Pixar nous habitue à des moments d’anthologie dans chacun de ses films. Voici une sélection non exhaustive de cinq scènes qui ont marqué certains rédacteurs d’Abus de Ciné. Préparez-vous à une plongée dans le monde de Pixar avec notre lecture personnelle de ces séquences… forcément cultes !
TOYS STORY 3
La descente aux enfers
par Sylvia Grandgirard
J’aime tout particulièrement ce volet de la trilogie pour deux raisons.
La première est l’émotion qu’il s’en dégage, lorsqu’il convoque directement notre âme d’enfant par la simple évocation des jouets que nous avons bien connus et qu’il met en scène l’amour inconditionnel entre ces jouets et leur jeune propriétaire, qu’il soit ancien (Andy, devenu trop grand) ou nouveau (la fillette, qui a l’âge parfait).
La seconde raison est la puissance dramatique que le film véhicule, surprenante pour un Pixar à vocation hautement comique. En effet, l’humanisation des jouets, si elle constitue un formidable levier scénaristique et un booster d’intrigue, est aussi l’occasion de mettre en scène des sentiments humains très forts comme l’amitié, la solidarité, la loyauté, mais aussi la peur de la séparation et de l’abandon. L’une des scènes finales, qui donne à voir toute la clique de Woody (le « jouet » principal) emprisonnée dans un incinérateur et emportée inexorablement vers les flammes, porte cette dramatisation à son paroxysme.
Comprenant que leur fin est proche, les jouets se prennent la main dans un formidable élan collectif et ferment les yeux, refusant de faire face à une mort certaine. A-t-on déjà vu instant si tragique dans un dessin animé ? Il faut le voir pour le croire. Difficile de rester insensible face à cette scène crépusculaire, à la progression formidablement orchestrée (on frémit réellement) et à l’audacieuse gravité.
LÀ-HAUT
Toute une vie en quatre minutes
par Mathieu Payan
Le film débute avec un reportage d’informations qui passe - à l’époque où la télévision n’existait pas encore – au cinéma en noir et blanc. Carl est alors enfant et il voue un culte à Charles Muntz, un grand explorateur qui parcourt le monde en ballon dirigeable (c’est la première référence au ballon dans le film). En rentrant chez lui, Carl équipé d’un ballon de baudruche (deuxième présence de l’objet) survole le Colorado (un petit caillou sur sa route), franchit le grand canyon (en sautant une crevasse dans le trottoir) et contourne l’Himalaya (une souche d’arbre après l’avoir malencontreusement heurté).
Là, il surprend Ellie, une petite fille fan de Muntz, très bavarde et qui l’invite dans son club des explorateurs. La première mission de Carl, qui n’a toujours pas dit un mot face à Ellie, est d’aller chercher son ballon en franchissant une planche bien fragile. Elle cèdera sous le poids du jeune garçon dès son premier pas ! Résultat : un bras cassé mais une rencontre exceptionnelle qui les conduira jusqu’à l’autel devant monsieur le curé.
C’est juste après cette courte scène de mariage (très drôle) que "Là-haut" s’envole dans les sphères du chef d’œuvre. Une vie d’adulte défile sous nos yeux ébahis, avec une palette d’émotions qui ira de l’émerveillement aux larmes. En 4 minutes, le film laisse la magie opérer uniquement grâce aux images et à la musique. Avec ses trompettes, ses violons et son piano, c’est tout un orchestre qui célèbre la joie des débuts (leur nouvelle maison, leur métier au zoo où Carl vend des ballons gonflés à l’hélium, troisième apparition).
Le rythme de la musique épouse alors les courbes de la vie du couple. Quand Ellie apprend qu’elle ne peut avoir d’enfants, c’est en douceur que le piano joue en solitaire. Avec leur projet de construire une maison près des chutes du paradis, le moral remonte tout comme le rythme musical avec les instruments à vent qui s’invitent dans le thème.
Les années se succèdent et les motifs des cravates changent en même temps que les cheveux blanchissent et que la maladie fait finalement son apparition… Le piano est à nouveau en solo. Il accompagne un dernier ballon quand Ellie est à l’hôpital (correspondance du passé quand Carl s’était cassé le bras à cause du vieux plancher) et les dernières notes douces arrachent le cœur alors que le spectateur tombe dans un puits de tristesse… Le film peut s’achever. Le spectateur a vécu une expérience inédite et inoubliable. Et pourtant il ne fait que commencer pour Carl. L’aventure c’est extra et pour lui c’est maintenant.
MONSTRES ET CIE
La poursuite en porte-à-porte
par Raphaël Jullien
Les portes qui claquent sont un motif courant de la comédie, et plus précisément du comique de situation. Le théâtre de boulevard et la comédie de mœurs utilisent depuis longtemps cet élément de mise en scène pour accommoder les quiproquos ou entraîner les personnages dans un jeu de cache-cache. Les dessins animés de Tex Avery, Chuck Jones et autres Friz Freleng ont repris ce thème dans les nombreuses poursuites entre leurs divers personnages, y ajoutant des aspects volontairement exagérés et irréels, comme la multiplication d’un personnage qui passe et repasse par une porte, la vitesse excessive des déplacements ou les combinaisons infinies entre plusieurs portes d’un même couloir. C’est dans cette lignée que s’inscrit la scène de poursuite à la fin de "Monstres et Cie", dans une réinterprétation toutefois moins humoristique.
Cette séquence commence comme un « roller coaster » qui aurait pu donner lieu à une version en relief ou à une attraction de cinéma dynamique. Les ressorts spécifiques du scénario permettent ensuite de renouveler les scènes de poursuite en donnant la possibilité aux personnages de passer d’un monde à un autre (celui des monstres et celui des humains) de façon originale et de créer un labyrinthe avec une sorte de quatrième dimension, dont on peut néanmoins regretter qu’il soit exploité sur une durée aussi courte (à peine cinq minutes pour la totalité de la scène et seulement la moitié du temps concernant les allers-retours entre les deux mondes).
Même si ce n’est pas la scène la plus drôle du film (loin de là), quelques répliques apportent une touche humoristique lors des ruptures de rythme, notamment avec un clin d’œil à la situation quand une porte japonaise coulissante empêche les personnages de revenir plus rapidement dans leur monde. Cette poursuite se termine par une double correction de Léon (ou Randall en VO), qui fait écho à la scène qui vient de se dérouler. D’abord un écho symbolique au défilé des portes de la réserve, quand Bouh assène des coups au méchant caméléon qui le font changer de couleur à grande vitesse. Ensuite une porte qui se ferme définitivement, lorsque Bob et Sulli balancent Léon dans une ouverture, le piégeant dans une caravane au beau milieu de nulle part, où une mère corrige la « saleté de rampant » à coups de pelle.
LE MONDE DE NEMO
C’est vendredi, c’est l’jour du poisson !
par Loreleï Colin-Moreau
Cinquième film des studios Pixar, "Le Monde de Nemo" plonge dans le monde sous-marin pour illustrer l’histoire de Marin, poisson-clown et père hyper-protecteur, à la recherche de son fils unique Nemo, capturé par un plongeur. Pour y parvenir, il devra vaincre sa peur de l’océan et apprendre à faire confiance à son fils. Dans cette aventure, il fait équipe avec Dory, un poisson-chirurgien souffrant de « troubles de la mémoire immédiate » ! En route, Marin croisera de nombreuses créatures, plus ou moins hostiles, notamment trois requins, en pleine désintox’ de poisson ! Cette scène-clé du film fera de Marin une véritable légende à travers tout l’océan !
Au début de leur quête, Marin et Dory se retrouvent face au pire prédateur de l’océan : le grand requin blanc, prénommé ici Bruce ! Ce dernier les entraîne de force dans l’épave d’un sous-marin militaire, à l’arrière d’un champ de mine, où il rejoint deux autres compères aux dents aiguisées : Chumy, requin-Mako et Enclume, requin-marteau. Là, Marin et Dory semblent en bien mauvaise posture ! On imagine que le piège tendu par cette fine équipe aura raison de nos deux minuscules héros… Mais, non ! Ces requins sont en pleine réunion des Carnivores Anonymes qui démarre par le serment « Je suis un gentil requin, pas une machine à tuer. (…) les poissons sont nos amis, on n’y touche plus ! ».
Les squales, tout aussi inquiétants que ridicules, sont hilarants en pleine tentative de reconversion « fish-friendly »! Mais forcément, le naturel revient au galop ! Alléché par l’odeur du sang de Dory, blessée accidentellement, Bruce retrouve ses instincts primaires et fonce sur eux. « C’est vendredi, c’est l’jour du poisson ! » hurle-t-il. Marin et Dory s’en sortiront main dans la main, faisant exploser au passage le champ de mines et les trois requins ! "Le Monde de Nemo", comme dans tous les films des studios Pixar, enchaîne les séquences sans aucun temps mort, misant sur une grande variété de personnages et de situations comiques ayant toutes plusieurs degrés d’humour, un régal pour tous les âges.
LE MONDE DE NEMO
Chez le dentiste, le pire endroit de la terre
par David Brejon
Une des scènes les plus mouvementées du dessin animé de Andrew Stanton est la séquence d’évasion de Nemo.
Elle débute dans le cabinet du dentiste australien où Nemo se trouve. Pixar exploite ici l’un des pires endroits de la terre, le lieu où aucun enfant ne veut y mettre les pieds ! Le spectateur s’identifiera donc aisément avec ses hantises et ses peurs du dentiste.
Une fois sorti de l’aquarium, Némo est placé dans un sac plastique pour être offert à une jeune patiente. L’endroit devient infernale avec la gamine hystérique et intenable qui vient pour des soins.
Nemo simule alors la mort dans le sac afin de ne pas être donné à la jeune fille. Un enchaînement de rebondissements se déroule ensuite. Le pélican transportant Marin (le père de Nemo) et Dory, débarque à la fenêtre du cabinet médical. Ils mettent la pagaille chez le dentiste, tandis que les poissons de l’aquarium font diversion pour occuper la gamine et faciliter l’évasion de Nemo au péril de leur vie. L’évasion est réussie. Nemo n’est plus prisonnier de l’aquarium.
Les studios Pixar ne sont jamais en manque d'inspiration pour l’écriture du scénario.
Mathieu Payan et la rédaction
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