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berlin 2012 - Bilan


SOUVENIRS

Si le Festival de Berlin 2012 n'aura pas été un grand cru, il n'en reste pas moins doté d'une sélection qui reflète l'état du monde. Avec une dominante montrant des tensions sociales aggravées, il dépeint aussi la tentation de révolte qui grandit. D'un aspect plus intimes, ce sont aussi les familles, pas seulement les sociétés, qui risquent aussi de se disloquer, même si les films se veulent parfois porteurs d'espoir, une seule rencontre pouvant tout changer. Comme un seul film peut vous changer la vie...

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Social, très social

Certainement le plus symbolique de cette édition 2012, « Just the wind », couronné du Grand Prix, montre l'aveuglement d'une population qui persécute ceux qu'il pense responsables de tous leurs maux. Il en va ainsi des Roms en Roumanie, dont le point de vue est adapté ici avec un minimalisme de mise en scène adéquat. Décrivant l'infinie pauvreté de villages africains sous pression de mercenaires qui enlèvent les enfants pour en faire des guerriers aveugles, remplaçant la faim par la violence, « Rebelle » fait également mouche, et a vu son interprète, Rachel Mwanza, récompensée. À côté de ces deux réussites indéniables, d'autres œuvres se permettent de souligner la précarité actuelle et de déplorer la nature des moyens visant à s'en sortir.

Ainsi « L'enfant d'en haut » décrit la débrouillardise par le vol, le contexte familial le contraignant à agir en adulte mafieux. « Leave it on the floor » force son héros à se réfugier dans la communauté gay, faute d¡acceptation familiale, partageant la couche d'inconnus pour se faire une place acceptable. L'espagnol « La chispa de la vida » entraîne son personnage principal, chômeur victime d'un accident, vers toutes les compromissions vis à vis des médias, pour mieux assurer l'avenir financier de sa femme et ses enfants. Enfin, les frères Taviani, sans entrer dans le détail des condamnations de leurs personnages, de réels prisonniers devenus un temps acteurs de théâtre, posent la question de la réinsertion par l'art. « César doit mourir » fait ainsi office de vision positive d'une société qui exclut, et ne croit que peu au changement.

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Tentation de la révolte

En ces période de tensions économiques, il est normal aussi que fleurissent les films politiques. Reflet d'une situation devenue intolérable, « DIAZ, don't clean up this blood » fut certainement le choc de cette quinzaine. Relatant la charge de la police sur le centre média alternatif, lors du G8 à Gênes, il dissèque les responsabilités de chacun, montrant l'inégalité de considération de l'État entre les plus riches (ceux qui sont à la table des discussions) et ceux qui veulent faire changer les choses (et qu'on piétine, même dans leurs idées). Une claque ! Dans une moindre mesure, « Les adieux à la reine » relève de la même logique, dépeignant l'oisiveté d'un monde aisé, encore sourd à la révolte de la rue, durant les quelques jours précédent la chute de la royauté française. Enfin, le film danois « Royal affair », multi-primé cette année, nous décrit une autre page d'Histoire, relatant la répressions de l'influence des Lumières sur une société régie par des parvenus.

Pour autant la révolte de certains consiste plutôt à tenter de reprendre les rennes. Ainsi dans « Rebelle », les enfants soldats participent d'une guerre, qui, si elle prend des formes inexcusables, consistant au règne du plus fort, pose la question de la corruption du pouvoir local, incapable de protéger son peuple de la misère et de la famine. De même, les guérilleros de « Captive », signé Brillante Mendoza, posent la question de l'acceptabilité de grands hôtels, bénéficiant peu à la population locale, véritables bunkers pour riches étrangers. Mais ces franges ultra-violentes du peuple s'ils réclament officiellement plus de justice, n'en constituent pas moins eux-mêmes des profiteurs isolés d'un réel mouvement de fond. Un mouvement qu'on espère ne pas voir venir d'un peuple resté caché sur la face sombre de la lune, et qui s'apprêterait lui aussi à revenir pour reprendre les rennes du monde : les nazis. Mais heureusement ce n'est qu'une élucubration du scénario du loufoque « Iron sky ».

Cependant parfois la révolte ne vient pas du peuple dans son ensemble, et ce sont les individus qui se retrouvent mis à l'écart ou persécutés, qui passent à l'action. Le personnage de « Barbara » de Christian Petzold (prix de la mise en scène) en est exemple flagrant, la jeune femme tentant de faire bonne figure, alors qu'elle est soupçonnée de trahison dans l'Allemagne de l'Est. L’héroïne de « A moi seule » elle aussi fait le dos rond face à celui qui la séquestre depuis plusieurs années. Mais l'espoir de s'échapper est toujours vivace. Et la question est plus, au final, de savoir combien de temps l'oppresseur va continuer à faire des efforts structurés pour garder sa proie entre ses griffes.

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Familles au bord de l'implosion

Si la cohésion de la société est clairement mise à mal, celle de la famille n'est pas en reste. Dans « Was bleibt », le réalisateur allemand Hans-Christian Schmid décrit l'impact du choix de la mère de cesser son traitement contre le cancer, risquant bien évidemment la mort. Cela va faire ressortir des tensions jusque là laissées de côté. Il en va de même entre les frères de « Jayne Mansfield's car », pour lesquels ceux qui n'ont pas fait la guerre ne sont pas réellement des hommes. Les règlements de compte des plus cruels sont aussi au rendez-vous. Enfin, ce n'est pas « Gnade », film allemand situé dans le Grand nord, qui va remonter le moral des troupes. Le film pose la culpabilité au centre de la vie d'un couple, suite à un accident de la circulation, alors que celui´ci est est déjà en difficultés, suite à une histoire d'adultère. Le parallèle entre paysages désolés et enneigés et l'état des sentiments du couple, est assez fin. Enfin, l'espagnol « Dictado », thriller peu convaincant, tente de poser une enfant venue de l'extérieur, comme un danger pour le couple. Une idée déjà exploitée, qui stigmatise toutes les inquiétudes de la femme.


Une rencontre qui change tout

Reste que si certaines cellules familiales se disloquent, une rencontre peut toujours tout changer. Et de nombreux films ne cessent de nous le rappeler.

Ainsi, dans « Meteora » deux religieux voient un lien troublant se dessiner entre eux et se retrouvent tentés par la chair. Le film, s'il divise, adopte une facture graphique intéressante, décrivant cette légende au travers d'un voyage dans un triptyque peint. Dans « Rebelle », c'est la rencontre avec un jeune homme qui incite la « sorcière de guerre » à tenter d'échapper à son clan. Le dur à cuire de « My brother the devil » trouvera lui en un jeune photographe, une raison pour affirmer sa sexualité et tenter de sortir de sa condition de jeune de banlieue. De même, dans « Postcard from the zoo », la rencontre hallucinée entre une jeune femme élevée dans un zoo et un cow-boy magicien, la mènera à se confronter au monde réel en sortant de son cocon.

Dans l'espagnol « Sleepless knights » ce sont deux jeunes hommes qui se rencontrent, loin de la ville bruyante et animée, pour une esquisse d'histoire d'amour qui entraînera forcément des choix. Car d'un mode de vie de jeune adulte, entre fêtes et boissons, il faut parfois savoir passer à quelque chose de plus sage, pour espérer se construire. Mais le tout est de ne pas passer à côté d'une histoire qui en vaut la peine. L'une d'entre elle, et nous terminerons par celle-ci, nous est contée sur un ton nostalgique indéniable, dans « Tabou », film portugais situant son action dans une Afrique coloniale révolue, sorte d' « Out of Africa » désabusé, qui nous rappelle l'importance de vivre ses rêves, quels qu'ils soient, et d'en poursuivre de nouveaux.

Olivier Bachelard

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