DOSSIER

CANNES 2010 – La face cachée de la guerre


Conséquence directe des interrogations sur la légitimité de la guerre d’Irak ainsi que des suspicions manipulations de l’opinion publique par rapport aux déploiements armés dans le proche orient, Cannes a sélectionné au moins quatre films qui s’inscrivent dans cette veine de questionnement et de scandales étouffés. Deux d’entre eux choisissent le même point de départ : "Route Irish" et "Everything will be fine". Seules les situations diffèrent quelques peu.

"Route Irish", film de Ken Loach, plante son décor après les interventions de l’armée américaine en Irak et évoque la prolifération des "contractors", ces sociétés privées mandatées par le gouvernement pour faire régner l’ordre dans la Green Zone. Au cours des dernières années, plusieurs témoignages d’ex-soldats ont filtré rapportant la situation assez chaotique de Bagdad. Le manque d’éthique de certaines sociétés privées ainsi que leur immunité quasi-totale face aux accusations de violence envers les civils irakiens seraient notamment en cause (voir, par exemple, l’enquête de Jeremy Scahill « Blackwater. L’ascension de l’armée la plus puissante du monde »). Ken Loach et son scénariste s’en sont directement inspirés. Le film danois "Everything will be fine" évoque, quand à lui, les tortures perpétrées par l’armée danoise lors de ses interventions militaires en Afghanistan qui, elles aussi, ont éclatées lors de certaines affaires.

Ces deux films démarrent tous deux leurs intrigues par la découverte d’un soldat défunt et de documents compromettants concernant des crimes de guerre. Les enquêtes qui en découlent émanent d’une volonté à faire éclater la vérité au grand jour et entrainent les protagonistes aux cœurs de conspirations à grandes échelles. Fait intéressant, les deux auteurs s'attachent à rester aux points de vue de leurs protagonistes obsédés par des fausses pistes (le coupable tout désigné de "Route Irish" et le mystérieux personnage filant Falk). Ainsi, les deux s'enfoncent dans d'immuables certitudes qui finiront par être sévèrement questionnées.

A contrario des réalisateurs danois et anglais, l'américain Doug Liman, qui revient sur les questionnements à propos de la présence d’armes de destruction massives en Irak avec son "Fair Game", ne laisse aucun doute planer sur la véracité du scandale dont fait l'objet son film. Il faut dire que Liman avance en terrain connu avec un fait historique avéré depuis quelques année et retraçant le parcours d'un couple américain bien réel. Ceci dit, les thématiques du complot, et de la rétention d'information sur les événements du terrain sont bien présentes.

L'excellent documentaire "Armadillo" nous offre une immersion dans les camps militaires de l'armée danoise déployée sur les territoires afghans. En plus d'évoquer de nombreux aspects du quotidien des soldats, le réalisateur, Janus Metz, est parvenu à être le témoin d'une bavure militaire à l'égard d'insurgés afghans. On peut ensuite y suivre la gestion de la communication au sein du bataillon ainsi que l'enquête interne menée par les supérieurs prenant très au sérieux l'exécution de prisonniers. A la suite de sa présentation à la semaine de la critique, "Armadillo" a suscité un vif débat politique au Danemark à propos de cet enfreint aux droit des conflits armés et à cause de témoignages de soldats déclarant s'engager pour l'excitation et l'adrénaline du combat. Etrange résonnance avec les points de départs de "Route Irish" et d'un autre film danois, "Everything will be fine", qui permet constater à quel point la violation des lois de la guerre est un sujet particulièrement sensible et tabou.

Alexandre Romanazzi

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