Alors que les deux derniers festivals de Venise ont mis en avant deux films asiatiques totalement opposés, dans leur style comme leur propos, le Festival du film asiatique de Deauville a lui aussi reflété cette dichotomie. Alors qu'en 2006, le Lion d'or était attribué au formidable « Still Life » de Jia Zhang-Ke, portraits croisés dans une Chine en pleine industrialisation, victime de son propre gigantisme, en 2007 la récompense était attribuée à « Lust, caution » , chronique passionnelle en costumes dans une Chine occupée, d'un classicisme déroutant.
Le dernier Festival Deauville Asia est à l'image de cette différence de styles, alignant aux côtés d'œuvres dont la lenteur, la précision, le souci du détail, traduisent une tendance à d'intimes portraits culturels ( « Kabei », « Beyond the years » ), des reconstitutions historiques poussives conférant soit au film de genre ( « Blood brothers », « Shadows in the palace » ), soit au modernisme rythmé et fantaisiste (l'excellent et surprenant « Le soleil se lève aussi »), ainsi que des constats sociaux des plus actuels (« With a girl of black soil », « The red awn », « Useless »).
Et ce sont ces derniers qui resteront dans les esprits, traduisant les mutations d'une Chine qui recevra bientôt, dans le plus grand modernisme apparant, les jeux olympiques. Ainsi, « Useless », documentaire signé Jia Zhang-Ke, se penche sur l'intégration progressive de la Chine à une économie mondialisée. Au travers de l'histoire d'une marque de vêtements « inutiles », usés dans la terre de manière artificielle, mais porteurs dans leur concept même d'une symbolique tradition, l'auteur montre l'évolution des mentalités, vers un esprit d'entreprendre qui fait son chemin au niveau du pays, mais aussi dans le monde. Opposant ainsi mondes ouvriers et créatifs, il réussit un chronique troublant.
Avec « With a girl of black soil », reparti avec le Lotus du meilleur film, Jeon Soo Il confronte une petite fille au devenir tragique de son père, viré de la mine où il travaille et devant à terme quitter la maison destinée à être rasée, comme l'ensemble de la cité ouvrière de montagne dans laquelle elle est érigée. Alcoolisme, désespoir, absence de perspective sont ici au menu de cette chronique de mutations annoncées, qui pointe la disparition d'une entraide entre générations, laissant à la fois la gamine prendre les rennes de la famille, et un vieillard errer dans la cité déserte, à demi nu. On en ressort bouleversé.
Enfin, « The red awn » tente de rebondir sur les bribes d'entraide qui subsistent dans les campagnes reculées. Jolie histoire de l'affrontement aveugle entre un fils et son père, revenu au pays après la mort de sa femme, le film décrit la détresse des anciens et la responsabilisation à outrance des plus jeunes, mettant ainsi l'accent sur le sacrifice d'une génération, victime de plein fouet de changements certainement trop rapides.
Olivier Bachelard
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