La programmation de ce 10e festival s’est caractérisée par un bel équilibre entre films poétiques, comédies de moeurs et fresques sociales aux connotations politiques. Un savant mélange des genres qui a permis d’offrir ce qu’il y a de meilleur dans le cinéma dit asiatique : un sens certain de l’esthétique (Beautiful, Ploy, Solos), un brin d’humour (Funuke) voire d’ironie (Exodus), et bien souvent une volonté forte de réalisme, que l’on retrouve dans une poignée de films parfois proches du documentaire.
En dépit du contrôle exercé par certains gouvernements sur la production locale (Solos, Exodus et Fujian Blue se sont heurtés à la censure de leur pays), le cinéma continue d’apporter de puissants témoignages d’une société mal dans sa peau, qui ne parvient pas à se remettre de ses maux. Dans Wonderful town, les habitants d’une ville du sud de la Thaïlande ravagée par le Tsunami peinent à reprendre le cours de leur vie. Dans Fujian Blue, c’est la quête d’un monde meilleur au-delà des frontières qui pousse une jeunesse chinoise à braver les interdits. Dans Flower in the pocket, la fracture sociale trouve son écho dans la routine d’un père de famille si seul qu’il en oublie d’aimer ses enfants.
L’un des thèmes forts développés dans la sélection du festival est justement celui de la famille, et plus précisément des enfants. Héritiers malgré eux d’un système économique et social en déclin, ils deviennent adultes avant l’heure. With a girl of black soil, film lauréat du festival, met en scène une gamine de 9 ans dont le père célibataire est victime d’une maladie des poumons contractée sur son lieu de travail. Il perd son emploi et abandonne peu à peu tout espoir, laissant sa fille s’occuper seule de la maison et veiller comme une mère sur son frère handicapé. Cette histoire sordide et révoltante trouve sa grâce dans la personnalité lumineuse de cette enfant à qui l’insouciance est interdite. Malgré l’innocence liée à son âge, elle parviendra à se sauver du naufrage.
Autre film mettant en scène des enfants livrés à eux-mêmes : Flower in the pocket du malaisien Liew Seng Tat, révélation du festival (qui lui permet d’ailleurs d’obtenir le 2e prix ex-aequo). Un père célibataire, trop occupé par son travail, reclus dans son monde, néglige complètement ses deux petits garçons. Après l’école, ceux-ci errent dans les rues de Kuala Lumpur en perpétuelle quête d’amusement et, accessoirement, de nourriture. Une existence peu enviable, néanmoins le film évite tout misérabilisme en se concentrant sur les péripéties quotidiennes de ses deux protagonistes et en décrivant la réalité sociale à travers leurs regard d’enfant. Sans manœuvre de leur part, le père finira contre toute attente par poser sur eux un regard différent, qui lui ouvrira enfin les portes du bonheur. Tout ne serait donc pas perdu ? C’est sans doute l’un des messages forts que l’on retiendra des films de ce festival. En Asie comme ailleurs, bien que le fardeau des enfants soit plus lourd que le nôtre, ils porteront toujours la beauté que nous croyions avoir perdue.
Sylvia Grandgirard
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