joue le rôle de Mathilde, est très naturelle, mais surtout particulière. Elle a quelque chose en plus. Elle a une maturité, elle comprend tout… Une maturité dans la fragilité ; dans son regard on voit l'enfant et déjà la femme. Ca a été une évidence parce qu'elle est différente. Elle a une innocence. Ce qu'il y a à l'image, c'est ce qu'elle a voulu donner.
Claude Rich : Beaucoup d'acteurs ont peur de jouer avec des enfants. Elle a une espèce de regards, d'observations. Elle attend vraiment les réponses. Elle a été une des partenaires les plus intéressantes de ma carrière. Avec elle, on pouvait expliquer une chose par l'intelligence. Elle le digérait et elle le transmettait.
Safy Nebbou : C'est une enfant mature. C'est ce qu'on appelle une « enfant précoce ».
Journaliste : Le scénario est très fin, très délicat…
Safy Nebbou : Disons que c'est plus proche du Petit Poucet que du hold-up. Comme un conte. Il y a d'ailleurs beaucoup de clins d'œil : la forêt, le chaperon rouge… On est tout de suite dans le monde de Mathilde, comme en tombant dans son terrier.
Journaliste : Comment s'est passé le re-travail du scénario ?
Safy Nebbou : C'est plutôt sain qu'un producteur s'intéresse au scénario. Danièle Thompson a vraiment respecté l'histoire. Elle voulait que ça reste mon travail. Elle a une expérience, une humilité évidente. On était en permanence dans l'échange ; elle est rentrée dans mon univers sans essayer de le décolorer ou de le recolorer. J'avais décidé dès le début que si ça ne me plaisait pas, je lui dirait. On a retravaillé une scène et que je l'ai relu, c'était catastrophique. Je lui ai dit, elle a pris la feuille, l'a déchiré. Elle est classe, très intelligente.
Journaliste : Charles Gassot, Danièle Thompson… C'est une jolie distribution pour un premier film…
Safy Nebbou : Charles Gassot a eu le scénario entre les mains pendant un festival. Il m'a proposé de le produire. J'ai eu peur de me le faire « voler » mais j'ai vite été rassuré. Je ne voulais pas être classé dans la case « mélodrame ». Il y a beaucoup de pudeur dans ce film. Il y a de la tenue et de la retenue dans l'interprétation. Alors que le scénario était piégeant.
Journaliste : Par quels courants êtes-vous influencé ?
Safy Nebbou : La scène des talkie-walkie, par exemple : c'est de la pure comédie italienne. On se dit des choses dures, mais il y a toujours une distance, une retenue.
Journaliste : Comment s'est passé le travail avec Sandrine Bonnaire ?
Safy Nebbou : Le personnage de Sandrine Bonnaire est difficile. Au début, elle était très tendue. Une comédienne aurait pu jouer dans le charme (genre : dure et tendre) alors que Sandrine a vraiment joué telle qu'elle est réellement. Elle a tout fait pour servir le film et non se servir elle. Son personnage s'ouvre quand elle crie après son père.
Journaliste : Quelle a été la motivation première du scénario ?
Safy Nebbou : Le désir premier était de parler de l'incommunicabilité. Le non-dit, le secret… Le problème de la transgénération : qu'est-ce qu'on m'a laissé ? Qu'est-ce que j'en fais ? Qu'est-ce que je laisse ?… Il y a un cycle du mensonge. La famille est un lieu très stratégique pour ça. Aujourd'hui les nœuds se résorbent un peu mais dans combien de foyers continue-t-on à taire la vérité ? Il faut dire ce qu'on a à dire avant qu'il ne soit trop tard.
Claude Rich : C'est un film sur la mémoire. Mais à la fin on s'aperçoit qu'il n'y en a plus. Maintenant que j'ai joué ce rôle, il y a certaines choses dont j'arriverai mieux à parler à mes petits enfants. Ce qui est formidable chez ce grand-père, c'est son amour et sa connaissance de la littérature.
Journaliste : Aviez-vous la trouille de tourner votre premier film avec Sandrine Bonnaire et Claude Rich ?
Safy Nebbou : La trouille, non. Mais du plaisir. J'étais très heureux qu'ils acceptent. La seule trouille que j'avais, c'était de ne pas pouvoir monter le film. Si le tournage se fait dans la douleur, ce n'est pas possible. Je suis ravi d'avoir pu monter ce projet. J'ai envie de faire des films que j'aurais envie d'aller voir. Je veux aller chercher les gens là où ils sont intelligents, et non les titiller là où ça pourrait faire mal.
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