Les plus beaux films sont ceux qui vous surprennent. C’est en tout cas la clé de mon bonheur cinématographique personnel : rentrer dans une salle de cinéma sans trop savoir à quoi s’attendre, puis en sortir complètement enthousiaste. En ce qui me concerne, à ce cahier des charges très simple répondent seulement deux œuvres de 2010 : d’abord « I love you Philip Morris » de Glenn Fiquarra et John Requa, pour moi un summum du plaisir cinématographique alliant rires, émotion, qualité d’écriture et d’interprétation ; ensuite « Le nom des gens » de Michel Leclerc, sorti en fin d’année, et dont je ne pouvais soupçonner la finesse et la poésie.
D’autres films plus attendus, plus prévisibles, et pourtant sources d’un immense plaisir, viennent compléter la liste : l’indolent « Another year » de Mike Leigh (ma Palme d’or à moi cette année à Cannes), l’exaltant « Inception » de Christopher Nolan, le puissant « Poetry » de Lee Chang Dong et le très sensoriel « Shutter Island » de Martin Scorcese qui, malgré son accueil global mitigé, possède à mon sens tout le potentiel d’un film culte à retardement. J’accorderais par ailleurs une mention spéciale à deux films merveilleux : « Toy story 3 » de Lee Unkrich, qui atteint des sommets d’humour, d’aventure et de tendresse, et le survolté « Kaboom » de Greg Araki, l’un de mes réalisateurs préférés dans les années 90. Plus de vingt ans après, son indépendance et sa créativité forcent l’admiration.
Je profite de cette tribune pour rendre hommage aux autres films chers à mon cœur et qui méritent leur place dans ces lignes : « The Ghost writer » de Polanski, à la mise en scène subjugante ; « Fantastic Mr Fox » de Wes Anderson, réalisateur que j’affectionne et qui marque à chaque fois un peu plus le paysage cinématographique de son empreinte unique ; mais aussi « L’Arbre » de Julie Bertuccelli, « Des Hommes et des dieux » de Xavier Beauvois, « Biutiful » d’Inarritu. Quant à Abdellatif Kechiche, bien que je ne sois pas une grande fan de son art, je dois avouer que sa « Vénus noire » m’a asséné l’un des plus grands coups de massue cinématographiques de l’année.
Plus globalement, que retiendrais-je de cette année ? En vrac : que les guerres et scandales contemporains aliment maintenant presque en temps réel le cinéma politique (« Lebanon », « We are four lions »). Que les grandes actrices ne connaissent pas l’usure du temps et qu’elles restent, malgré les aléas de leur carrière, indétrônables (Yoon Jung-Hee, la grand-mère de « Poetry », mais aussi Juliette Binoche, hallucinante dans « Copie conforme » de Kiarostami). Qu’il est encore possible de faire des films barrés, ne ressemblant à aucun autre, sans tomber dans la condescendance artistique (« Rubber » de Quentin Dupieux, « Sound of noise » de Ola Simosson et Johannes Stjärne Nilsson). Surtout, je m’étonne d’année en année de voir à quel point le cinema est capable de plaire tout en dérangeant, de mettre mal à l’aise tout en fascinant, comme le prouvent “The killer inside me” de Michael Winterbottom, “Vénus noire” d’Abdellatif Kechiche et, d’une certaine manière, “Anoher year”. Enfin, ma grande satisfaction est d’avoir vu émerger dans le cinema français une belle relève. Comptant dans ses rangs Michel Leclerc, (“Le nom des gens”), Anthony Cordier (“Happy few”), Pascal Chaumeil (“L’Arnacoeur”), Sophie Letourneur (“La Vie au ranch”) et Rebecca Slotowski (“Belle-épine”)… Autant de noms encore méconnus récemment et qui risquent bien de changer la donne pour les années à venir.
Sylvia Grandgirard
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