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CANNES 2009 - Une homosexualité presque décomplexée


Pendant des années, l'homosexualité, quand elle n'était pas le sujet de railleries et diverses caricatures (« La cage aux folles », « Police academy »), donnait naissance à de grands drames dans lesquels les personnages principaux ne pouvaient que mourir dans la culpabilité ou se voir condamné aux marges d'une société intolérante (« Maurice », « Querelle »). Puis les années SIDA ont malheureusement donné une bien triste respectabilité à une communauté touchée de plein fouet par la maladie. Ainsi des œuvres comme « Philadelphia » ou « Un compagnon de longue date » ont offert une visibilité à des couples pour une fois décrits comme normaux. Aujourd'hui, quelques années après le phénomène « Brokeback moutain », incitation bucolique à vivre son amour, même différent, nombre de films affichent une vision de l'homosexualité comme libérée.

Alain Guiraudie n'en est pas à son premier pamphlet politique qui inclut un personnage princiapl homosexuel. Après « Voici venu le temps », et son guerrier de recherche amant des bergers du coin qui discute syndicalisme avec les voleurs expérimentés, son nouveau héros est vendeur de tracteurs et drague des mecs sur les aires d'autoroutes et tombe sous le charme d'une adolescente. Plaçant l'intrigue du « Roi de l'évasion » dans un monde loufoque où l'état policier s'affirme (le commissaire peut apparaître n'importe où derrière vous, même dans les situations les plus embarrassantes), Guiraudie n'hésite pas à aligner de longues discussions sur le désir et la différence de conception de la sexualité entre ceux qui ont besoin de ressentir une véritable attirance physique pour passer à l'acte et ceux chez qui ce dernier n'est que mécanique. Une question rarement abordée de manière aussi frontale et dépassant largement les clivages de l'homosexualité.

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Bizarre point de départ pour le malin « Humpday », de l'américaine Lynn Shelton, qui met au lit deux amis hétéros engagés dans un pari idiot: tourner un film porno amateur. Le film, aux apparences libérées, amène ses protagonistes, incapables de passer à l'acte, à questionner indirectement la nature des attributs masculins (besoin inné de domination, difficulté à l'engagement définitif, volonté de ne jamais se dégonfler face à ses congénères, mensonge pathologique pour évacuer toute culpabilité). Le scénario inverse progressivement les logiques, faisant du potentiel amant un complice, face à une femme en demande d'explication, qui doit alors essuyer des reproches. Il rejoint là, dans une version comique, quelques unes des scènes les plus dramatiques de « Nuits d'ivresse printanière » (prix du scénario) dans lequel l'affirmation de l'homosexualité passe par un nécessaire et mesquin affichage auprès de la femme, de l'existence d'un amant, prétendument ami.

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D'un autre côté, il y a ceux qui n'osent pas affirmer la chose, de peur de blesser, d'être rejetés, mais qui vivent plutôt librement les évènements. Dans « J'ai tué ma mère » (sortie le 15 juillet), malgré toute sa colère contre sa mère, exprimée dans un langage des plus fleuri par le biais de flots de reproches, un ado cache sa liaison avec un camarade de classe. Mine de rien, le réalisateur mesure le poids de ce secret dans une relation filiale houleuse pétrie de la certitude du rejet. Même chose dans « Taking Woodstock » (sortie le 9 septembre) dans lequel la sexualité du personnage central transpire peu à peu dans les regards, incluant le spectateur dans une complicité dont seuls les parents restent extérieurs, dans leur aveuglement quotidien.

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Mais c'est avec « I love you Philip Morris » que le summum est atteint. Ce film, produit par EuropaCorp fait se rencontrer un père de famille (Jim Carrey), qui après un accident décide de vivre sa sexualité au grand jour et d'affirmer son amour pour un codétenu qu'il a croisé (Ewan Mc Gregor, naïf et romantique en diable). Et le scénario, très drôle, joue avec les clichés (et oui, la vie gay coûte cher, d'où les arnaques à l'assurance dans lesquelles le héros se spécialise), mais surtout il n'épargne rien au spectateur, qui saura bientôt toutes les avantages que sucer son voisin peut apporter lors d'un séjour en prison. Finalement, seule la séparation de l'être aimé est ici une malédiction.


Tout le contraire donc, de ce que charriaient les films d'il y a une vingtaine d'année, qui montraient des homosexuels honteux, rejetés, obligés de se cacher aux yeux du monde. Mais la tolérance a encore du chemin à faire. Et un film israélien magnifique est venu nous rappeler que société et surtout religion ont toujours rejeté le différent à la marge. A la fois désespéré et beau, « Eyes wide open » affirme au travers de l'histoire d'amour de deux hommes de foi, qu'il est surtout fondamental pour l'homme, de se sentir vivant. Et ceci quelles qu'en soient les conséquences, rejet, ou pire, comme avec ce très beau final, silencieux et bouleversant, où l'un des amants retourne sur le lieu fondateur de leur amour: une source, justement. Car une fois qu'on a goûté à la vie et la liberté... il est souvent impossible de revenir en arrière.

Olivier Bachelard

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