À L’EPREUVE DES FLEURS
De Artemio Benki
Niveau -1
Judith et Carl s’aiment. Un matin, Judith reçoit des fleurs. Le lendemain, de nouveau... Carl se met à douter... Au rythme des livraisons, leur couple se désagrège...
Dès la première image, on sait que l’on est en terrain connu, archi-connu même. Car ce quatrième court métrage d’Artemio Benki semble n’être que la caricature involontaire d’un certain cinéma français : deux acteurs inégaux en guise de protagonistes (si Mélanie Leray s’en sort plus pas mal, le pauvre Airy Routier fait peine à voir), un appartement anonyme en guise de décors, des dialogues ineptes lus plutôt que joués, un drame conjugal comme seul ambition narrative et une mise en scène poseuse à base de longs plans fixes. Et c’est bien là le problème de ce film sans affect et sans émotion, interprété de manière trop inégale. Dommage, car l’idée de départ était plutôt originale.
MONSIEUR COK
De Franck Dion
Niveau +2
Monsieur Cok est le propriétaire d’une usine de fabrication d’obus. Son obsession du rendement et du profit le conduit à remplacer ses employés par des automates. Cela ne va pas sans déclencher la colère de l’un d’eux...
Il flotte sur ce film d’animation un agréable parfum de lutte des classes et d’idéologie marxiste, tant la satyre politique et sociale se révèle truculente. Tout y passe, dans un design étrange (et pas toujours judicieux) et malgré un trait volontiers chargé évacuant toute finesse d’analyse. Ici, le « rebelle » est un barbu unijambiste se déplaçant à l’aide d’une faucille et d’un marteau (avec une relecture de l’Internationale comme leitmotiv musical), les obus sont fabriqués à l’image de leur concepteur, qui n’ai lui-même qu’un pantin mécanique interchangeable issu d’une gigantesque poule ! Si l’humour est constamment présent, l’idée finale fait plutôt froid dans le dos : ainsi, les grands dirigeants d’entreprises ne seraient que des robots conçus dans un moule unique, et destinés à être remplacés à l’identique lorsqu’ils ne fonctionnent plus. Brrr...
C’EST DIMANCHE !
De Samir Guesmi
Niveau +3
Alors qu’Ibrahim, 13 ans, vient d’être renvoyé du collège, il fait croire à son père qu’il a décroché un diplôme...
En voilà un sympathique court métrage ! Il y avait pourtant tout à craindre de ce petit drame banlieusard, dans lequel les clichés les plus éculés auraient eu droit de citer. Mais parce qu’il semble évoquer ce qu’il connaît bien, le cinéaste Samir Guesmi (dont c’est la première œuvre) évacue d’embler tout misérabilisme pour nous raconter ce dimanche définitivement pas comme les autres. Ancré dans un réalisme social de bon alois (le père ne lit pas le français ; il retrouve ses amis au PMU du coin), "C’est dimanche !" fait parfois penser aux films d’Abdellatif Kechiche dans son refus du drame pour le drame, s’attardant sur le quotidien pas évident de ses petites gens. Et s’affranchit avec justesse de nos attentes de spectateurs, lorsque le père d’Ibrahim, que l’on imagine volontiers violent (pas de raison particulière à ça, juste une désagréable intuition héritée de lointains clichés), essaie de comprendre le geste maladroit de son fils. Humble et touchant.
LE CŒUR D’AMOS KLEIN
De Michal & Uri Kranot
Niveau +3
Durant une opération à cœur ouvert, Amos Klein revoit les évènements majeurs de sa vie, correspondant à l’histoire d’Israël...
Mélangeant diverses formes d’animations (dessins animés, film rotoscopé – c'est-à-dire redessiné), cette évocation de l’histoire mouvementée d’Israël se révèle extrêmement juste et sincère. Réflexion sur la corruption morale, le militarisme ou l’endoctrinement, le film des frère Kranot évoque avec pudeur ce qui a pu constituer l’Etat d’Israël tel qu’on le connaît aujourd’hui, revenant sur des évènements historiques tel que la Guerre des Six Jours ou la fabrication du mur de séparation d’avec la Palestine. Un conte symbolique en forme de court d’histoire, audacieux et méritoire.
ATA
De Guillaume Giovanetti & Cagla Zencirci
Niveau +3
Ceyda, une jeune femme turque, arrive en France pour rejoindre l’homme qu’elle aime. Très vite, elle doit faire face à des difficultés et une solitude aussi soudaine qu’inattendues...
Encore un très beau film s’attardant sur des personnages en rupture d’identité sociale (un immigré ouïghour ayant fuit le régime chinois et une jeune turque délaissée par son amoureux), sans misérabilisme (l’immigré vit sur son lieux de travail) ni apitoiement mal placé (la jeune femme est victime d’une forme de discrimination dans sa recherche d’un emploi de traductrice). Préférant s’attacher à décrire leur rencontre, puis leur amitié naissante et nécessaire, usant pour cela d’une particularité linguistique étonnante : il semble en effet que la langue ouïghour corresponde à du turque... vieux de plusieurs centaines d’années ! Une trouvaille qui permet, en plus de ses formidables acteurs, au film de trouver sa voix, évitant habilement les écueils de l’œuvre autobiographique à message.
BÂMIYÂN
De Patrick Pleutin
Niveau +2
En 632, le moine chinois Xuanzang découvre les statues colossales des Bouddhas de la vallée de Bâmiyân en Afghanistan. En 2008, des enfants se racontent les mythes et légendes liées à ses statues, détruites par les Talibans en 2001...
L’histoire afghane, de ses légendes à la guerre contemporaine, racontée par et pour les enfants. Si la narration est des plus conventionnelle, c’est par son esthétisme si particulier que ce court poétique se distingue. En effet, nous sommes ici convier à un récit conté à la peinture. Une technique bien particulière (une plaque de verre sur laquelle sont appliqués des aplats de peinture) qui confère à ce film l’aspect audacieux d’une aquarelle en mouvement. Jouant sur les silhouettes et les ombres, Patrick Pleutin sert son propos avec justesse et conduit une expérience sensitive vraiment intéressante.
Frédéric Wullschleger
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