© Olivier Bachelard
réalisatrice, co-scénaristes et acteur
Quand on lui demande si dans la vie les gens parlent trop, Jeanne Labrune dit trouver c'est bien le cas, mais qu'avec l'âge on apprend à parler moins. Elle avoue que ses films sont bavards. Ici elle a mis en avant un homme qui parle peu, et qui est donc plus à l'écoute des gens. C'est un personnage qu'elle trouve, en ce sens, sensible.
Au centre de son récit, il y a aussi les inquiétudes de chacun, leurs obsessions. Les uns ont peur des mites, les autres du muet. Le paroxysme est atteint avec les acariens : on a peur de ce que l'on ne voit même pas. A l'écriture, elle souhaitait parler des gens, par dérives successives, par digressions, en, laissant libre cours à la parole. Ce qui semble en même temps correspondre à sa vision de la vie, soit une succession d'instants qui vont déteindre sur l'instant qui suit, comme autant de scénettes en elles-mêmes.
Au travers de sa mise en scène, elle ne souhaitait pas de réalisme, mais plutôt une sorte de chorégraphie des corps. C'est dans la distance à la scène qu'elle dit trouver le moyen d'offrir plus de plaisir, en travaillant avec soin le cadre et en orchestrant les couleurs. Dans Cause toujours, les personnages sont comme toujours issus de la middle class français, ce que Jeanne et Richard connaissent le mieux.
Le choix fait par Jeanne Labrune d'introduire des inter titres correspond à sa philosophie du film, développée autour de principes musicaux. Elle avoue avoir été tentée par des titres, correspondant à des rythmes : allegretto, andante, adagio. Mais elle en est finalement venue à la conclusion que la musicalité de l'œuvre ne doit pas être énoncée. Elle doit être vécue, ressentie. Elle affirme avoir ainsi bouclé sa trilogie de fantaisies.
Du côté de l'intrigue, si le mystère est bien un moteur pour l'individu, Jeanne Labrune indique avoir pris plaisir à générer une inquiétude certaine, en jouant avec les codes du thriller, ou avec des images inconscientes de faits divers (voire la scène du chemin en forêt). Après un essai de fantaisie avec « ça ira mieux demain », elle a traité des rapports de force dans la société au travers de « c'est le bouquet », et terminé ici dans « cause toujours », avec le thème de la peur et de la désinvention de la solidarité.
A titre d'exemple, elle s'étonne de la disparition progressive des autostoppeurs, qu'elle veut symptomatique de la disparition des formes simples de solidarité. Et Richard Debuisne ajoute qu'il a personnellement mis trois jours en stop pour faire Delhi / Genève, alors qu'il lui a ensuite fallu cinq jours pour faire Genève / Paris ! Pour Jeanne Labrune, il existe aujourd'hui une ramification de la paranoïa qui prend des proportions gigantesques. Ainsi, la théorie du « dormant », fait de la personne la plus normale, un danger potentiel, un suspect. Tout est donc question, dans le traitement d'une histoire, de manière de voir le monde. Le même scénario de base, aurait ici pu donner un grand drame.
Enfin, quand on lui demande si l'allusion faite à plusieurs reprises à propos d'un film sur le viol que tout le monde aurait vu, fait bien référence à Irréversible de Gaspar Noé, elle répond avec élégance que si elle aime la polémique, elle a été profondément agacée par ce film. Le sujet aurait en effet mérité un traitement plus distancé dans la représentation de la violence. Irréversible a cela d'insupportable d'obliger à participer à la violence en en étant témoin. Il est donc bon de s'en amuser.
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