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BILAN 2011 : retour sur une année de cinéma


Comme à chaque fin d’année, l’heure est au bilan. En attendant les blockbusters issus des meilleures franchises du cinéma (Batman version Nolan, Alien remis au goût du jour par papa Ridley, Le Hobbit de Jackson, Millenium version Fincher), Abus de ciné revient sur ce qui a fait ce très grand cru de 2011 qui, à l’inverse de 2010, recèle plusieurs petites perles auquel un simple top 10 ne saurait rendre justice. Mais avant de connaitre le chouchou 2011 de la rédaction, voici un retour sur les thèmes chers au cinéma de cette année.




La production française au mieux de sa forme

On l’avait déjà remarqué l’an dernier, après une année 2009 plus que morose, la production française avait repris du poil de la bête en 2010 pour finalement nous offrir une année 2011 des plus formidables. Ainsi, de véritables propositions de cinéma aussi intéressantes que divertissantes que Cannes a su débusquer (« Polisse », « The Artist », « L’Exercice de l’Etat », « Pater », « Le Havre ») côtoient de formidables et poignants drames tels que « Présumé coupable », « La Guerre est déclarée », « Le Gamin au vélo », « Des Vents contraires » ou encore « 17 filles ».
En outre les Français ont su reconnaitre la qualité : « Intouchables » est toujours premier au box-office après 8 semaines consécutives et tend vers les 16-17 millions d’entrées, « Polisse » culmine à 2 340 000 entrées, « Les femmes du 6ème étage » à plus de 2 millions de spectateurs et « La Guerre est déclarée » s’est imposé comme le succès inattendu avec ses 800 000 entrées. En revanche, des productions formatées se sont vues faire des flops (« On ne choisit pas sa famille », « Forces spéciales ») ou des résultats décevants (Les deux « Guerre des boutons»). Bien sûr, comme à l’accoutumée, certains films qui auraient mérité le million d’entrées n’ont pas rencontré le succès escompté. C’est le cas par exemple de « L’Ordre et la morale » de Mathieu Kassovitz et « Poulet aux prunes » de Marjane Satrapi, qui n’ont à peine engrangé que 10% de retour sur leurs budgets de fabrication.

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Les films français revisitent les grandes affaires de la France

Des plus grosses erreurs judiciaires de ces 30 dernières années (« Présumé coupable », « Omar m’a tuer ») aux prises d’otages largement médiatisées et à fortes implications pour nos politiques français de l’époque, (« L’Ordre et la morale » ou « L’Assaut »), la production française a mis en scène de grandes affaires ayant marqué l’opinion publique. Quand le cinéma français se tourne vers les hommes ayant été les acteurs de ces faits rapporté dans les journaux, qu’ils soient jugés coupables à tort ou membres du GIGN avec de lourdes responsabilités sur les épaules, cela donne souvent d’excellents films !

La sphère politique disséquée

Les films politiques avaient déjà afflué l’an dernier. Aussi, nombre de cinéastes se sont intéressés au quotidien de nos hommes politiques. Le meilleur exemple cette année est sans nul doute « L’Exercice de l’Etat », qui nous emmène dans les arcanes du pouvoir à travers le quotidien d’un ministre des transports d’un gouvernement français. Alain Cavalier, lui, a eu l’audace de créer son propre gouvernement fictif et de s’auto-nommer président dans l’excellent et étonnant « Pater ». On a pu aussi suivre la course aux présidentielles d’un candidat fictif aux primaires démocratiques américaines avec le passionnant « Les Marches du pouvoir », de Georges Clooney, et d’un autre candidat bien réel dans « La Conquête ». Sans oublier le récit du parcours d’un Duc devant surpasser son handicap pour prouver qu’il peut devenir Roi, dans « Le Discours d’un roi »).

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Le printemps arabe s’immisce dans les documentaires

Outre la prolifération de documentaires cette année, pour la plupart d’excellente qualité (« Waste land », « D’un film à l’autre »…), le dernier trimestre de l’année nous a offert quelques témoignages sur les récents basculements du pouvoir et la prise de conscience des peuples arabes sur les régimes totalitaires qui les gouvernaient. Les cinéastes tunisiens notamment (Nadia El Fani et Mourad Ben Cheikh) avec leurs « Laïcité Inch Allah » et « Plus jamais peur », narrent les balbutiements des mouvements de révolte qui ont débuté fin 2010 dans le pays. Le mouvement s’étant étendu début d’année suivante vers d’autres pays dont l’Egypte, ce qui a par ailleurs donné naissance à l’œuvre collective « 18 jours » inspirée des événements du 25 janvier qui ont changé la face de l’Egypte, il y a fort à parier que l’an prochain générera sa pléthore de sorties sur le sujet. Pour preuve, un documentaire égyptien « Tahrir : Place de la Libération » et un autre iranien « Le printemps de Téhéran, l’histoire d’une révolution 2.0 » disséquant les mouvements révolutionnaires de leurs peuples respectifs, sont d’ores et déjà prévus pour le mois de janvier 2012.

Faites des bébés pour avoir plus de problèmes !

Tendance principalement française, le dernier trimestre de l’année a vu affluer bon nombre de films annonçant les multiples tracas de la vie parentale pour les jeunes couples. Parmi eux « Un Heureux événement », qui tourne en dérision les appréhensions et les difficultés de devenir parent, de la grossesse à la naissance, mais aussi « La Guerre est déclarée » et « We need to talk about Kevin », qui démontrent comment l’arrivée d’un bébé dans la famille peut devenir une épreuve, voire un calvaire.
La grossesse d’adolescentes ne fut pas non plus en reste cette année, puisque « 17 filles » et une 18ème, « La Brindille », sont tombées enceintes, certaines par accident (comme Camille dans le film des sœurs Coulin ou Sarah dans celui d’Emmanuelle Millet) d’autres par choix. Là où devenir mère est vu comme une sorte d’émancipation et prise de responsabilités par les lycéennes, celles-ci se heurtent à l’incompréhension des adultes. Si l’on ajoute à cela les enfants terribles de l’année (« Abel », « We need to talk about Kevin » et « Le Gamin au vélo ») qui ont mené la vie dure à leurs tuteurs ou géniteurs, 2011 n’a pas incité les jeunes cinéphiles à augmenter le taux de fécondité français !

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Les films dans les films sont aussi des films

Une autre tendance de cette année : les films traitant de cinéma. Se sont enchaînés les drames ayant pour décors le tournage de films (l’hypnotique « Road to nowhere », ou le poignant « Même la pluie »), les hommages réussis aux blockbusters des années 80 (« Super 8») et même un film muet façon années 20 (« The Artist »). Hormis un vague souvenir, pas de tournage de film dans le dernier Scorsese (« Hugo Cabret ») mais un véritable hommage à Georges Méliès, premier cinéaste à avoir incorporé des effets spéciaux dans ses films, tandis que Frédéric Sojcher déploie à travers sa fable mystificatrice « HH, Hitler à Hollywood » un cri d’amour au cinéma indépendant. Ajoutons à cela le triste état des lieux de la condition des cinéastes en Iran dressé par Jafar Parani dans « Ceci n’est pas un film ». Du cinéma qui parle de cinéma. Cette année, la boucle est bouclée.

Man vs Wild

Quelques films ont aussi malmené leurs protagonistes, les faisant survivre en milieu hostile. Qu’ils soient en fuite comme perdu dans la nature dans « Essential Killing », dans la jungle urbaine coréenne de « The Murderer », fugitifs sur « Les Chemins de la Liberté » ou encore coincés par excès de témérité pendant « 127 Heures » au fond d’un gouffre, à patienter qu’un bon samaritain ne vienne décoincer son bras de la de rocaille, tous seront contraints à s’en sortir, poussés dans leurs retranchements par une Dame Nature loin d’être des plus clémentes.


L’émergence des Blockbusters intelligents

Dans le monde aseptisé des productions hollywoodiennes, il est agréable de constater que nous avons eu droit cette année à des reboot / préquels / suites de franchises de qualité, au-dessus de la moyenne standard habituelle. Serait-ce grâce au succès phénoménal des deux derniers films de Nolan que les studios incitent les scénaristes et cinéastes à plus de cohérence et moins de formatage ? Ont-ils enfin compris que prendre les spectateurs pour une masse sachant réfléchir pouvait s’avérer payant ? Nous n’en sommes pas encore là, vu le nombre de grosses productions formatées qui persistent (de « Twilight » à « Sex Friends »), mais l’on peut se réjouir d’avoir vu apparaitre sur les écrans « X-Men, Le commencement », une intéressante et divertissante uchronie narrant les débuts des X-Men sur fond d’acceptation des mutations de leur corps, revoyant clairement à l’âge adolescent, ou encore « La Planète des singes : Les origines », autre reboot de franchise à succès (on se souvient encore du chef-d’œuvre mettant en scène Charlton Heston) qui va plus loin que l’habituel déversement d’effets spéciaux pour en mettre plein la vue. Ces deux films ont été de vrais succès au box-office, puisque « La Planète des singes » a terminé son exploitation à 3,2 millions d’entrées et « X-Men » à plus de deux millions.

Moins intéressants sur le fond mais tout aussi divertissants et réussis : « Mission impossible : Protocole fantôme», « Source code » et « Time out » font office de blockbusters de qualité supérieure à la moyenne observée. Tandis que l’un déploie efficacement l’artillerie lourde, les deux autres sont films de science fiction à budget modéré (impliquant tout de même de grosses têtes d’affiches) qui, à l’instar de « District 9 » en 2009, partent de postulats intéressants pour livrer quelque chose de plus que les productions hollywodiennes misant tout sur la pyrotechnie et le nom des acteurs.

Nul doute, à la vue de la rentabilité de ces films (« Source code » et « Time out » ont rapporté plus de 3 fois leurs coûts de production et « Mission impossible : Protocole fantôme » a déjà rentabilisé ses frais et continue d’engranger les entrées dans le monde), les studios continuerons dans cette voie. D’ailleurs, à en juger le planning de l’année, les blockbusters attendus sont signés par des réalisateurs ayant de véritables visions d’auteurs (Nolan, Jackson, Fincher et consorts), loin des Yes-men habituellement engagés pour ce genre de budgets. Tant mieux pour nous !

2011 fut donc un excellent cru avec des thèmes porteurs qui ont généré de nombreux film d’excellente qualité. A l’heure où des succès populaires tels que « Intouchables » ou « Polisse » démentent que l’industrie se porte au plus mal et qu’il n’y a de la place que pour les productions formatées, il y a fort à parier que 2012 réservera elle aussi son lot de bonnes surprises.

Alexandre Romanazzi

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