Les films les plus marquants de 2008 évoquent avant tout un réel point de vue cinématographique. Le premier est «There will be blood» réalisé par Paul Thomas Anderson, une fresque grandiose de la vie d’un pétrolier américain au début du 20e siècle, dont l’appât du gain détruira peu à peu son existence. Daniel Day-Lewis est magistral en homme rongé par l’argent et la solitude, fidèle au talent d’acteur auquel il nous a habitué au long de sa carrière. D’«Au nom du fils» à «Gangs of New York», cet acteur rayonne dans cette oeuvre où le tandem avec un réalisateur à la pointe de son art fonctionne redoutablement.
L’autre incontournable de 2008, c’est le film des frères Coen «No country for old men», poursuite pesante et implacable d’un tueur en série (interprété par un Javier Bardem terrifiant et psychotique). L’empreinte Coen est toujours aussi prégnante, dans son oscillation parfaite dans le rythme, le cadrage. On se sent étouffer dans des grands espaces et un gros plan sur un regard nous permet de nous évader: bienvenue dans le monde délicieusement ambigu des Coen! Pour clôturer le trio de tête, voici la palme du scénario à Cannes, «Le silence de Lorna» des frères Dardenne. L’héroïne, interprétée par une nouvelle venue époustouflante Arta Dobroshi, détonne par sa fraîcheur dans le monde glauque qui l’entoure. En tant qu’immigrée albanaise en Belgique, le paradoxe entre la naïveté de ses rêves et la noirceur des faits qu’elle est prête à accomplir pour y parvenir, est autant déstabilisant que touchant. L’immense qualité des réalisateurs réside alors dans l’usage de la caméra, toujours située à parfaite distance de leur sujet, afin de le laisser évoluer sous nos yeux.
Un acteur qui passe avec brio à la réalisation, voilà le film «Into the wild» de Sean Penn. Tiré d’une histoire vraie, la quête identitaire d’un jeune homme américain le conduira jusqu’en Alaska, à la recherche de sa nature profonde, d’une raison d’exister. Parfois critiqué pour sa forme et son ton très «américains» (la conquête des grands espaces qui transforme les êtres humains), le film possède néanmoins le souffle artistique et l’ambition des premières œuvres.
Des réalisateurs confirmés ont également brillé cette année. C’est le cas notamment de James Gray avec «Two lovers», qui dépeint le choix cornélien vécu par un homme qui, au-delà d’hésiter entre deux femmes, doit surtout choisir entre une reproduction des schémas familiaux ou un autre milieu, une nouvelle voie. La mise en scène et le traitement de la détresse frustrée du héros sont parfaitement maîtrisés. Le film «Un conte de Noël» d’Arnaud Desplechin aura su également tirer son épingle du jeu, mêlant cruauté des liens familiaux, poésie de l’imaginaire, et sens du devoir. Le choix des acteurs est impeccable, le personnage de Mathieu Amalric est aussi détestable qu’il est paumé, et le huis clos voulu par le réalisateur nous immerge pleinement dans cette famille. L’autre film qui a su se distinguer est «Be Happy», comédie de Mike Leigh dans laquelle on suit avec plaisir les pérégrinations d’une institutrice londonienne qui a décidé de parsemer son quotidien de pigments de bonheur, quitte à refuser le contact avec le monde réel. L’actrice principale Sally Hawkins a réussi le tour de force d’accéder à la reconnaissance avec un rôle atypique, où le spectateur hésite sans cesse entre l’admiration et l’envie de la faire taire!
Qui dit classement dit outsiders, ceux auxquels on ne s’attendait pas et qui se révèlent grâce à un bouche-à-oreille efficace. C’est le cas de «Juno», la perle indépendante américaine de Jason Reitman, déjà auréolée dans de nombreux festivals. D’une grande tendresse, ce film sonne tellement plus vrai que toutes les caricatures de la jeunesse américaine qu’on se prend d’affection pour cette adolescente, dont la fragilité est compensée par un humour dévastateur face à une grossesse non désirée. Le film «The Visitor» de Thomas McCarthy a également obtenu un accueil chaleureux du public, grâce au parti pris du réalisateur de ne pas tomber dans le manichéisme. Cette intrigue sur fond d’immigration à New York est profondément humaine, avec une vraie justesse de ton. Enfin, le premier film de Christine Dory, «Les Inséparables» offre à Guillaume Depardieu un de ses derniers rôles au cinéma, et promet à Marie Vialle une belle carrière. L’histoire d’amour passionnée de ce couple, entachée par la drogue, est une bouffée de simplicité, de personnages attachants et vrais.
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