DOSSIER

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IL ETAIT UNE FOIS… Vigilante, de William Lustig


Genre polémique s’il en est, le film de « justice personnelle », ou vigilante flick, a toujours fait les choux gras de la presse cinéma, sa nature-même étant bien sûr sujette à caution. Extrêmiste, fasciste, nauséeux… Voilà pour les adjectifs employés pour qualifier un sous-genre ayant tout de même produit de nombreuses réussites. Série B dopée à l’action, "Vigilante" en est l’un des plus fameux exemples, et méritait bien que l’on s’y attarde.


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Un justicier dans la ville

Réalisé en 1982, "Vigilante" est le second film du Newyorkais William Lustig (si l’on oublie deux films pornographiques réalisés au début de sa carrière), tout juste deux ans après le célèbre "Maniac", plongée étouffante et ultra-violente dans l’esprit d’un terrifiant serial killer. Plus tard reconnu pour sa trilogie "Maniac Cop", Lustig marque le genre dès ses débuts par son approche frontale des genres abordés, mais aussi, et surtout, par sa manière de filmer une ville qu’il connait comme sa poche. Loin du Little Italy cher à Scorsese, loin du Manhattan bobo de Woody Allen, Lustig se penche sur les quartiers mal famés de la Grosse Pomme, filmant au ras du bitume et avec une acuité quasi-naturaliste, ces endroits que l’on ne voit jamais au cinéma, quartiers résidentiels de la classe moyenne et autres taudis où s’entassent les rebus d’une société pas encore nettoyée au karcher par la politique de Giuliani.

Capté dans un Cinémascope aux cadrages millimétrés, le New-York de "Vigilante" fait peur. Ses ruelles parcourues de déchets, ses immeubles squattés par des zonards, son palais de justice pathétique… Tous participent à un sentiment de corruption et d’aliénation qui étouffe, rendant palpable la détresse de citoyens sans histoire, doublement victimes d’une ville qui ne veut pas d’eux : victimes de gangs particulièrement violents, victimes d’une justice aveugle obsédée par l’appât du gain. Rien d’étonnant, dès lors, qu’un quidam en vienne aux armes pour retrouver un semblant de dignité, quitte à se confondre avec ce qu’il tente de combattre. Car le sang appelle le sang, et le pauvre Eddie Marino en fera l’amère découverte.

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Justice sans sommation

L’incroyable monologue d’ouverture ne ment pas sur le sujet du film. Pas question, ici, de dénoncer les dérives miliciennes de citoyens en rupture de justice sociale. Bien au contraire. Mais loin d’être un film de « droit à message », comme ont pu le dénoncer certaines critiques de l’époque, "Vigilante" reste un film d’exploitation pur et dur, où la violence n’oublie jamais d’être cinématographique, quand bien même elle y atteint un degré de représentation rarement vu alors. En effet, difficile de faire plus explicite et dérangeant que la scène du meurtre de l’enfant du « héros », assassiné à bout portant au fusil à pompe, et véritable déclencheur du drame qui s’en suivra. On n’est pas loin de l’apreté du premier "Justicier dans la ville", malgré quelques détails particulièrement bis (Fred Williamson qui fait du kung-fu en jean serré), aptes à ravir les fans du genre.

Empoignade virile dans les douches d’une prison, nudité féminine gratuite, course poursuite à pieds ou en voiture, exécutions sommaires… Des éléments inhérents au cinéma de série B, que William Lustig dynamite par la seule grâce de son talent. Montage serré, direction d’acteurs parfaite, musique entêtante de Jay Chattaway (également auteur du score de "Maniac", et indissociable du travail de Lustig), intrigue simple mais forte, tels sont les éléments qui font de "Vigilante" une totale réussite. Transcendant son sujet par sa seule mise en scène, William Lustig évite le piège de l’apologie simpliste et donne à voir les questionnements et les errances de son protagoniste qui, de pion utilisé par une milice aux agissements douteux, deviendra in fine ce justicier dans la ville qu’il redoutait tant.

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Lex talionis

De tous les films de William Lustig, "Vigilante" est sans aucun doute le plus ouvert à la redécouverte. Moins viscéral que "Maniac", moins ludique que les trois "Maniac Cop", il en est pourtant une sorte de synthèse, reprenant au premier le portrait sans concession d’une ville en pleine déliquescence et anticipant les seconds par son aspect purement ludique. Désormais retiré de la réalisation, William Lustig n’en reste pas moins l’un de ces cinéastes aux obsessions et au style immédiatement reconnaissables. Et ce n’est pas ce "Vigilante" qui viendra contredire cet état de fait.

Frédéric Wullschleger

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