INTERVIEW

BAB EL WEB

© Patrice RICOTTA

BAB EL WEB


Merzak Allouache et Faudel

réalisateur et acteur


En Mars, nous rencontrions Merzak Allouache et Faudel pour discuter de leur dernier film : Bab el Web. Le réalisateur avait déjà fait un film sur Bab el Oued en 1993 (Bab el Oued City) et un film traitant des rencontres sur internet en 1996 avec L’@mour à réinventer. En 2002, c’est en présentant son dernier film en date à Alger, Chouchou, que lui vient l’idée de ce qui deviendra Bab el Web. « J’ai retrouvé au cours de mon séjour le quartier de Bal el Oued […] Un quartier dont l’architecture est complètement bouleversée. Et puis, sur un mur, j’ai vu une enseigne indiquant la présence d’un Cybercafé qui s’appelait ironiquement « Bab el Web ».Il faut savoir que le phénomène d’internet prend de plus en plus d’ampleur en Algérie. »

Outre une petite histoire sympathique, ce film se veut aussi un portrait nouveau de l’Algérie. Allouache tourne à plusieurs reprises en décors extérieurs en Algérie. La plupart des figurants sont des algériens qui étaient sur les lieux du tournage un peu par hasard. « N’est-ce pas un procédé quasi documentaire de filmer les habitants d’Alger qui vous entourent sans les diriger ? » Le réalisateur reste silencieux quelques instants, comme s’il ne s’était jamais interrogé sur l’intérêt particulier qu’il porte à Alger.

Après quelques questions, il revient sur celle-ci. Oui, ce réalisateur-citoyen se donne sûrement pour but de revaloriser Alger, de montrer les vraies facettes de ses quartiers et de témoigner de la fin des violences qui y régnaient à la fin des années 90. « L’image de violence, qu’on associe à ce pays, perdure et, malheureusement, personne ne fait rien pour changer les choses. » il se dit atteint d’une certaine schizophrénie qui le pousse à vouloir « raconter des histoires qui se passent « là-bas » et qui pourraient intéresser le public « d’ici ». »

Merzak Allouache apparaît comme un homme réfléchi qui mène sa filmographie tant au gré de ses envies que de ses convictions. Chouchou a connu un grand succès en Algérie, du coup, beaucoup d’algériens sont venus au casting local. « En fait, les gens là-bas aiment l’ambiance, et un film qui se tourne c’est de l’ambiance. » Le tournage s’est bien passé ; bien mieux que celui de Bab el Oued City en 1993, quand le quartier était en proie à la violence. Le réalisateur a tourné en scope afin de « chouchouter sa ville », et il s’est permis le luxe de filmer Bab el Oued depuis un hélicoptère.

Pour le casting, Allouache savait déjà qu’il voulait Samy Nacéri. Il a découvert Faudel aux cours des premiers essais. Ce dernier refusait au départ de chanter dans une scène « et puis finalement, à la fin du tournage, Merzak m’a expliqué que ce serait une bonne idée pour la scène du karaoké. Du coup, je me suis laissé piéger, mais avec plaisir »

Faudel vient d’arriver à l’entretien simple et souriant, peut-être un peu stressé par cet exercice qui semble lui apparaître comme un examen. Ce jeune homme, avant tout chanteur, est venu à la comédie récemment, et il a parfois peine (tout comme moi parfois je l’admet) à suivre les propos de certains de mes collègues outrageusement cultivés. L’un d’entre eux est agacé par le rapprochement que Julie Gayet a fait entre Bab el Web et Jules et Jim. Certainement que le rapprochement est maladroit, mais encore faut-il connaître l’œuvre de François Truffaut pour pouvoir en juger.

Faudel n’a pas cette prétention, il joue avec son cœur et non son esprit. Pour interpréter le rôle de Bouzid, Faudel s’est fait aider par son coach favori : Elisabeth Rodrigez. Elle l’a suivi tout au long du tournage pour l’aider à « décrypter » le scénario et apprendre son texte. Cette dernière le suit depuis ses débuts dans la comédie. Il semblerait que Faudel ait pris un véritable plaisir à jouer dans ce film, qui le rapproche de ses racines. Finalement, Merzak Allouache et Faudel avaient le même but : s’ouvrir à l’Algérie et nous ouvrir à elle.

Aïcha
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