DOSSIER

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LES COURTS METRAGES EMBLÉMATIQUES DE PIXAR : 1997 - 2011


Pixar : à votre bon court, m’sieurs dames ! 2e partie

En 1995-1996, "Toy Story" cartonne dans le monde entier et reçoit des éloges quasi unanimes de la part de la critique. Pixar réussit donc brillamment son examen de passage dans le monde des longs métrages d'animation. La société aurait pu délaisser les courts métrages mais, au contraire, elle relance aussi cette machine à bijoux, avec la maestria qu'on lui connaît. Preuves à l'appui.

"Le Joueur d’échecs" (1997) de Jan Pinkava

Multi-primée, notamment aux Oscars et à Annecy, l’histoire du vieux Geri qui joue seul aux échecs a ensuite fait des petits chez Pixar ! Geri lui-même apparaît en tant que réparateur de jouets dans "Toy Story 2". Mais surtout, il est difficile de nier une filiation entre Geri et le Carl Fredricksen de "Là-haut" : ce mélange de nostalgie et de malice face à la solitude a contribué à faire de ces deux personnages les deux images poétiques de la vieillesse vue par Pixar.

Ce court métrage impulse aussi chez Pixar la volonté, à la fois altruiste et tactique, de laisser une chance à de nouveaux artistes (car les pionniers de Pixar avaient eu cette chance à leurs débuts) tout en stimulant la créativité du studio.

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"Drôle d’oiseaux sur une ligne à haute tension" (2000) de Ralph Eggleston

Troisième Oscar du court métrage pour la firme, ce film peut être vu comme un lointain cousin du "Vilain petit canard" et de "Dumbo" pour sa thématique : un animal « différent » moqué et rejeté par les siens. Mais ce court métrage prend le sujet à contre-pied en proposant un gag pur et dur qui permet de renverser la situation en ridiculisant les oiseaux moqueurs. L’humour repose en outre sur un efficace mécanisme d’attente puisque l’issue est en partie prévisible.
Plutôt réjouissant.

"La Nouvelle Voiture de Bob" (2002) de Pete Docter et Roger Gould

On peut difficilement dire que ce court-là est magistral, mais il est marquant néanmoins car il impulse un processus désormais courant chez Pixar : proposer une courte extension des longs métrages pour continuer à profiter des personnages dans d’autres situations. C’est aussi, à ce jour, le seul de cette « catégorie » à avoir été nommé aux Oscars. Ici, Bob et Sulli sont mis en scène dans une séquence-gag qui a plus l’air d’une scène coupée ou d’un faux bêtisier que d’un véritable court métrage. Cette impression est d’ailleurs courante quand on regarde les autres courts métrages dérivés, parmi lesquels on retiendra peut-être plus l’hilarant "Baby-sitting Jack-Jack" (issu des "Indestructibles") ou l’esthétique "Notre ami le rat" (dérivé de "Ratatouille").

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"L’Homme-orchestre" (2005) de Mark Andrews et Andrew Jimenez

Près de vingt ans après "Tin Toy", Pixar remet les hommes-orchestres à l’honneur. Cette fois, il s’agit de deux humains qui rivalisent d’ingéniosité musicale pour convaincre une fillette de leur donner la pièce qu’elle comptait jeter dans une fontaine par tradition. Comme dans "Tin Toy", les hommes-orchestres ont donc la volonté de plaire mais ceux-là, au contraire du jouet, sont seulement motivés par un égoïste appât du (modeste) gain ! La « battle » dans laquelle s’engagent les deux protagonistes contraste avec la candeur de la petite fille (qui pourrait être une cousine de Bouh de "Monstres et Cie"), laquelle dévoile une facette insoupçonnée à la fin, au grand désarroi des concurrents et pour le plus grand plaisir des spectateurs.

"Extra-terrien" (2006) de Gary Rydstrom

Sans doute l’un des plus hilarants de Pixar, ce court métrage est réalisé par un spécialiste… du son ! Gary Rydstrom est en effet avant tout un ingénieur du son reconnu, qui a remporté pas moins de sept Oscars (dont "Jurassic Park", "Il faut sauver le soldat Ryan" ou encore "Titanic") pour un total de seize nominations dans ce domaine. Pour sa première réalisation, Rydstrom nous montre un extraterrestre qu’on imagine être en plein examen de « permis intergalactique », dont l’une des épreuves consiste à kidnapper à distance un être humain pendant son sommeil.

Ce film détourne ainsi les codes de la science-fiction et de l’ufologie (l’ouverture joue provisoirement sur une atmosphère faussement inquiétante), avec un montage alterné très efficace entre, d’une part, le jeune homme qui continue de dormir malgré la lévitation et les nombreux coups qu’il prend, et, d’autre part, l’intérieur du vaisseau où le jeune extraterrestre en panique tente tout ce qu’il peut sous l’œil taciturne et sévère de son obèse examinateur. L’humour repose aussi sur des ruptures de rythme maîtrisées à la perfection.

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"Presto" (2008) de Doug Sweetland

Héritier des films de Tex Avery ou autres "Looney Tunes" de la Warner, mais aussi de la scène culte de la poursuite dans "Monstres et Cie", cet excellent court métrage est construit sur un rythme crescendo désopilant. Pour obtenir la carotte qu’il convoite, un lapin en fait voir de toutes les couleurs au magicien qui se sert de lui dans ses spectacles. Alors que les personnages de "Monstres et Cie" pouvaient passer d’un lieu à un autre sans qu’ils ne soient contigus grâce à la réserve de portes, le lapin et le magicien se servent de deux chapeaux magiques qui communiquent à distance. Cette trouvaille permet alors de renouveler les gags les plus éculés de l’animation, du piège à souris à la chute de piano en passant par l’électrocution.

"Jour Nuit" (2010) de Teddy Newton

Le mélange détonnant entre techniques 2D et 3D confère une esthétique particulière à ce film, plutôt réjouissant visuellement et qui peut donner lieu à de multiples lectures possibles, de l’apologie de la nature et des mystères de la vie (interprétation validée par l’utilisation d’un extrait sonore de Wayne Dyer, écrivain-psychologue américain) au discours sur l’acceptation des différences voire la solidarité interculturelle. C’est sans doute l’un des films Pixar les moins accessibles pour le jeune public car l’atmosphère, somme toute plutôt étrange, peut même mettre mal à l’aise certains adultes… Etrange et fascinant donc.


"La Luna" (2011) d’Enrico Casarosa

Depuis les lointains mythes et autres superstitions, la Lune n’a cessé d’inspirer les artistes en tout genre : Cyrano de Bergerac ("Histoire comique des Etats et Empires de la Lune"), Jules Verne ("De la Terre à la Lune"), Georges Méliès ("Le Voyage dans la Lune"), Hergé ("Objectif Lune" et "On a marché sur la Lune") ou encore Marc Chagall. Depuis qu’Armstrong et Aldrin ont posé le pied sur notre satellite naturel en 1969, on pouvait penser que la source d’inspiration se tarirait. Mais il n’en est rien : Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou l’ont magnifiquement prouvé avec la série BD "De cape et de crocs", le réalisateur finlandais Timo Vuorensola a créé une uchronie déjantée avec "Iron Sky"…

Et en 2011, Pixar propose une nouvelle fantaisie lunaire avec ce qui est un des meilleurs courts métrages de son histoire. Ce joli conte nous embarque avec trois générations de balayeurs qui, le soir venu, vont s’occuper de la Lune. Au-delà de la poésie qu’engendre cette belle vision de notre satellite, ce film est un récit initiatique qui aborde la question de la filiation, de l’héritage et de la construction de l’identité personnelle, à travers les détails subtils du port de la casquette et du choix de l’outil pour l’enfant. Une merveille !

>> Découvrir ou relire la première partie du Dossier sur les courts métrages emblématiques de Pixar des années « 1984 – 1996 »

Raphaël Jullien

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