DOSSIER

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cannes 2012 - Une jeunesse en marche


C'est Michel Gondry qui aura livré cette année la vision la plus juste de l'adolescence dans toute sa cruauté, son manque d'indulgence et de tact, mais aussi tout son élan vers un futur pourtant incertain. Avec « The We and the I », huis-clos situé dans un bus scolaire, déposant un à un les élèves à la veille des vacances d'été, le metteur en scène français surprend de par la vision moderne et détaillée qu'il livre. De la simple méchanceté gratuite à l'effet d'entraînement du groupe, en passant par le rejet de la différence (on exclut toujours les mecs moches ou les gays...), l'auteur démasque en trois actes de vrais-faux durs qui n'ont qu'à peine expérimenté la vie, dévoilant une réalité faite de fragilité et de manque de confiance en soi, condensé surprenant de toute une société, où chacun joue des rôles. Faisant place par moments aux fantasmes des uns et des autres, il montre une jeunesse qui a bien du mal à distinguer le superficiel de l'important, et pointe du doigt une société où la dictature de l'image freine les élans naturels et la formation de la personnalité.

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S'il est aussi question, dans « Mud » de Jeff Nichols, de savoir distinguer ce qui vaut la peine ou non, que l'on s'implique, le film est avant tout l'histoire de deux gamins de l'Arkansas, qui, jouant dans les marais, viennent en aide à un mystérieux fuyard (Matthew McConaughey). Crédulité enfantine source d'un danger potentiel, confiance mal placée en l'étranger, sont les sources de suspense initiales. Mais le sujet du film est à chercher ailleurs, du côté de la complicité que développe l'un des deux avec cet homme, à la recherche de l'image d'un père combatif en amour, et donc différent du sien, qui est sur le point de divorcer. La leçon de vie sera certes dure, mais l'idée romantique de l'amour portée par le gosse et son nouveau mentor, contraste à merveille avec les histoires tordues des adultes alentour. De quoi espérer, à l'image du plan final, ouvert sur un lac, que les « postures » des adultes ne sont pas une obligation, et que l'avenir sera lumineux.

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Adapté du roman de Jack Kerouac, « Sur la route », s'il a déçu grandement, n'en traite pas moins de l'apprentissage de la vie par son héros, auprès d'un ami, Dean, garçon qui lui rappelle un frère disparu. Sur les routes d'Amérique du nord et centrale, nous voilà embarqués avec eux dans un trip fait d'alcool, de drogue, de sexe libre, et de plaisir du verbe... Et c'est bien de l'influence de l'autre sur la formation de la personnalité qu'il est ici question, le héros observant Dean dans sa perdition programmée, sa frustration sous-jacente de n'avoir pas de père, l'auteur dressant à travers ses yeux le portrait d'un jeune homme autodestructeur, qui agit de manière irresponsable envers les autres, leur donnant des illusions aussi potentiellement bénéfiques que néfastes, selon la solidité de l'individu en face. Mais plus que cette influence, c'est aussi cette sensation propre à une jeunesse pleine de projets, de ne jamais être chez soi, qu'a tenté d'explorer Walter Salles, sans cependant vraiment réussir.

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Mais la fille la plus touchante de tout le festival aura été la petite Hushpuppy, gamine de 6 ans élevée à la dure, et quasiment livrée à elle-même, dans le multi-primé « Les bêtes du sud sauvage » (Caméra d'or, prix de la critique...). C'est sa débrouillardise et son innocence déjà perdue que Benh Zeitlin met en avant. Face à un père qui cache sa maladie et la gravité de celle-ci, elle représente la vie bouillonnante qui subsiste en chacun de nous, en son père malade et aigri d'avoir perdu sa femme adorée, comme en cette communauté isolée, aux traditions et légendes propres, qui se bat contre les gens du « monde sec », au delà de la digue, qui cherchent à les sauver de leur propre monde. Amenée à grandir, et donc à dompter ses peurs, la petite Quvenzhané Wallis montre ses muscles, refusant de se laisser dominer par la rudesse du monde ou la violence de la nature. Que son père meure ou non, que son monde disparaisse dans les eaux ou pas, elle vivra.


Il en va de même pour le personnage de Noémie Lvovsky, dans « Camille redouble » - remake de « Peggy Sue s'est mariée » -, qui se voit offerte l'opportunité de revivre sa jeunesse, plongée dans la cour d'école avec son physique de quarantenaire. Regard d'adulte porté sur une époque révolue, faite de liberté et de gamineries, la jeunesse se résume à des tentatives d'affirmation de soi qui passent par la répétition d'insultes qu'ont aura jamais le courage de dire en face, ou la rébellion face à l'autorité et notamment à un professeur abjecte (Amalric tout bonnement génial). Un film doux et drôle, qui permet à son personnage principal de trouver des moments de tendresse avec ses parents (alors que les ados les rejettent habituellement, par principe et affirmation de personnalité), et qui invite à accepter ses erreurs et à tourner la page, chose souvent difficile, même pour les adultes.

Olivier Bachelard

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