DOSSIER

CANNES 2010 – L'isolement, le meilleur complice du suicide


Comme à chaque édition, la mort tient une place prépondérante dans les sélections. Cependant, cette année, c'est la volonté de se donner la mort qui était très présente dans les psychés des protagonistes. Malgré des situations diverses, les films de la sélection, traitant du suicide, décrivent des détresses très similaires et pointent tous la même condition favorisant le passage à l'acte.

Commençons par l''Autre Monde" de Gilles Marchand mettant en scène une Louise Bourgoin fascinée par l'au-delà qu'elle assimile à lieu issu d'un jeu virtuel: une plage noire. Un lieu que la joueuse considère comme apaisant et où elle peut s'isoler des autres joueurs. Cette notion d'isolement est d'ailleurs le point commun de tous les personnages en proie à des pulsions suicidaires.

La Caméra d'Or, "Année bissextile", met en scène Laura, en marge des contacts extérieurs, rongée par la solitude dans son appartement miteux de Mexico. Elle subit son existence jonchée de coïts insipides et sans lendemain qui lui rappellent combien elle est seule. Lorsqu'elle rencontre un homme qui lui donne autant d'affection que de violence pendant leurs ébats, Laura va proposer à son nouvel amant un fantasme morbide qui révélera son désir de mourir.

"Les filles en noir" de Jean-Paul Civeyrac se sentent à l'écart du reste de la classe ainsi que du monde des adultes. Leur fascination pour la mort les rend différentes et inquiétantes aux yeux des autres. A l’instar d’"Année bissextile", c’est une relation en marge du monde extérieur qui créée les conditions propices au passage à l’acte. Enfermées dans leur binôme, elles peuvent mutuellement fantasmer leur mise à mort. On les prend souvent à rêver d'un au delà paisible, loin de tous tracas de la vie. Sentiment aussi prépondérant chez Audrey de "L'Autre Monde" qui planifie son suicide avec son compagnon de jeu en ligne, Dragon.

Un autre film où l'univers virtuel est un élément isolant et propice au suicide est "Chatroom". Ce long-métrage d'Ideo Nakata est particulièrement intéressant puisqu'il met en exergue le paradoxe d'enferment social. La chatroom est en même temps un espace virtuel socialisant et pourtant, très communautariste. Le membre est, de ce fait, isolé du monde réel car connecté en permanence. Il ne s'intéresse plus à ce qu'il se passe autour de lui. Toute son attention est portée sur le salon de discussion. Isolé des personnes qui tiennent vraiment à lui, et entouré de d'"amis" cachés derrière leurs écrans, "Chatroom" pointe légitimement du doigt le problème de l'anonymat des chats. L'un des protagonistes profite donc de cet isolement pour monter les autres membres contre le plus faible de la troupe, celui qui se hait, et l'inciter au passage à l'acte.


"Picco", de l'allemand Philippe Kohr, expose une situation similaire. Dans un centre d'incarcération juvénile, les plus faibles sont constamment en proie aux plus dégradantes humiliations des brutes de la prison. Le terme "Picco" fait d'ailleurs référence aux faibles qui subissent les pressions morales constantes. Le décor, cette prison pour jeune délinquant, est représente l'isolation du monde extérieur. Il ne s'agit plus là d'un repli volontaire sur soi-même comme dans les films précédents, mais subit. Aucune échappatoire n'est possible, si ce n'est la mort.

Alexandre Romanazzi

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