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CANNES 2011 - Les femmes se rebiffent


Outre une sélection composée d’une majorité de films avec des premiers rôles féminins, le festival de Cannes 2011 nous a aussi servi une ribambelle de films évoquant avec plus ou moins d’évidence l’émancipation des femmes. Libération vis-à-vis du sexe, des codes de la société, de la religion ou bien simplement des hommes, voici une palette d’œuvres nous offrant certainement les plus beaux rôles féminins de la sélection cannoise.







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L’islam remanié par les femmes

Commençons par l’exemple le plus flagrant de la sélection, « La Source des femmes », qui raconte l’histoire d’un petit village du Maghreb dont la vie de la communauté va être bousculée par la révolte d’une poignée de femmes contre la tradition. Las d’enchaîner les fausses couches en allant chercher de l’eau pendant que les hommes sirotent tranquillement le thé, celles-ci décident d’entamer une grève de l’amour en refusant de se soumettre à leurs devoirs conjugaux. A travers cette fable ensoleillée, Radu Mihaileanu filme cette révolution de la tradition et surtout de l’Islam, portée par des femmes qui n’acceptent plus l’interprétation des textes coraniques en faveur des hommes. Le personnage principal, Leila, véritable instigatrice de ce mouvement de révolte, se sert de son éducation et des versets du livre saint pour convaincre.

Ce rejet des préceptes machistes sous couvert de la religion, on le retrouve aussi dans le " Polisse " de Maïwenn, lors d’une impressionnante joute verbale menée par un agent de la BPM (interprété par Naidra Ayadi) envers un père de famille musulman désireux de marier sa fille à un inconnu de son pays d’origine. Là encore, le Coran est pris à témoin. Hors d’elle et en arabe, l’agent de la brigade exhorte l’inculpé de lui monter quel verset recommande ce genre de pratiques.

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Dans « Et maintenant on va où ? » de Nadine Labaki, les mères d’un village divisé entre chrétiens et musulmans décident de prendre des mesures inattendues envers leurs maris, leurs frères et fils. Rusant d’ingéniosité pour éviter que les hommes ne soient obnubilés par la ferme intention d’en découdre avec leurs voisins, les femmes du village vont s’unir pour prôner la paix et la tranquillité des peuples. A l’instar de « La source des femmes », la cinéaste libanaise illustre, grâce à cette excellente farce, qu’il est un peu trop facile de remettre sur le dos de Dieu les excès de testostérones de ces messieurs.
A l’heure des printemps révolutionnaires menés par les hommes et s’étant répandu dans plusieurs pays du Maghreb et du Moyen Orient, cette révolte des femmes arabes, si présente dans les films de la sélection officielle, annoncent-elle le tour des Dames ? La femme est l’avenir de l’avenir de l’homme, vous dit-on !

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Les hommes, ces sextoys

Côté Occident, on fait fi de la religion. C’est la libération sexuelle qui prône. « Les Biens-aimés », de Christophe Honoré, nous conte l’histoire de la libération sexuelle de Madeleine et sa mère à travers les âges. Honoré dessine deux femmes séduisantes, aux mœurs légères, croquant les hommes à pleines dents. Lucy, l’héroïne du « Sleeping Beauty » de Julia Leigh, est quant à elle une gamine difficile à cerner, au physique de biche et à l’innocence de façade. Constamment à la recherche de petits boulots, elle finit par travailler pour une agence qui offre les nuits de jeunes et jolies jeunes femmes à une équipe de vieillards lubriques. On penserait, aux premiers abords, que cette pauvre fille doit se prostituer pour financer ses études, mais une fois sa première paie encaissée, Lucy l’enfume au briquet. Avec les hommes elle ne manque pas d’aplomb, n’hésitant pas à leur proposer une partie de jambes en l’air en guise de présentation où à les tirer à pile ou face. L’impression que cette héroïne insaisissable se prostitue pour le plaisir, juste par curiosité perverse, se raffermit. Exempt de toutes attaches, cet objet de fantasme donne le sentiment de tenir tête au monde entier.


A la Semaine de la Critique, le « 17 filles » des sœurs Coulins annonce aussi un mouvement de révolte. Dix-sept adolescentes de 17 ans décident de tomber enceintes. L’objectif : changer le monde ! Les gamines s’imaginent qu’en agissant ainsi, elles s’émanciperont de leurs parents. Derrière cet acte audacieux, utopiste et un peu fou, les filles plaident aussi pour l’appartenance de leur corps alors que les adultes (le corps enseignant notamment) conspirent pour les inciter à l’avortement et, surtout, les empêcher de créer des émules. Mais on n’arrête pas un groupe de filles qui revendique leur liberté.

En sélection parallèle, la Quinzaine des Réalisateurs a aussi concocté une programmation faisant la part belle à la sexualité féminine. Outres les autres tentatives de présenter la femme et ses désirs dans « Code Blue » de Urszula Antoniak ou en encore « En Ville » de Valérie Mréjan et Bertrand Schefer, « Guily of romance » (Koï no tsumi), de Sono Sion, déploie le discours le plus féministe de toute la sélection cannoise. On y découvre Izumi, une femme au foyer soumise, totalement délaissée charnellement par son mari qui va redécouvrir son corps, Kazuko, l’enquêtrice qui mène une double vie perverse avec un mystérieux amant, et Misuko, qui a depuis bien longtemps décidé de prendre du plaisir en faisant systématiquement payer ses conquêtes. Cette délirante histoire sur la libération sexuelle de trois Japonaises s’annonce comme un pulvérisant éveil de la femme, qui s’affranchit un peu plus de la figure masculine paternaliste et autoritaire de la société japonaise.

Alors, quelle est la place de l’homme dans tout cela ? Qu’il soit considéré comme un tyran à la doctrine discutable ou comme un objet sexuel, véritable outil d’émancipation, il restera souvent en second plan. C’est certain, cette année à Cannes, le président du jury avait beau être un homme, les femmes avaient le pouvoir.

Alexandre Romanazzi

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