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PARCOURS : Stanley Kubrick 1928 - 1963


Stanley Kubrick est un réalisateur hors norme qui restera comme un cinéaste majeur de son temps – le XXe siècle – et certainement de tous les temps, avec une filmographie composée de « seulement » 13 longs-métrages de "Fear and desire" en 1953 à "Eyes wide shut" en 1999… Aussi mystérieux que génial, dans son sens le plus proche du terme « génie », Stanley Kubrick laisse un travail unique avec des chefs d’œuvre qui auront exploré la plupart des genres cinématographiques (guerre, horreur, film d’époque, péplum, comédie satirique, science-fiction…). Voici le parcours d’un réalisateur mort quelques jours après avoir monté son tout dernier film ; un réalisateur ni tout blanc, ni tout noir ; un réalisateur qui ne laisse jamais indifférent.

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Né le 28 juillet 1928, à New York, Stanley Kubrick découvre, avant le cinéma, la photographie. Pour ses 16 ans, il se voit offrir un appareil photo et intègre le club de photographie de son lycée pour lequel il donne ses clichés au journal des étudiants. Remarqué, l’agence Look lui propose de le rémunérer pour des reportages photo, un an plus tard. Il est payé 25 dollars pour sa première publication le 26 juin 1945. En suivant un boxeur pour un de ces reportages, il a l’idée de passer à la réalisation et de se consacrer à sa deuxième passion : le cinéma. Il franchit donc le pas en 1951 en tournant un court-métrage sur la journée du boxeur Walter Cartier, "Day of the fight". Puis il enchaîne avec un deuxième : un documentaire qui suit deux jours durant un révérend dans "The Flying padre".

De la photo au cinéma

Sa soif de cinéma grandit et il décide de quitter l’agence Look pour se lancer dans l’aventure cinématographique à temps plein. Avec ses 1 000 dollars d’économies auxquelles s’ajoutent les 9 000 dollars de son généreux oncle, il met en chantier son premier long métrage "Fear and desire" où il s’affirme déjà comme un réalisateur ambitieux. Trop peut-être, son budget explose et il lui faudra 50 000 dollars de plus pour le boucler ! C’est Richard de Rochemont, un producteur américain de documentaires et de séries télé, qui met la main à la poche et devient producteur de ce premier film indé que Kubrick qualifiera plus tard « d’exercice cafouilleux d’amateur » !

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L’expérience, difficile, ne le décourage pas et il s’attaque rapidement à son deuxième long métrage. Il revient alors à ses premières amours : l’univers de la boxe, et se met à écrire "Le baiser du tueur", une histoire passionnelle contrariée sur deux éclopés de la vie – un boxeur et une call girl. Le film sera principalement financé par un pharmacien du Bronx. Et, malgré un scénario un peu trop léger, la réalisation n’est pas sans rappeler Eisenstein et Hitchcock. Ses scènes de boxe auraient même inspiré Martin Scorsese pour son "Raging Bull".
Distribué en 1955 par la United Artist, le film rentre dans ses frais et lui permet même de faire quelques profits. Rien d’exceptionnel toutefois. Kubrick continue d’aller jouer – et gagner – aux échecs sur Washington square pour boucler ses fins de mois. Il sait qu’il a besoin d’un financier pour développer ses idées et, comme si le destin lui donnait un coup de pouce trouver sa voie dans le cinéma, il rencontre la même année l’homme de la situation : James B. Harris que lui présente un vieil ami. Ensemble, ils montent Harris-Kubrick Pictures Corporation et recherchent rapidement leur premier projet commun.

"L’Ultime Razzia" et ses débuts à Hollywood

Harris présente à Kubrick un livre de Lionel White, "Clean break", qui deviendra leur première production, connue sous le titre "L’Ultime Razzia". Kubrick a 27 ans et ouvre grand les portes d’Hollywood. Ce film de braquage, sorti en 1956 et qui influencera toute une lignée de chefs d’œuvre (de "Point Break" à "Reservoir dogs" en passant par "Heat" de Michael Mann), ne rapporta pas d’argent mais tapa dans l’œil de la MGM qui proposera à Harris et Kubrick de financer l’écriture et la réalisation de leur prochain film. Ils venaient alors tout juste d’acquérir les droits d’un autre roman "Les Sentiers de la gloire".
Cependant, la célèbre société à la tête de lion venait déjà de produire un film antimilitariste et n’en voulu pas. Tout ne fut pas perdu, puisque la United Artist racheta le projet sur pression de Kirk Douglas qui voulait à tout prix le premier rôle ! Une fois sur les écrans, en 1957, "Les Sentiers de la gloire" fit scandale partout où il sortit. Il fut même interdit de projection en France jusqu’en 1974 et retiré de la sélection officielle du Festival de Berlin. Les critiques, elles, sont enthousiastes et reconnaissent en ce film le premier chef d’œuvre de Kubrick. Ce dernier déclara durant le tournage dédier tous ses plans à Max Ophüls, mort cette année-là. Le réalisateur allemand n’était ni plus ni moins qu’un de ses cinéastes préférés.

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Engagé avec la société de production de Kirk Douglas, Kubrick reçoit le vendredi 13 février 1959 un coup de fil de l’acteur qui lui propose de réaliser "Spartacus"… trois jours avant le début du tournage ! Douglas venait de virer le prolifique Anthony Mann que Universal lui avait pourtant imposé ! Kubrick accepte tout en négociant un salaire mirobolant de 150 000 dollars et le financement de son film suivant, qu’il était alors en train de développer, "Lolita".
L’expérience "Spartacus" ne fut pas mémorable : sa liberté était réduite et la censure fut impitoyable, obligeant Kubrick à passer de nombreuses fois derrière la table de montage pour tronquer l’œuvre qu’il avait créée (heureusement, la nouvelle version de 1991 comprend plusieurs scènes réintroduites dont celle à connotation homosexuelle entre Laurence Olivier et Tony Curtis).


Contrôler jusqu’à la dernière image de ses films

Malgré le succès populaire du film, sur les écrans en 1960, Kubrick le dénigrât, tout comme il vilipendera la machinerie hollywoodienne dont il ne voulu plus entendre parler… Kubrick « prend du poids » dans le milieu et en profite pour verrouiller ses contrats avec les sociétés de production. Il veut notamment un contrôle total sur le montage final. Il l’obtiendra pour tous ses films et dès son suivant "Lolita", film d’autant plus difficile qu’il traite d’un amour interdit entre un homme mûr et une gamine de 12 ans. Il sait qu’il sera attendu par la censure et doit prendre en compte ce fait dès l’écriture du scénario.
C’est Nabokov, lui-même, qui rédige le premier jet, 400 pages (trop long) puis le second qu’Harris et Kubrick réduisent à nouveau. Après une lutte acharnée avec la censure britannique et l’église catholique, le film est projeté pour la première fois en 1962 à New york. Les critiques sont mitigées mais les spectateurs viennent en salles, permettant de tirer des profits importants.

Malgré ce nouveau succès, la Harris-Kubrick Pictures Corporation est dissoute à l’amiable en 1963, James B. Harris décidant de se lancer à son tour dans la réalisation de films. Il ne connaîtra pas le même destin que son ami. On lui doit en effet des films mineurs comme "Aux postes de combat" (1965) avec Sydney Poitier, puis deux films avec James Woods ("Fast walking" [1982] et "Cop" [1988]) et "L’extrême limite" avec Wesley Snipes (1993). S’il n’a pas réalisé d’autres longs-métrages depuis, Harris continue encore de produire : il est notamment au générique du "Dahlia noir" de Brian de Palma (2006).

>> Lire notre 2e partie "Parcours : Stanley Kubrick 1964 - 1999"

Mathieu Payan

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