En attendant de connaitre le nom de celui qui succèdera à Gran Torino pour le titre de meilleur film l'année Abus de ciné vous propose de faire un petit bilan des grandes tendances cinématographique de 2010.
Un bon cru, mais pas vraiment marquant
2010 fut finalement une année cinéma assez sobre en termes de films marquants, malgré les retours de plusieurs metteurs en scène de prestige, qu’ils soient américains (Scorsese, Nolan, Fincher, les frères Coen, Malick… ah, on me dit que non, en fait…), européens (Blier, Kechiche, Campion, Frears, Polanski ou Noé) ou asiatiques (Kitano, Bong et… c’est tout ?). En revanche, d’une manière générale, la qualité globale des productions sorties en France cette année fut tout de même plus haute que les trois années précédentes. Nous avons ainsi eu droit de nombreux films qui, sans être mémorables, nous ont faits passer de très bons moments. On peut citer allégrement "The Ghost Writer", "Dans ses yeux", "Le Nom des gens", "Soul Kitchen", "L’Arnacoeur", "Copacabana", "Potiche"…
La production française s’est imposée cette année
Beaucoup de films français n’est-ce pas ? Alors que 2009 avait montré une morosité flagrante de la production française (hormis une ou deux perles dont le sublime "Un Prophète"), 2010 a offert à la France de très beaux succès tant critiques que cinématographiques. Le plus évident est bien sûr "Les Petits Mouchoirs" qui, malgré ses légers défauts, a dépassé le raz de marée "Inception" et culmine désormais à plus de 5,2 millions d’entrées. Une très belle performance que l’on peut saluer. A ses côtés, viennent se ranger "La Rafle", "L’Arnacoeur", "Potiche".
D’autres films aux ambitions moindres ont connus leur succès publics et d’estime, comme les excellents "Elle s’appelait Sarah", "A Bout Portant", "The Ghost Writer" (oui, oui, c’est une production française celle-ci, monsieur !), "Mammuth", "Tournée", "Le Nom des Gens", "Copacabana" et "Des Hommes et des Dieux", qui a surpris tout le monde en dépassant sans effort la barre des 3 millions de spectateurs.
C’est en se renouvelant, notamment dans le registre de la comédie, que la qualité a décollé et ce, pour notre plus grand plaisir. Vous l’aurez compris, le cinéma français se porte très bien en cette fin d’année et en plus il s’exporte, comme le démontrent les excellents résultats de "Elle s’appelait Sarah", "L’Immortel" et "Potiche", qui ont tous trois dépassé les deux millions d’euros de recettes lors de leur exploitation à l’international.
L’animation, un marché porteur !
Mais celui qui a le vent en poupe, c’est le cinéma d’animation (à forte dominance américaine). Il a vraiment tout raflé cette année, avec près de 30 millions de tickets vendus (2D et 3D confondus). Quoi de plus normal, lorsqu’en plus la qualité est au rendez-vous. Le haut du panier est tenu par "Toy Story 3" de Pixar, « Moi moche et méchant » des studios Universal, "Dragons" de Dreamworks, "Le Royaume de Ga’Hoole" de Zynder (Warner) et, dans un autre registre plus confidentiel et adulte, on peut citer aussi le dernier Chomet, inspiré d’une œuvre de Tati, "L’Illusionniste". S’ensuivent toutes les grosses productions formatées de cette fin d’année, avec "Raiponce", le dernier "Narnia" ou encore "Megamind", qui n’ont pas fini d’ameuter les écoliers en vacances.
Une année de films atypiques
Si 2009 fut l’année du biopic et du film social, 2010 a offert sa pléthore d’œuvres atypiques et en marge de ce que le cinéma a l’habitude de faire. "Rubber" en est un exemple frappant. Il fallait en avoir pour construire un film sur un pneu psychopathe aux pouvoirs télé-kinésiques qui « tienne la route ». D’autres films ont reposé leur base sur de simples concepts et les ont exploités avec brio, comme Rodrigo Cortes avec son "Buried" et "Lebanon", Lion d’or vénitien 2009, qui poussent leurs personnages (et les spectateurs) dans leurs retranchements clautrophobiques en temps de guerre.
Dans la lignée des concepts audacieux, "Enter the Void" et "Amer" font figure d’œuvres sensorielles qui se jouent de nos sens et perceptions à travers un époustouflant travail sur le son et l’image. Deux films subjectifs où le spectateur a la sensation de se retrouver dans la peau du protagoniste, qu’il soit le fantôme d’un junkie délirant à une réincarnation ou à travers les sens d’une femme passant par l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.
Moins radicaux mais tout aussi immersifs, "Valhalla Rising" et "Oncle Boomie" déploient des ambiances sans pareille, sauvages, bestiales, où la nature reprend son droit. Deux films à trips, pas forcément digérables juste après leurs visionnage, mais qui laisseront un arrière-goût d’expérience unique vécue le temps de la projection.
La politique sur tous les fronts
L’année cinématographique fut aussi très politique avec quelques documentaires nous permettant de mettre un pied dans le milieu tels que "Le Président", qui suit Georges Frêche en pleine campagne électorale, "C’est Parti", sur la naissance du NPA de Besancenot, le soporifique "La stratégie du Choc", qui détaille les méthodes de communication des politiques, ou encore l’excellent "Draquila" qui dénonce les pratiques de la mafia berlusconienne.
Du côté de la fiction, l’activisme n’est pas en reste. Entre "Fair Game" et "Green Zone", qui arrivent après la guerre et permettent aux Etats-Unis de se racheter une bonne conscience, nous avons aussi le potache "We are Four Lions" venu d’Angleterre, qui tourne en dérision l’activisme des terroristes. En parlant de terroriste, Assayas et sa série/film (on ne sait plus vraiment) "Carlos" fit sensation cette année à Cannes, à contrario d’"Hors la loi", dont la polémique a (brièvement) fait trembler l’organisation du festival. Ajoutons à cela les fictions mettant à jour les manigances politiques et des institutions, comme "Ghost Writer" et "La Révélation", et celles faisant état d’une situation politique actuelle ("Un Homme qui Crie", "White Material") ou passée ("City of Life and Death"). 2010 fut vraiment une année de cinéma engagée.
La fin des sagas
Mais 2010 fut aussi l’année où les grandes sagas des blockbusters prirent fin avec le quatrième volet de "Shrek" (un peu mieux que le troisième), un encore meilleur "Toy Story 3" sensé clore la série vieille de 15 ans, "Twilight" et ses titres en -tion (ENFIN !!) qui a engendré des ersatz complètement navrants, comme cette affligeante parodie « Mords-moi sans hésitations », l’inutile remake du fabuleux Morse, les consternants "Daybreakers", "Vampires", certainement "Nous Sommes la Nuit". Et mon petit doigt me dit que d’autres arrivent en 2011… Du côté de l’Europe, on peut espérer qu’"Arthur 3" sera le dernier, à moins qu’Europa ne sente encore le doux parfum des billets de banque. En revanche, ,pour l’enquête déclinante de la saga danoise "Millienium", c’est certifié, c’est le dernier. Mais attention, les remakes arrivent bientôt ! (signés David Fincher himself, en plus)
Les geeks font la loi
Enfin, 2010 a porté un énorme cri d’amour à tous les geeks de la planète, avec deux films délicieusement fougueux et déjà cultes : "Kick Ass" et "Scott Pilgrim versus The World". Ils ont pu aussi se régaler devant les hilarants pastiches des films d’exploitation signés Rodriguez et Sanders avec leurs personnages "Machete" et "Black Dynamite", qui envoient du très lourd ! On pourra aussi citer "The Social Network", porté par la virtuosité de Fincher, faisant plus le portait du geek le plus (im)populaire de la planète plutôt que de la génération Facebook.
Alexandre Romanazzi
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