DOSSIER

Les meilleurs films de 2008 selon Frédéric Wullschleger

Pour commencer ce bilan de l’année 2008, un coup de gueule ! Présenté au dernier Fantastic’Arts de Gérardmer, puis à l’Étrange Festival de Lyon, prévu en salle durant l’été, puis avancé au 18 juin en remplacement de "Martyrs", avant de disparaître purement et simplement du catalogue de son distributeur, le slasher mélancolique et lyrique "Tous les garçons aiment Mandy Lane" aura été le grand perdant d’une année particulièrement avare en films horrifiques de qualité. Mon coup de cœur personnel, le plus beau film vu en salle cette année, malheureusement invisible au plus grand nombre tant qu’un éditeur de DVD ne se penchera pas sur son cas. Bref, passons.

S’il est une tendance à retenir cette année, c’est la capacité foudroyante des blockbusters américains à interroger l’Histoire passée ou contemporaine des États-Unis par le truchement d’une réflexion à forte résonance mythologique. Questionnement philosophique de la naissance d’une nation fondée sur le sang – de la terre, des hommes – en une mise en image puissamment iconique (Daniel Day-Lewis, contemplant son puits en feu, tel un Hadès moderne à l’entrée des Enfers) chez Paul Thomas Anderson ("There Will Be Blood") ; questionnement politique et sociétal d’une Amérique en proie à la peur du terrorisme et de l’annihilation, coincée entre ses envies d’anarchie absolue (magnifique Heath Ledger en Joker torturé et méphistophélique) et son héritage historique d’auto-défense et de vigilitantisme chez Christopher Nolan ("The Dark Knight") ; relecture barbare et forcément jusqu’au-boutiste de la figure - jadis héroïque, aujourd’hui monstrueuse - du soldat telle qu’elle a été représentée dans le cinéma depuis de nombreuses années, chez Sylvester Stallone ("John Rambo")… Trois visions, plus ou moins fantasmées, de ce qu’est l’Amérique d’aujourd’hui, justifiant, au-delà même de leurs évidentes qualités formelles et narratives, la présence de ces trois films dans mon top.

Mais que les romantiques se rassurent, l’Amour est également au cœur de ce top, ma foi très contrasté ! Dostoïevskien et mélodramatique chez l’orfèvre James Gray, où une intrigue banale de teen-movie (un garçon, deux filles, trois possibilités ?) se mue en réflexion douce-amère sur les affres de la passion et de la raison, de l’ombre et de la lumière, portée par trois comédiens – dont un Joaquin Phoenix prodigieux – au sommet de leur talent ("Two Lovers") ; aérien et humaniste chez les magiciens de Pixar qui osent l’implication émotionnelle totale en évoquant les amours chaplinesques d’un gentil robot et d’une jolie sonde spatiale, conte romantique muet se transformant dans sa seconde partie en parabole écologique hilarante ("WALL-E") ; décalé et optimiste chez les trublions de la Team Apatow, comédie romantique franchement drôle et sincère, écrite et interprétée par l’excellent Jason Segel, et qui avoue avec aplomb que s’il est difficile de se remettre d’une rupture, autant le faire avec humour… et le tandem de charme Mila Kunis/Kristen Bell ! ("Sans Sarah, rien ne va ! ") ; flamboyant et tragique devant la caméra du surdoué Joe Wright, qui filme les amours contrariées de Keira Knightley et James McAvoy, alors que la guerre s’apprête à frapper, dans un souffle épique hérité du grand David Lean en tête ("Reviens-moi", et son plan-séquence anthologique sur les plages de Dunkerque) ; innocent et partagé, enfin, dans l’émouvant "Juno", qui unit la touchante Ellen Page et le génial Michael Cera, au cœur d’une jolie fable adolescente osant affirmer que rien ne sert de grandir trop vite et qu’il vaut mieux profiter du temps qui passe.

Quid de Guillermo Del Toro et des frères Wachowski ? Si l’un aura su imposer son cinéma généreux et divertissant, puisant au cœur-même de la culture populaire pour livrer une œuvre- somme forcément épique, magistrale et chorégraphique, mixant manga, jeux vidéo, comics, littérature fantastique, folklore oriental et celtique, sitcom, burlesque et comédie musicale (entre autres…) en un tout d’une incroyable cohérence ("Hellboy II", LE film de l’année !), les seconds auront su rebondir sur leur trilogie matrixienne pour inventer, ni plus, ni moins, le cinéma de demain ("Speed Racer", long plan-séquence jouissif abolissant les règles entre le virtuel et le réel, entre film d’animation et cinéma live), au sein d’un film identifié comme étant pour les enfants, qui plus est !

Une année magnifique donc, dont le seul point noir aura finalement été de voir le mystérieux M. Night Shyamalan, jadis auteur visionnaire du cinéma de genre, sombrer dans les méandres de l’auto-flagellation ridicule et peu inspirée : "Phénomènes", ou la chute d’un géant !

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